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et à lui promettre de s'employer pour lui sans réserve. Ils se prêtèrent à ses désirs; et, suivant l'usage des compagnics, parce qu'ils croyaient intéressant pour la ferme d'annoncer de la reconnaissance, et non parce qu'ils jugeaient Verrès digne de quelque considération, ils lui firent des remercîmens Carpinatius, lui dirent-ils, nous a souvent fait récit, par lettres, des services que vous vous empressiez de nous rendre.

LXXI. Verrès leur répond qu'il l'avait fait volontiers; et ayant donné de grands éloges au zèle de Carpinatius, il charge un de ses amis, pour lors chef de la compagnie, de prendre de solides mesures pour qu'il n'y eût rien dans les lettres adressées à la ferme qui pût nuire à sa réputation et servir à le perdre. Cet ami, sans s'adresser à la foule des associés, assemble les fermiers des dîmes, auxquels il expose la demande de Verrès. Ils arrêtent et décident qu'on supprimera les lettres qui pourraient nuire à la réputation du préteur, et qu'on fera en sorte que ces lettres ne puissent lui faire aucun tort. Si je montre que les fermiers ont décidé ce que je viens de dire; si je prouve que les lettres ont été supprimées d'après leur arrêté, que voulez-vous davantage? Puis-je apporter au tribunal une chose plus jugée, citer en justice un accusé plus condamné? Mais par le jugement de qui est-il condamné ? Sans doute, par le jugement de ceux que les citoyens qui désirent plus de sévérité dans les tribunaux, voudraient qu'on chargeât de juger les causes; par le jugement des chevaliers romains que le peuple demande aujourd'hui pour juges, et en faveur desquels nous voyons une loi publiée, non par un homme de notre origine, issu d'une famille équestre, mais par un citoyen 7 de la première nais

gem ab homine non nostri generis, non ex equestri loco profecto, sed nobilissimo, promulgatam videmus. Decumani, hoc est, principes et quasi senatores publicanorum, removendas de medio litteras censuerunt. Habeo ex iis, qui affuerunt, quos producam, quibus hoc committam, homines honestissimos ac locupletissimos, istos ipsos principes equestris ordinis: quorum splendore vel maxime istius, qui legem promulgavit, oratio et causa nititur. Venient in medium; dicent, quid statuerint. Profecto, si recte homines novi, non mentientur. Litteras enim communes de medio removere potuerunt : fidem suam et religionem removere non possunt. Ergo equites romani, qui te suo judicio condemnarunt, horum judicio condemnari noluerunt. Vos nunc, utrum illorum judicium, an voluntatem sequi malitis, considerate.

LXXII. At vide, quid te amicorum tuorum studium, quid tuum consilium, quid sociorum voluntas adjuvet. Dicam paullo promptius: neque enim jam vereor, ne quis hoc me magis accusatorie, quam libere dixisse arbitretur. Si istas litteras non decreto decumanorum magistri removissent; tantum possem in te dicere, quantum in litteris invenissem: nunc, decreto isto facto, litterisque remotis, tantum mihi licet dicere, quantum possum; tantum judici suspicari, quantum velit. Dico, te maximum pondus auri, argenti, eboris, purpuræ, plurimam vestem melitensem, plurimam stragulam, multam deliacam supellectilem, plurima vasa corinthia, magnum nu

sance. Les décimateurs, c'est-à-dire les chefs et comme les sénateurs des fermiers publics, ont arrêté de supprimer les lettres. Parmi ceux d'entre eux qui étaient présens et qui ont donné leur avis, je puis produire les plus distingués et les plus riches, ceux mêmes qui sont les chefs de l'ordre équestre, et dont la grande considération fait la principale force de l'opinion et des raisons de l'auteur de la loi. Ils paraîtront devant les juges, et diront ce qu'ils ont arrêté. Je les connais trop bien; ils ne mentiront pas assurément. S'ils ont pu détourner les lettres adressées au corps, ils ne pourront commettre un parjure. Les chevaliers romains, qui vous ont condamné réellement par leur arrêté, ont donc désiré que vous ne le fussiez point par la sentence des juges. Que le tribunal voie si l'on doit s'en rapporter à leur arrêté ou à leurs désirs.

LXXII. Mais examinez de quoi vous sert le zèle de vos amis, la bonne volonté des associés de la ferme, les mesures que vous avez prises. Je m'expliquerai un peu plus librement sur cet objet : car je ne crains plus qu'on me reproche de parler avec l'animosité d'un accusateur plutôt qu'avec la liberté d'un citoyen. Si les chefs de la compagnie n'avaient pas supprimé les lettres d'après un arrêté des décimateurs, je ne pourrais faire valoir contre vous que ce que j'aurais trouvé dans les lettres. Mais les lettres ayant été supprimées d'après cet arrêté, il m'est permis à moi de dire tout ce que je pourrai, et à un jugé de soupçonner tout ce qu'il voudra. Je dis que vous avez transporté de Syracuse une grande quantité d'or, d'argent, d'ivoire, de pourpre, beaucoup d'étoffes de Malte, beaucoup de tapis, un grand nombre de vases de Dé

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merum frumenti, vim mellis maximam, Syracusis exportasse his pro rebus, quod portorium non esset datum, litteras ad socios misisse L. Canulejum, qui in portu operas daret.

Şatisne magnum hoc crimen videtur? nullum, opinor, majus. Quid defendet Hortensius? postulabit, ut litteras Canuleji proferam? crimen hujusmodi, nisi litteris confirmetur, inane esse dicet? Clamabo, litteras remotas esse de medio decreto sociorum erepta mihi esse istius indicia ac monumenta furtorum. Aut hoc contendat numquam esse factum : aut omnia tela excipiat necesse est. Negas esse factum? placet mihi ista defensio: descendo : æqua enim conditio, æquum certamen proponitur: producam testes, et producam plures eodem tempore: quoniam tum, cum actum est, una fuerunt, nunc quoque una 1 sint: cum interrogabuntur, obligentur non solum jurisjurandi atque existimationis periculo, sed etiam communi inter se conscientia. Si planum fit, hoc ita, quemadmodum dico, esse factum : num poteris dicere, Hortensi, nihil in istis fuisse litteris, quod Verrem læderet? non modo id non dices, sed ne illud quidem tibi dicere licebit; tantum, quantum ego dicam, non fuisse. Ergo hoc vestro consilio et gratia perfecistis, ut quemadmodum paullo ante dixi, et mihi summa facultas ad accusandum daretur, et judicibus libera potestas ad credendum.

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Sunt.

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los, de Corinthe, des provisions considérables de blé et de miel; je dis que Canuléius, chargé de la perception des droits de douane, a écrit à la ferme parce qu'on n'avait point payé pour tous ces articles.

L'accusation vous paraît-elle assez grave? Je ne vois pas qu'elle puisse l'être davantage. Comment se défendra Hortensius? Demandera-t-il que je produise les lettres de Canuléius? Dira-t-il qu'une accusation de cette espèce est nulle, si elle n'est prouvée par les lettres? Je me récrierai sur ce que les lettres ont été supprimées; je dirai que l'arrêté des associés de la ferme m'a ôté les indices et les preuves par écrit des vols de Verrès. Hortensius soutiendra qu'il n'y a pas eu d'arrêté, ou il recevra tous les coups que je lui porte. Nie-t-il l'arrêté? Cette défense me plaît, je descends dans l'arène. Le combat qu'on me propose est juste, la partie est égale. Je produirai des témoins, et j'en produirai plusieurs à la fois. Ils étaient ensemble lorsqu'on a décidé la suppression des lettres; il faut donc qu'on les interroge ensemble, afin qu'ils soient retenus, non-seulement par la religion du serment et par l'intérêt de leur réputation, mais encore par la crainte de leurs connaissances mutuelles. S'il est prouvé que la chose s'est faite comme je le dis, vous ne pourrez avancer, Hortensius, qu'il n'y avait rien dans les lettres de contraire à Verrès. Loin de pouvoir l'avancer, il ne vous sera pas même permis de prétendre qu'il n'y avait point tout ce qu'il me plaira de dire. Ainsi, Verrès, avec tout votre crédit, vous n'avez fait, comme je le disais tantôt, qu'ouvrir un champ libre et aux imputations de l'accusateur et aux soupçons des juges.

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