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assez haut qu'ils ont été raturés et falsifiés. Espérez-vous, Verrès, pouvoir échapper, lorsque nous vous poursuivons, non d'après des conjectures douteuses, mais d'après vos. propres vestiges, d'après les traces toutes fraîches imprimées dans les registres de votre préture? Et il a condamné sans l'entendre Sthénius, comme ayant falsifié les registres publics, lui qui n'a pu se défendre d'avoir falsifié des registres publics dans l'affaire de ce même Sthénius!

XLIII. Mais voyez une autre extravagance; voyez comme il s'embarrasse de plus en plus en voulant se dégager! Il donne pour représentant * à Sthénius, qui? un de ses parens. et de ses proches? Non. Un habitant de Thermes, personnage noble et distingué? Point du tout. Un Sicilien qui ait un rang, qui jouisse de quelque considération? Rien moins. que cela. Qui donc? Un citoyen romain. A qui le fera-t-on croire? Quoi! Sthénius, le plus noble de sa ville, dont la famille était des plus qualifiées, qui comptait beaucoup d'amis, qui jouissait d'un grand crédit et d'une grande considération dans toute la Sicile; Sthénius n'a pu trouver un seul Sicilien qui se constituât son représentant ? A qui le persuaderez-vous? A-t-il préféré un citoyen romain? Montrez-moi un Sicilien accusé qui ait jamais pris un citoyen citoyen romain pour représentant. Produisez, mettez sous les yeux les registres de tous les préteurs qui vous ont précédé. Si vous en trouvez un seul, je conviendrai avec vous que tout s'est passé comme vous le marquez dans vos registres. Mais peut-être Sthénius s'est-il fait un honneur de choisir quelqu'un dans le nombre

* An appelait cognitor, celui qui représentait un homme présent. On donnait le nom de procurator à celui qui représentait un absent. Il semble cependant que ces deux titres se donnaient aux deux espèces de représentans, puisque le texte porte cognitorem.

daret. Quem delegit? quis in tabulis scriptus est? C. Claudius, C. F. Palatina. Non quæro, quis hic sit Claudius, quam splendidus, quam honestus, quam idoneus, propter cujus auctoritatem et dignitatem Sthenius ab omnium Siculorum consuetudine discederet, et civem romanum cognitorem daret: nihil horum quæro: fortasse enim Sthenius non splendorem hominis, sed familiaritatem secutus est. Quid si omnium mortalium Sthenio nemo inimicior, quam hic C. Claudius, tum semper, tum in his ipsis rebus et temporibus fuit? Si de litteris corruptis contra venit? si contra omni ratione pugnavit? utrum potius pro Sthenio inimicum cognitorem esse factum, an te in Sthenii periculo inimici ejus nomine abusum esse, credemus?

XLIV. Ac, ne quis forte dubitet, cujusmodi totum sit negotium : tametsi jamdudum omnibus istius improbitatem perspicuam esse confido, tamen paullulum etiam attendite. Videtis illum subcrispo capillo, nigrum, qui eo vultu nos intuetur, ut sibi ipse peracutus esse videatur? qui tabulas tenet? qui scribit? qui monet? qui proximus est? is est C. Claudius, qui in Sicilia sequester istius, interpres, confector negotiorum, prope collega Timarchidi numerabatur : nunc obtinet eum locum, ut vix Apronio illi de familiaritate concedere videatur, et qui se non Ti

des citoyens romains, dans la foule de ses amis et de ses hôtes, pour le constituer son représentant. Qui donc a-t-il choisi? Qui est-ce qui est inscrit sur les registres? Claudius, fils de Caïus, de la tribu palatine 46. Je ne demande pas quel est ce Claudius, si c'est un personnage assez considéré, assez distingué, assez habile, pour que son rang et sa réputation aient engagé Sthénius à s'écarter de l'usage de tous les Siciliens, à prendre un citoyen romain pour représentant. Je ne fais aucune de ces demandes: car peut-être Sthénius s'est-il déterminé, moins par l'importance du personnage que par le degré de l'amitié. Mais si, parmi tous les hommes, Sthénius n'a pas eu de plus grand ennemi que ce Claudius dans tous les temps, et surtout dans les circonstances actuelles, dans l'affaire même dont il s'agit; s'il a été un de ses adversaires dans la cause de la falsification des registres; s'il l'a attaqué par mille moyens ; croirons-nous que Sthénius ait constitué un ennemi pour son représentant? Ne croirons-nous pas plutôt que Verrès, dans le jugement de Sthénius, se soit servi pour le perdre du nom de son ennemi?

XLIV. Je me flatte que tout le monde, depuis long-temps, est convaincu de la perversité de Verrès; mais dans la crainte que par hasard quelqu'un ne doute de quelle nature est toute cette intrigue, je vous demande encore un peu d'attention. Voyez-vous cet homme basané, dont les cheveux sont un peu crépus, qui croit nous regarder avec un air de malice et de finesse, qui a des mémoires en main, qui écrit, qui avertit l'orateur, qui est assis à ses côtés ? C'est Caïus Claudius. On le regardait en Sicile comme le messager, l'entremetteur, l'agent de Verrès, presque le collègue de Timarchide : maintenant il a obtenu un si haut degré de confiance, qu'il semble à peine le céder pour l'intimité à Apronius, et qu'il se dit uon

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marchidis, sed ipsius Verris collegam et socium esse dicebat. Dubitate etiam, si potestis, quin eum iste potissimum ex omni numero delegerit, cui hanc falsi cognitoris improbam personam imponeret, quem et huic inimicissimum, et sibi amicum esse arbitraretur? Hic vos dubitabitis, judices, tantam istius audaciam, tantam crudelitatem, tantam ́injuriam vindicare? 3 dubitabitis exemplum judicum illorum sequi, qui, damnato Cn. Dolabella, damnationem Philodami Opuntii resciderunt, quod is non absens reus factus esset; quæ res iniquissima et acerbissima est : sed cum ei legatio Romam a suis civibus esset data? Quod illi judices multo in leviore causa statuerunt, æquitatem secuti : vos id statuere in gravissima causa, præsertim aliorum auctoritate jam confirmatum, dubitabitis?

XLV. At quem hominem, C. Verres, tanta, tam insigni injuria affecisti? cujus absentis nomen recepisti? quem absentem, non modo sine crimine, et sine teste, verum etiam sine accusatore damnasti? Quem hominem? dii immortales! non dicam amicum tuum, quod apud homines carissimum est: non hospitem, quod sanctissimum est: nihil enim minus libenter de Sthenio commemoro : nihil aliud in eo, quod reprehendi possit, invenio, nisi quod homo frugalissimus, atque integerrimus, te, hominem plenum stupri, flagitii, sceleris, domum suam invitavit; uisi quod, qui C. Marii, Cn. Pompeji, C. Marcelli,

Abest hanc. 2 Dubitatis. 3.Dubitatis.

le collègue et le compagnon de Timarchide, mais de Verrès luimême. Pouvez-vous douter encore que Verrès ne l'ait choisi entre tous par préférence, pour lui faire jouer le rôle odieux ďun représentant supposé, parce qu'il le croyait son ami, et l'ennemi juré de Sthénius ?

Hésiterez-vous, Romains, à punir une telle audace, une telle cruauté, une telle injustice? Hésiterez-vous à suivre l'exemple de ces juges qui, en condamnant Dolabella 47, ont annulé la condamnation de Philodame, citoyen d'Opuntium, parce qu'il avait été accusé, non pas en son absence, ce qui est la chose du monde la plus cruelle et la plus inique, mais parce qu'il était député à Rome par ses concitoyens ? Ce que ces juges ont décidé dans une cause de moindre conséquence, par des principes d'équité; balancerez-vous à le décider dans une cause des plus graves, surtout étant autorisés par l'exemple d'autres juges?

. XLV. Mais à quel homme, Verrès, avez-vous fait une injure aussi atroce, aussi éclatante? Quel homme avez-vous exigé qu'on vous dénonçât quoiqu'il fût absent? quel homme avez-vous condamné en son absence, non-seulement sans accusation et sans témoins, mais encore sans accusateur? Quel homme ? grands dieux ! je ne dirai pas votre ami, ce titre si cher parmi les mortels; ni votre hôte, ce titre si sacré : car la chose que je dis le moins volontiers de Sthénius, la seule chose que je trouve à reprendre en lui, c'est qu'étant le plus sage et le plus intègre des hommes, il vous a invité à loger dans sa maison, vous qui ne respirez que le crime, l'adultère et l'infamie; c'est qu'ayant été ou étant encore l'hôte de C. Marius, de Cn. Pompée, de C. Marcellus, de L. Si* Il était un des juges dans l'affaire de Verrès.

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