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Hélas! il te sied trop bien,
D'être parjure et volage.
Viens-tu de trahir ta foi?

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Tu n'en es que plus piquante
Plus belle et plus séduisante;
Les cœurs volent après toi.
Par le mensonge embellie,
Ta bouche a plus de fraîcheur.
Après une perfidie,

Tes yeux ont plus de douceur.
Si par l'ombre de ta mere,
Si par tous les dieux du ciel,
Tu jures d'être sincere,
Les dieux restent sans colere
A ce serment criminel;
Vénus en rit la premiere ;
Et cet enfant si cruel,
Qui sur la pierre sanglante
Aiguise la fleche ardente
Que sur nous tu vas lancer,
Rit du mal qu'il te voit faire,
Et t'instruit encore à plaire

༣།

Pour te mieux récompenser. Combien de vœux on t'adresse ! C'est pour toi que la jeunesse

Semble croître et se former.
Combien d'encens on t'apporte!
Combien d'amans à ta porte

Jurent de ne plus t'aimer !
Le vieillard qui t'envisage,
Craint que son fils ne s'engage

En un piége si charmant,
Et l'épouse la plus belle q
Croit son époux infidelle
S'il te regarde un moment.

A PYRRH A.

Pyrrha, quel est l'amant enivré de tendresse,
Qui, sur un lit de rose, étendu près de toi,
T'admire, te sourit, te parle, te caresse,

Et jure qu'à jamais il vivra sous ta loi?

Quelle grotte fraîche et tranquille

Est le voluptueux asyle

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Où ce jeune imprudent, comblé de tes faveurs, Te couvre de parfums, de baisers et de fleurs ? C'est pour lui qu'à présent Pyrrha veut être belle; Que ton goût délicat releve élégamment

Ta simplicité naturelle,

Et fait naître une grâce à chaque mouvement.
Pour lui ta main légere assemble à l'aventure
Une flottante chevelure

Qu'elle attache négligemment.

Hélas! s'il prévoyait les pleurs qu'il doit répandre!
Crédule, il s'abandonne à l'amour, au bonheur.
Dans ce calme perfide, il est loin de s'attendre
A l'orage affreux du malheur.

L'orage n'est pas loin: il va bientôt apprendre
Que l'aimable Pyrrha qu'il possede aujourd'hui,
Que Pyrrha, si belle et si tendre,

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N'était pas pour long-tems à lui.

Qu'alors il pleurera son fatal esclavage!
Insensé qui se fie à ton premier accueil!

Pour moi le tems m'a rendu sage ;

J'ai regagné le port, et j'observe de l'œil
Ceux qui vont comme moi se briser à l'écueil
Que j'ai connu par mon nauffage.

C

Il faut voir ce qu'est Horace jusque dans un simple billet, où il s'agit d'un souper chez sa maîtresse : son imagination riante l'y conduit en bonne compagnie.

O reine de Paphos, de Gnide et de Cythere!

Viens, quitte ces beaux lieux, quittes-les pour Glycere.
Sa demeure est plus belle, et son encens plus doux.
Mene avec toi l'enfant qui nous commande à tous,
Qui regne sur le Monde et même sur sa mere.
Mercure, ennemi des jaloux,

Les Grâces en robe flottante,

Les Nymphes à l'envi se pressant sur tes pas,
Et la Jeunesse enfin, divinité charmante,

Qui sans toi ne le serait pas.

Quelle flexibilité d'esprit et de style ne faut-il pas pour passer de ces images gracieuses aù ton de l'ode Justum et tenacem, dont le début, si fier et si imposant, a été souvent cité comme un modele du style sublime!

Un

Le juste est inébranlable,
Et sur la base immuable
Des vertus et du devoir,

Il verra, sans s'émouvoir,
tyran furieux lui montrant le supplice,
Un peuple soulevé lui dictant l'injustice,

Le bras de Jupiter tout prêt à foudroyer:

Le ciel tonne, la mer gronde,

Sur lui les débris du Monde
Tomberont sans l'effrayer.

Il y a dans Horace environ une trentaine d'odes galantes ou amoureuses, qui prouvent toutes combien cet écrivain avait l'esprit fin et délicat. Ce sont la plupart des chefs-d'œuvre finis par la main des Grâces. Personne ne lui en avait donné le modele. Ce n'est point là la maniere d'Anacréòn: le fond de ces petites pieces est également piquant dans toutes les langues et chez tous les peuples où regnent la galanterie et la politesse. Elles sont même beaucoup plus agréables pour nous que les odes héroïques du même auteur, dont le fond nous est souvent trop étranger, et dont la marche hardie et rapide ne peut guere être suivie dans notre langue, qui procede avec plus de timidité, et veut toujours de la méthode et des liaisons. Peutêtre serions-nous un peu étourdis de la course vagabonde du poëte, et trouverions-nous qu'il y a dans cette espece d'ouvrage trop pour l'imagination et pas assez pour l'esprit. Sous ce point de vue, chaque peuple a son goût analogue à son caractere et à son langage; et il est sûr odes, n'étant pas faites pour être chantées, ne pas ressembler aux odes grecques et latines.

doivent

que nos

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La plupart au contraire sont des discours en vers, peu près aussi suivis, aussi bien liés qu'ils le seraient en prose. Je ne dis pas qu'il faille nous en blâmer absolument; mais ne seraient-elles pas susceptibles d'un peu plus d'enthousiasme et de rapidité qu'on n'en remarque, même dans nos plus belles? C'est ce qu'il sera tems d'examiner quand il sera question des lyriques modernes (1).

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(1) Parmi eux la premiere place appartient sans contredit à Rousseau. Mais en finissant cet article, peut-être n'est-il pas inutile d'observer, pour l'intérêt du goût, quel tort lui font ceux qui, rédigeant au hasard des livres élémentaires, des poétiques, des rhétoriques à l'usage des jeunes gens, les induisent en erreur, en citant, à l'abri d'un nom célebre, de très-mauvais vers dont il ne faudrait parler que pour en faire voir les défauts, bien loin de les rapporter comme des autorités. Tous ces compilateurs qui se copient fidellement les uns les autres, et dont le nombre est infini, ne manquent jamais, propos d'Horace, de transcrire le jugement qu'en a porté Rousseau dans ses épîtres. Le voici :

à

Non moins brillant, quoique sans étincelle,
Le seul Horace en tous genres excelle,
De Cythérée exalte les faveurs,

Chante les dieux, les héros, les buveurs,
Des sots auteurs berne les vers ineptes,
Nous instruisant par gracieux préceptes
par sermons de joie antidotés.

Et

De jeunes étudians dont le goût ne peut pas encore être

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