Page images
PDF
EPUB

naux réunis était un préteur 49; mais les questeurs sortant d'exercice étaient aussi chargés de la direction des affaires jusqu'à l'époque où Octave transporta cette fonction aux décemvirs, dont nous parlerons tout à l'heure 5o.

Quant à la compétence des centumvirs, son objet principal, c'étaient les questions qui concernaient la propriété quiritaire ou, ce qui n'est qu'une conséquence naturelle, les successions; c'est ce que nous apprennent une énumération célèbre de Cicéron et les exemples que nous possédons; c'est ce qu'indiquait également la lance, symbole de la propriété quiritaire, toujours dressée devant le tribunal 2.

A la différence des juges privés, les centumvirs jugeaient le droit comme le fait, ce qui nous explique l'importance et l'influence des præjudicia que rendaient ces juges **.

L'origine de ce tribunal est du reste fort obscure. Le rapport intime de la propriété quiritaire et du cens donne beaucoup de vraisemblance à l'opinion qui attribue à Servius Tullius l'éta

49 PLINE, Ep., V, 21.

O SUET., Octav., c. 36. Auctor... fuit... ut centumviralem hastam, quam quæstura functi consueverant cogere, decemviri cogerent.-PLINE, Ep., V, 21. - DIO CASS., LIV, 26.

51 CIC., de Orat., I, 38. Nam volitare in foro, hærere in jure ac prætorum tribunalibus, judicia privata magnarum rerum obire, in quibus sæpe non de facto, sed de æquitate ac jure certatur, jactare se in causis centumviralibus, in quibus usucapionum, tutelarum, gentilitatum, agnationum, alluvionum, circumluvionum, nexorum, mancipiorum, parietum, luminum, stilicidiorum, testamentorum ruptorum et ratorum, ceterarumque rerum innumerabilium jura versentur, cum omnino quid suum, quid alienum, quare denique civis an peregrinus, servus an liber quisquam sit, ignoret, insignis est impudentiæ. Ep. ad Fam. VII. 32. Pro. Mil., c. 27.

52 GAIUS, IV, 16. Festuca autem utebantur quasi hastæ loco, signo quodam justi dominii; [omnium] enim maxime sua esse credebant, quæ ex hostibus cepissent. Unde in centumviralibus judiciis hasta præponitur, 5 Cic., de Orat., I, 38 (sup., n. 51), ibid., c. 56. Nam quod maximas centumvirales causas in jure positas protulisti, etc. · pro Cæcina, 18.QUINTIL., Inst. orat., IV, 2, § 5.

34 VAL. MAX., VII, 7, 2. 3. 4. 5 ; VII, 8, 1, 2, 4.—QUINTIL., Inst. orat.,

87

blissement des centumvirs ; mais il ne faut pas néanmoins voir dans ce tribunal une institution plébéienne 56, car le mode de nomination des centumvirs par les tribus, qui pourrait conduire à cette supposition, ne peut pas remonter plus haut que les Douze Tables. Sous la république, le tribunal centumviral conserva toute son importance; c'est ce que prouvent la gravité des questions qui se débattaient devant lui, la forme antique de ses procédures et les plaidoiries célèbres qui dès avant Cicéron se prononcèrent devant les centumvirs 5. Il est vrai qu'alors les orateurs en réputation parlaient plus volontiers et plus souvent devant le peuple et les judices que devant un tribunal où ne s'agitaient que des questions d'intérêt privé; mais plus tard, quand la grande éloquence fut morte avec la république, ce fut devant les centumvirs que se développa cctte éloquence précieuse et dégénérée, qui n'avait plus pour s'alimenter l'énergie de la vie publique *. Jusqu'à quelle époque se maintint ce tribunal est chose fort incertaine. Il est possible qu'il ait duré jusqu'à la chute de l'empire d'Occident.

59

55 Arg. DENYS, IV, 25.

56 C'était l'opinion de Niebuhr, I, 472; mais il est impossible d'admettre qu'à cette époque la liberté plébéienne eût fait un si grand pas; comment expliquer alors les plaintes perpétuelles des plébéiens contre l'inégalité de la justice, et leur ignorance du droit et de la procédure? Les judices dont parle Tite-Live, III, 55, et dans lesquels Niebuhr a vu des centumvirs, peuvent être ces judices auxquels les tribuns choisis pour arbitres renvoyaient la décision de l'affaire.

57 GAIUS, IV, 30, 31. (Inf., ch. 2. n. 8. 9.)—GELLIUS, XVI, 10. Sed enim cum proletarii, et assidui, et sanales et vades et subvades, et viginti quinque asses, et taliones, furtorumque quæstiones cum lance et licio evanuerint, omnisque illa XII Tabularum antiquitas, nisi in legis actionibus centumviralium causarum, lege butia lata consopita sit, studium, etc. QUINTIL., Inst. orat., V, 10, 115. 38 Cic., pro Cacina, 18, 24; de Orat., 11, 23.

Cette pensée se trouve exprimée avec une énergie remarquable dans le dialogue de Causis corrupt, eloq., c. 38. Pline parle souvent et avec emphase des causes qu'il a plaidées devant les centumvirs. Ep., I, 5, 18; II, 14; IV, 16; VI, 12, 33; IX, 23. QUINTIL., Inst. orat., IV, 1, § 57.

61

Enfin il faut nommer ici les decemviri stlitibus judicandis, dont l'institution doit remonter à la même époque que celle des triumviri capitales, c'est-à-dire vers l'année 463 °. Il est possible néanmoins que les décemvirs existassent déjà comme magistrature plébéienne 1 et qu'on leur ait seulement donné alors une destination nouvelle. Leurs attributions sont trèspeu connues. Cicéron nous apprend qu'on procédait devant eux par la forme du sacramentum 62. Octave leur donna la direction du tribunal centumviral 3. Il semble également que sous l'empire ils eurent une part de la juridiction criminelle 64..

Au dehors de Rome, en Italie, depuis que ce pays fut soumis à la suprématie romaine, la juridiction de chaque cité et de son territoire fut aux mains des magistrats municipaux. La justice était administrée comme à Rome, c'està-dire que le magistrat disait le droit et établissait un judicium pour appliquer le droit au fait 6. Dans les provinces, le magistrat romain faisait fonction du préteur de Rome; lors de la tenue de chaque conventus, il administrait la justice

67

60 Pomp., L. 2, § 29. D. de Orig. jur., I, 2. Deinde quum esset necessarius magistratus qui hastæ præesset, decemviri in litibus judicandis sunt constituti. § 30. Eodem tempore et quatuorviri, et triumviri capitales..... 61 Niebuhr croit reconnaître ces magistrats dans les décemvirs dont parle Tite-Live, III, 55.

62 CIC., pro Cacina, 33; pro domo, 29.

63 Sup., note 50. Pomponius (sup., note 60) a fait confusion en leur donnant cette fonction de l'époque dès leur institution.

64 BOECKI, Inscript. græc., t. I, no 1133, 1327.

6 Fragm. legis Mamiliæ, 3, 5. Lex Rubria de Gallia Cisalp., 23. Fragm. leg. Servil., 12. Lex Tab. Heracl. part. alt. lin, 55.

66 C'est ce que prouve la loi Rubria relative à la Gaule Cisalpine et la loi dite Lex Mamilia relative aux colonies. Lex Mamil., c. 5. Quicumque magistratus in ea colonia, municipio, præfectura, foro, conciliabulo, jure dicundo præerit, ejus magistratus de ea re jurisdictio, judicisque datio addictio esto.

67 Ces assises du magistrat romain se nommaient conventus, et aussi forum agere. Cic., ad Att., V, 21; VI, 2. FESTUS. Vo Forum. Is qui provinciæ præest, forum agere dicitur, cum civitates vocat et de controversiis earum cognoscit.

en renvoyant l'examen du fait tantôt à un judex et tantôt à des recuperatores. Il semble même que dans ce but le magistrat dressait une liste judiciaire composée et des citoyens romains faisant partie du conventus et des nationaux 70.

On distinguait les judicia (et cette distinction était générale) en judicia legitima et judicia quæ sub imperio continentur. Le judicium était legitimum s'il avait lieu à Rome ou dans le premier mille autour de la ville, devant un seul ju dex, toutes les parties ayant droit de cité romaine. Manquait-il une seule de ces conditions, ce n'était plus un judicium legitimum, mais bien un judicium quod sub imperio continetur". Cette distinction tenait sans doute à une diffé

68 Mention d'un seul judex, Cic., in Verr., II, 29; d'un judex et de recuperatores tous ensemble, in Verr., III, 11, 58-60; de recuperatores seulement, Divin., 17, in Verr., III, no 21, 22, V. 54; Pro Flacco, 19, 20, 21. ULP., I, 13; THEOPH., I, 6, § 4.

[ocr errors]

60.

[ocr errors]

Cic., in Verr., II, 13. Selecti judices civium Romanorum ex conventu proponi solent, III, 11, 70 PLINE, Ep., X, 66.

71 GAIUS, IV, 103. Omnia autem judicia aut legitimo jure consistunt, aut imperio continentur. 104. Legitima sunt judicia quæ in urbe Roma, vel intra primum urbis Romæ milliarium, inter omnes cives romanos, sub uno judice accipiuntur: eaque lege Julia judiciaria, nisi in anno et sex mensibus judicata fuerint, expirant, et hoc est quod vulgo dicitur, e lege Julia litem anno et sex mensibus mori. 105. Imperio vero continentur recuperatoria et quæ sub uno judice accipiuntur, interveniente peregrini persona judicis aut litigatoris. In eadem causa sunt, quæcumque extra primum urbis Romæ milliarium tam inter civem romanum quam inter peregrinos accipiuntur ideo autem imperio contineri judicia dicuntur, quia tamdiu valent quamdiu is, qui ea præcepit, imperium habebit. 109. Ceterum potest ex lege quidem esse judicium, sed legitimum non esse; et contra ex lege non esse sed legitimum esse : verbi gratia (si) ex lege Aquilia, vel Ovinia vel Furia in provinciis agatur, imperio continebitur judicium : idemque juris est et si Romæ apud recuperatores agamus, vel apud unum judicem interveniente peregrini persona. Et ex diverso si ex ea causa, ex qua nobis edicto prætoris datur actio, Romæ sub uno judice inter omnes cives romanos accipiatur judicium, legitimum est. CICERON fait mention de ce legitimum judicium, pro Rosc. com., c. 5; Orat, part., c. 12.—Ulp., XI, 27.— Fragm. Vat., § 47.

rence originaire fort ancienne; mais il est impossible de rien dire de précis à ce sujet.

CHAPITRE II.

Du mode et de la forme des Procédures.

Dans l'enfance de la législation, quand le droit était tout entier dans la main des pontifes, la procédure judiciaire était emprisonnée dans des formes étroites et mêlée de certains actes symboliques qui traduisaient à l'esprit l'idée dominante du procès. Il y avait cinq formes légitimes, cinq legis actiones, pour introduire régulièrement une procédure : le sacramentum, la postulatio judicis, la condictio, la manus injectio et la pignoris captio'. Les quatre premières actions de loi avaient cela de commun qu'elles ne pouvaient avoir lieu que devant le magistrat, in jure (par conséquent seulement dans les jours fastes), et en présence de l'adversaire. Ces conditions n'étant point exigées pour la pignoris captio, c'était un sujet de doute pour quelques jurisconsultes de savoir si cette forme judiciaire était une legis actio2.

1 GAIUS, IV, 11. Actiones quas in usu veteres habuerunt, legis actione appellabantur, vel ideo quod legibus proditæ erant, quia tunc Edicta prætoris quibus complures actiones introductæ sunt, nondum in usu habebantur; vel ideo quia ipsarum legum verbis accomodatæ erant, et ideo immutabiles proinde atque leges observabantur. Unde eum qui de vitibus succisis ita egisset, ut in actione vites nominaret, responsum rem perdidisse est, quia debuisset arbores nominare, eo quod lex XII Tabularum, ex qua de vitibus succisis actio competeret, generaliter de arboribus succisis loqueretur, 12. Lege autem agebatur modis quinque : sacramento, per judicis postulationem, per condictionem, per manus injectionem, per pignoris captionem. L. 2. §. 6. de O. J. D. 1. 2.

2 Gaius, IV, 29... Certis verbis pignus capiebatur; et ob id plerisque placebat hanc quoque actionem legis actionem esse : quibusdam autem non placebat; primum quod pignoris captio extrà jus peragebatur, id est

« PreviousContinue »