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INTRODUCTION.

PTOLEMÉE AULETES, roi d'Alexandrie, ayant été chassé du trône par ses sujets, vint à Rome, où il obtint du sénat qu'il serait rétabli avec une armée romaine. Mais ensuite le sénat changea d'avis, lorsqu'on eut consulté les livres sibyllins qui défendaient aux Romains d'entrer en Égypte avec une armée. Cicéron, qui paraît regarder cet oracle comme une fiction de C. Caton, tribun du peuple, l'appelle dans ses lettres (Ep. fam., I, 1) religionis calumniam. Lucain en parle ainsi, Pharsale, VIII, 823:

Noxia civili tellus Ægyptia fato,

Haud equidem immerito Cumanæ carmine vatis
Cautum, ne Nili Pelusia tangeret ora
Hesperius miles, ripasque æstate tumentes.

Ptolémée, ne pouvant donc réussir dans sa demande, partit de Rome, où il avait emprunté à C. Rabirius Postumus des sommes considérables, dont il lui avait fait des billets. Arrivé en Syrie, il s'adressa à Gabinius, gouverneur de cette province, et lui promit dix mille talents (cinquante-quatre millions, suivant l'estimation de Barthélemy), s'il le rétablissait

sur le trône. Rentré dans ses états avec son secours, il appela auprès de lui Postumus, et le fit intendant de ses finances.

Gabinius, au retour de sa province, fut accusé de concussion par C. Memmius, et condamné, quoique défendu par Cicéron, qui s'était réconcilié avec lui à la sollicitation de Pompée. Comme il ne put ni payer la somme à laquelle les juges le condamnèrent, ni donner de répondants, C. Memmius, d'après l'article de la loi Julia, quo ea pecunia pervenerit, qui autorisait à poursuivre celui qui pouvait être saisi des deniers qu'on répétait, accusa Postumus comme saisi des deniers qu'on ne pouvait prendre sur Gabinius. Postumus avait été obligé de s'enfuir d'Alexandrie, n'ayant plus rien, et soutenu uniquement par les libéralités de César, son protecteur et son ami.

Il ne s'agit donc pas ici, à proprement parler, de l'accusation de concussion, de repetundis, mais de celle qu'on appelait, à Rome, de reliquiis, ou, suivant les termes de la loi Julia, quo ea pecunia pervenerit.

Cicéron qui, à la prière de Pompée et de César, venait de défendre Vatinius et Gabinius, ses plus cruels ennemis, qu'il avait autrefois si indignement traités, ne dut point refuser son secours à un homme qui lui avait rendu des services à l'époque de son exil.

Après un exorde et une courte narration, où il tâche d'intéresser les juges à la cause

de Postumus, où il montre comment son client a été amené à prêter de grandes sommes au roi d'Alexandrie, il détruit les uns après les autres les griefs de l'accusateur.

1o. Postumus a prêté de l'argent pour corrompre le sénat. On pourrait justifier le sénat ; mais, sans s'arrêter à cette justification, il est facile de répondre que Postumus a prêté de l'argent à Ptolémée, sans être comptable du mauvais usage qu'on pourrait faire de l'argent qu'il avait prêté.

2o. Postumus ne peut être poursuivi comme étant saisi des deniers qu'on répète sur Gabinius. Cette poursuite est irrégulière, parce que Postumus n'a pas été cité dans l'arbitration de la peine. Ensuite, il peut se défendre par une fin de non-recevoir, les chevaliers romains et le peuple n'étant pas assujettis à la loi d'après laquelle on l'accuse. L'orateur s'étend un peu sur cette dernière réponse.

3°. Postumus a sollicité Gabinius de rétablir le roi d'Alexandrie. On démontre la fausseté de cette imputation.

4°. Postumus a été intendant du prince; il a quitté la toge romaine pour prendre le manteau grec. La nécessité fait son excuse : il est plus digne de compassion que de haine ; on ne doit pas faire un crime d'un malheur.

5o. L'accusateur lui reprochait encore d'avoir levé de l'argent pour lui, lorsqu'il en levait pour Gabinius, et il s'appuyait du témoignage

des députés d'Alexandrie. Cicéron détruit le reproche et infirme l'autorité des témoins.

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6°. Postumus a de l'argent, et il le cache. L'orateur montre qu'il n'est rien resté au malheureux dont il a pris la défense; qu'il n'est soutenu que par les libéralités de César il exalte la générosité de ce grand homme, qui, au milieu de ses éclatants exploits et des importantes affaires qui l'occupent, n'oublie pas ses amis dans la détresse.

La péroraison du Discours est pathétique et propre à émouvoir les juges en faveur de l'ac

cusé.

Cette cause a dû être plaidée l'an de Rome 699, de Cicéron 53. On voit par la fin du chapitre 15, qu'elle fut plaidée pendant l'hiver. Rabirius fut acquité.

Nous

Les anciennes éditions placent ce Discours après la Milonienne, qui est de l'an rétablissons l'ordre chronologique.

701.

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XIV.

ORATIO

PRO

C. RABIRIO POSTUMO.

ORATIO OCTAVA ET TRICESIMA.

I. Si quis est, judices, qui C. Rabirium, quod suæ fortunæ, fundatas præsertim, atque optime constitutas opes potestati regiæ libidinique commiserit, reprehendendum putet : adscribat ad judicium suum, non modo meam, sed hujus etiam ipsius, qui commisit, sententiam. Neque enim cuiquam ejus consilium vehementius, quam ipsi, displicet. Quanquam hoc plerumque facimus, ut consilia eventis ponderemus, et, cui bene quid processerit, multum illum providisse; cui secus, nihil sensisse dicamus. Si exstitisset in rege fides, nihil sapientius Postumo; quia fefellit rex, nihil hoc amentius dicitur : ut jam nihil esse videatur, nisi divinare, sapientis. Sed tamen, si quis est, judices, qui illam Postumi sive inanem spem, sive inconsultam rationem, sive (gravissimo verbo utar) temeritatem, vituperandam putet, ego ejus opinioni non repugno: illud tamen deprecor, ut, quum ab ipsa fortuna crudelissime videat hujus consilia esse multata, ne quid ad eas ruinas, qui

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