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procédure, plus conforme au droit commun, offrait déjà des garanties. Plus tard le prince intervint fréquemment (282), soit par appel, soit directement sur requête ou d'office; cela devint la règle sous Domitien. L'empereur tranchait aussi les questions de limites entre l'Etat et les particuliers, et entre les communes en Italie (283). En province, le gouvernement était compétent pour les procès entre deux communes, ou entre une commune et un particulier (284).

En matière d'impôts du trésor, il faut distinguer entre ceux qui étaient affermés et ceux directement payés au trésor. Le recouvrement des vectigalia par les publicains, faisait naître une foule de litiges relatifs à l'interprétation des tarifs, aux trop perçus et aux confiscations de marchandises prohibées ou non déclarées (Commissum). Ces procès, d'abord jugés par les censeurs ou les consuls, durent être soumis, en vertu d'un édit réformateur de Néron (285). rendu après avis du Sénat, en 811 de Rome, on 58 de J.-C., au préteur à Rome et en province au gouverneur qui statuait sans donner de jurés, (extraordinem). Le nouveau règlement enlevait d'ailleurs aux publicains la procédure expéditive de l'antique action de la loi (Pignoris capio), pour la remplacer par une action directe et civile fictive contre leurs débiteurs (286). Cet édit de Néron ordonnait en outre la publication du tarif jusqu'alors tenu secret, la res

triction à un an du délai des réclamations pour droits échus, l'exemption des soldats, sauf pour les denrées dont ils tenteraient de faire le commerce; il modérait la charge des transports de l'annone imposée aux provinces transmarines, et permettait de ne pas comprendre les navires dans le recensement de la fortune des négociants en blé sujets au tribut.

Quant aux impôts non affermés, primitivement les censeurs, puis les consuls, connurent à Rome des questions contentieuses, et, en province, le gouverneur, sauf appel au Sénat. Des dispositions spéciales paraissent mème avoir attribué juridiction aux préfets du trésor du peuple, mais éventuellement au Sénat sur les litiges nés des lois caducaires ou relatifs aux biens vacants et à ceux des condamnés (287).

Les procès entre le trésor du prince et les particuliers suivirent d'abord la même juridiction que ceux de l'Erarium. Mais Claude, guidé sans doute par le génie fiscal de Pallas (288), obtint du Sénat compétence pour les intendants de César ou du fisc, qui devint ainsi juge et partie (289) entre le fisc et les particuliers. Néanmoins, dans les provinces sénatoriales, le proconsul maintint à cet égard sa juridiction en commun avec les procurateurs (290). Ainsi un compte dressé par les tabularii fiscaux, était en cas de contestation, soumis à la confirmation de l'intendant (291). Il connaissait aussi

des réclamations d'aliments dirigées contre le fisc (292). Chaque fonctionnaire impérial statuait pour les procès nés dans son ressort (293), sauf recours à l'empereur (294), garantie d'autant plus nécessaire que le procurator avait été admis à donner à bail les biens fiscaux (295). On pourrait même dire, en pareil cas, qu'il n'y avait de la part du procureur qu'une décision administrative après instruction; le contentieux ne naissait véritablement que du recours au prince. Mais les actes criminels, commis à l'occasion de leurs fonctions, par les agents fiscaux, étaient directement déférés à la juridiction répressive de l'empereur lui-même (296).

Cependant les procès purement financiers furent enlevés aux intendants en Italie, par Nerva, prince éminemment favorable aux anciennes idées du principat constitutionnel, pour être déférés à un préteur spécial appelé prætor fiscalis, qui renvoyait au besoin le judicium à des jurés, conformément au droit commun en matière civile (297). Plus tard cette juridiction revint aux préfets du trésor pour les causes des caduca ou des biens vacants, etc., même attribués au fisc, puis au procuratores (298). Mais la poursuite appartint à l'avocat du fisc (299), institué pour Rome, puis établi en province. Si la juridiction contentieuse demeura aux intendants du prince, sauf exception, un principe constant leur ôtait toute compé

tence en matière civile, si ce n'est pour les affaires connexes (300), et en matière répressive. Ils n'avaient pas le droit de prononcer une peine capitale comme l'exil (301), ni même une amende (302), néanmoins ils usurpèrent trop souvent cette juridiction, notamment contre les prétendus fauteurs d'esclaves fugitifs (303), ou à l'occasion de la poursuite des contribuables en retard. Les historiens signalent les excès de cette inquisition fiscale, parfois réprimés par les empereurs (304). Mais les intendants conserverent toujours le droit d'assurer l'exécution des confiscations ou le paiement des amendes prononcées (305).

(B) Controle judiciaire

Au défaut d'un contrôle administratif complet et permanent, l'intervention de la juridiction criminelle suffisait-elle du moins pour assurer la répression des crimes de concussion et de péculat, ou la réparation du délit de comptabilité déguisée ou irrégulière? On s'accorde à constater à cet égard un certain progrès au premier siècle de l'empire (306). En effet le principat avait la volonté de prendre pour but la sécurité du peuple à l'intérieur et au dehors, et de protéger les provinciaux contre l'aristocratie proconsulaire. La durée des magistratures, portée à cinq ans dans les provinces sénato

riales et à un temps indéfini dans les autres, combinée avec la restriction ou la suppression des comices électifs, offrait déjà certaines garanties contre l'ambitieuse avidité des gouverneurs. Mais les plus efficaces consistèrent dans la concentration de la surveillance aux mains du prince, s'exerçant même au sein des provinces du Sénat, en vertu de l'imperium proconsulaire (307). Le pouvoir central, toujours en défiance contre les entreprises des familles sénatoriales et contre leurs vieilles traditions républicaines, n'était que trop enclin à s'exercer, sur la plainte des provinciaux ou des délateurs. contre les proconsuls, leurs questeurs, ou mème contre les présidents des provinces impériales. A l'égard de ces derniers, l'intérêt immédiat du fisc suffisait pour armer la vindicte du prince contre les abus de pouvoir ruineux pour le trésor de la couronne (308).

Le déficit du trésor donna lieu plusieurs fois a des mesures plus administratives que judiciaires. Ainsi des commissions extraordinaires furent nommées pour reviser l'état de l'Erarium et mettre un terme aux dépenses publiques, ainsi en l'an 6, sous Auguste (309), en 62 sous Néron, (310) et en 76 sous Vespasien (311). Mais cette revision n'obtint qu'un résultat temporaire.

On comprend donc que l'empire ait dù maintenir, en les aggravant au besoin, les pénalités

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