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mandats sur la caisse du questeur. L'Asie seule présentait un régime tout particulier où les pouvoirs du procurator étaient plus larges (147). Je crois donc que le proconsul, auquel M. Mommsen ne conteste pas la juridiction en matière de contentieux des impôts, en concurrence avec les procuratores, jouissait du droit d'édicter l'ordre de paiement, en vertu des votes du Sénat et des instructions de l'empereur (mandata); mais j'admets que ces intendants eurent de bonne heure le contrôle sur l'administration de l'Erarium, même auprès des proconsuls.

Dans les provinces impériales ou tributaires, toute difficulté de ce genre disparait. Notre savant collègue M. Waddington pense que le lieutenant du prince n'avait nullement à s'occuper des finances (148); cela est vrai en ce sens qu'il demeurait étranger au maniement des deniers (tractatio); mais il restait administrateur et ordonnateur, et en cette qualité il devait avoir des ordres à donner aux caissiers et aux procuratores Cæsaris, des registres à tenir et un contrôle à opérer.

En principe le gouverneur ou lieutenant nommé directement par l'empereur possédait, en vertu de ses instructions, le pouvoir attesté par Dion Cassius (149), d'édicter le recouvrement des recettes, dont les intendants de César poursuivaient la rentrée en détail, et dont les caissiers, arcarii, percevaient le montant, puisqu'ils jouaient peut-être dans ces pro

vinces le rôle de questeur (150). Par la même raison, ils assistaient à l'adjudication des biens fiscaux, et des impôts affermés aux sociétés de publicains et même prenaient une part importante à la surveillance des travaux publics. Seulement Claude, guidé sans doute par le génie fiscal de Pallas, obtint du Sénat en l'année 53, pour ses procuratores, la juridiction contentieuse en matière de contributions, même en concours avec les gouverneurs. L'étendue du pouvoir de ces procuratores dut se développer avec les progrès de l'autorité impériale, et empiéter malheureusement sur l'administration.

Les recettes de l'Erarium militare, composées presque uniquement du vingtième sur les hérédités affermé jusqu'au règne de Trajan, et du centième sur les ventes, indépendamment des subventions du fisc, devaient être mises en recouvrement en vertu des instructions générales du prince par l'autorité qui avait procédé à la ferme des ces impôts (151). C'étaient probablement, à Rome, les préfets de cette caisse, et en province les gouverneurs ou les délégués spéciaux de l'empereur. Depuis Trajan, la vigesima hereditatum fut régie par des procurateurs particuliers, et payée à des caisses spéciales.

Il nous reste à parler, avant d'aborder l'importante question des comptables, des autorités qui ordonnaient les dépenses publiques et en ordonnançaient le paiement. Remarquons qu'à

raison de son titre de proconsul, le prince devait jouir du pouvoir réglementaire (152) pour l'exécution des lois et la rentrée des impôts, et qu'à cet égard il avait des instructions, mandata à donner même aux gouverneurs, des provinces sénatoriales. Néanmoins, même sous l'empire, il n'y eut pas de ministère unique des finances. Mais la tendance générale vers la centralisation devait y conduire peu à peu. Ce pouvoir ne dépendait-il pas au fond, comme une conséquence, de l'imperium ou droit suprême de commandement (153).

Dans la première période du principat, pour les dépenses dépendant du budget sénatorial, le droit d'ordonner et de mandater les dépenses dut continuer d'appartenir aux censeurs, et à leur défaut, et le plus souvent aux consuls, investis, en leur absence, de la même mission. Mais ces magistrats exerçaient cette prérogative dans la limite du budget quinquennal, ou des crédits spéciaux votés par le Sénat. Les interprètes modernes n'ont pas toujours compris que les questeurs ou les préfets de l'Erarium, simples comptables, ne pouvaient, d'après les anciens et sages principes du gouvernement républicain, participer à la gestion des administrateurs (154). Celle-ci fonctionnait toujours sous le contrôle du prince, investi de l'imperiun majus, qui lui subordonnait tous les magistrats. C'était aux censeurs ou consuls ou

préteurs, chargés de pourvoir aux services ou aux travaux publics, de dresser le cahier des charges et d'adjuger les fournitures ou entreprises, aux enchères publiques et au rabais, comme ils adjugeaient les vectigalia au plus offrant en présence des questeurs (155) ou préfets du Trésor, à des redemtores ou publicains, ce qui s'appelait faire des marchés (ultro tributa locare). On voit jusqu'après la mort d'Auguste les censeurs ou leurs suppléants, les consuls, présider à ces locationes. Plus tard les préfets de l'Erarium semblent passer ces baux ou du moins ils y assistent (156).

Les mandats de paiement devaient émaner des mêmes autorités; seulement des curateurs spéciaux furent peu à peu substitués, notamment pour les grands services de Rome et du Tibre, aux magistrats sénatoriaux, et pour la voirie en Italie (157). Un procurator operum publicorum y obtint la direction des travaux publics avec droit de dépenser et d'ordonnancer, après vérification, dans la mesure des crédits à lui confiés (158).

En province, les proconsuls des provinciæ senatoriæ jouissaient évidemment de leur droit antérieur de prescrire les dépenses d'administration, de passer les marchés et d'ordonnancer les mandats sur la caisse des questeurs. On sait qu'ils fournissaient à l'appui des pièces justificatives et notamment, pour le traitement du personnel, un état de leurs agents et employés salariés. Nous ne

doutons pas que ces principes n'aient été observés quant aux gouverneurs des provinces sénatoriales; car on a remarqué justement que l'administration fiscale suivait les formes tracées par l'exemple de l'Erarium. Aussi le lieutenant de l'empereur ou président ordonnait les dépenses autorisées par les instructions permanentes (mandata), ou bien par ordre spécial de l'empereur à son personnel, dont il déférait la liste au Commentarius principis pour le contrôle des bureaux du fisc (159).

Pour les dépenses militaires au contraire, le prince seul qui recrutait ou licenciait les légions, se réservait de délivrer des congés aux vétérans (diplomata) et de liquider les récompenses à eux dues par le Trésor militaire, et payables par les préfets de cette caisse spéciale (160), les dépenses de la solde restant à la charge du fisc (161).

L'empereur avait coutume de diriger, comme propriétaire, les dépenses à faire sur son patrimoine propre ou héréditaire, ou pour le service de la cour. Il donnait à cet égard et sans contrôle des ordres à ses affranchis intendants (actores) et à ses esclaves caissiers (arcari). Mais, depuis Septime Sévère, la res privita fut définitivement. confiée à la gestion d'intendants spéciaux distincts des administrateurs du fisc.

Quant au trésor du prince ou fiscus, régi d'abord directement et personnellement à Rome par le prince et ses affranchis et, en province, par les

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