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des questeurs, la moitié des revenus indirects de l'année pour être employés aux travaux publics (124) Varron interprète le mot attributum par pecunia adsignata. Ici, c'est le Sénat qui attribue relativement au questeur, l'argent est attribué relativemert au débiteur, (125). Toutes ces dénominations étaient empruntées à la tenue des livres des Romains; les censeurs étaient par cette attribution constitués créanciers de l'Erarium, et cette créance était portée à leur crédit sur le livre du questeur.

Essayons de compléter un peu cette nomenclature. Il résulte de plusieurs textes que le vote d'un crédit par le Sénat se nommait en général pecuniam decernere ou sestertios (126) ou decernere vectigal annuum (127). Mais le mot decernere, qui correspond à decretum quand il s'agit d'un corps délibérant (128) pouvait s'employer aussi pour désigner la décision d'un magistrat, et par suite d'un ordonnateur qui prescrit un paiement. En effet un texte peu remarqué du jurisconsulte Ulpien. parlant des diverses espèces de gestion, oppose très nettement la gestion d'un administrateur ou ordonnateur à celle d'un comptable de deniers (129), en ces termes Gestum autem in republica accipere debemus, pecuniam publicam tractare, sive erogandam decenere. Ainsi le magistrat peut ordonner une dépense, pecuniam erogandam decernere; le questeur ou comptable manie les deniers publics, pecuniam publicam

tractare. Tacite (130) dit aussi tum à prætoribus tractabatur ærarium. L'ordonnancement se dit constituere ou Jubere solvi (131). Si, en matière contentieuse et financière, le Curator reipublica prononçait une sentence condamnant un débiteur de la cité à lui payer une indemnité, on l'exprimait ainsi, indemnitatem reipublicæ præstari Jussit (132). Le questeur ou caissier de l'ærarium, ou le préfet ou le préteur suivant les cas, qui avait assisté aux marchés des travaux publics passés par le consul ou le censeur (133), s'assurait préalablement de la vérification des travaux (probatio) (134); il payait ensuite, sur mandat de l'ordonnateur, contre quittance (apocha), et l'imputait lors de la reddition de compte, imputare apochas ou acceptum referre (135).

L'ordonnateur à Rome ou dans une cité devait rendre compte au Sénat de sa gestion, rationes reddere. S'il avait manié des deniers, contrairement à la règle, il s'était rendu coupable du délit de residuæ pecuniæ, et s'il y avait eu dol, du délit de concussion, repetundæ pecuniæ, comme on le verra en parlant du contrôle judiciaire (136). Quant au questeur ou caissier de Rome ou d'un municipe, il rendait compte au Sénat ou à une commission de décurions annuellement de l'Etat de sa caisse et de sa gestion en recettes et en paiements, rationem arcae (137) et s'il y avait un reliquat, il en était débiteur, ce qui s'appelait ex administratione honoris reliquari (138) ou ex

administratione reipublicæ (139). Celui qui avait embrouillé ou altéré ses comptes était dit evertisse rationem; (140) délivrer une quittance se nommerait apocham ou securitatem emittere; et securitatem referre tabulariis signifiait présenter les quittances aux chefs de comptabilité pour les viser et les enregistrer (141). Mais il convient de borner ici cet essai de nomenclature, dont nous retrouverons l'application détaillée en parlant de la comptabilité sous le basempire, d'après le code Théodosien; revenons maintenant à l'administration des finances.

§ 2.

ADMINISTRATEURS ET COMPTABLES

Le grand principe nécessaire à une bonne gestion de la fortune publique, c'est-à-dire la règle qui sépare l'administration d'une part et le maniement des deniers publics de l'autre, fut conservé par Auguste, avec les autres traditions de la République. Or va parcourir successivement les prescriptions relatives aux administrateurs et ordonnateurs, puis aux comptables, en indiquant les modifications apportées sous l'empire à cette organisation rationnelle des services financiers.

(A) Administrateurs et Ordonnateurs

Le nouveau régime ne connaissait d'abord

qu'une seule caisse publique; il débuta donc par suivre le système antérieur. Les consuls ou les censeurs, dans les limites du budget des recettes ou des crédits ouverts par le Sénat (142), donnaient les ordres généraux ou accomplissaient les actes nécessaires à la perception des revenus ou à la rentrée des impôts. Les préteurs ou préfets de l'Erarium assistaient en général aux adjudications, mais ils ne devaient eux-mêmes passer les baux que dans le cas où, comme les questeurs, ils avaient obtenu une délégation spéciale à cet effet.

Cependant Mommsen (143) conjecture que les attributions des chefs de l'Erarium ont pu s'élargir sous l'empire. C'était gravement déroger aux vrais principes de la comptabilité publique. Toutefois la loi de Malaga, de la fin du premier siècle, admet incidemment ce pouvoir chez les préfets du Trésor. (144). Ces magistrats agissaient sous la haute direction et le contrôle du prince, investi de l'autorité proconsulaire sur tout l'empire, et de l'imperium majus, avec droit d'intercession et de veto tribunitien. Après la répartition des provinces entre l'empereur et le Sénat, celui-ci conserva le droit de diriger la gestion des provinces sénatoriales dites stipendiaires, mais toujours sous l'autorité proconsulaire du prince.

Les proconsuls ou gouverneurs de ces régions pacifiques y prescrivaient le recouvrement des

contributions, et les faisaient verser chez leurs questeurs ou receveurs généraux; en outre ils procédaient, en leur présence, au bail des revenus du domaine ou des taxes indirectes. Plus tard, à la suite de l'accroissement des domaines du fisc impérial. des intendants (procuratores Augusti) appartenant à l'ordre équestre, durent être introduits même dans ces provinces, où ils finirent par remplacer les questeurs au siècle.

Mais avant cette époque, il est difficile d'y déterminer le rôle des agents impériaux. Sans doute on s'accorde à leur reconnaître le droit de percevoir par leurs arcarii les revenus du fisc (145); mais quant aux ressources dues à l'Erarium faut-il dire, avec un auteur éminent (146), M. Mommsen, qu'ils avaient pour mission d'en effectuer le recouvrement? Je ne le pense pas. D'abord, en ce qui concerne la perception des revenus, c'eût été enlever aux questeurs leur mission spéciale; on ne doit pas surtout accorder aux intendants en même temps l'ordre général de recouvrement, ce qui serait contraire au principe ancien de la séparation des fonctions d'administrateur et de comptable. Il est certain d'ailleurs que, sous la République, le proconsul était autorisé à exiger le paiement des contributions; il devait avoir à cet égard, comme sous le bas-empire, un numerarius ou tabularius, ou chef de comptabilité, dans son officium, pour l'aider à ordonner les rentrées et les dépenses nécessaires à l'administration, et à délivrer des

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