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probable que le grand ennemi du Sénat, Septime Sévère finit par lui enlever le reste du tribut des provinces stipendiaires. Cette absorption suivit les progrès de la centralisation administrative. Ainsi l'on avait commencé, sous prétexte de protéger les populations contre les exactions des publicains, par organiser fortement partout le contrôle dans la main des intendants du prince; puis on substitua la régie au fermage des taxes indirectes, et l'on finit par en faire verser le produit dans les caisses du fisc (67). En thèse générale, le trésor de l'empereur tendit sans cesse à se transformer en trésor principal.

Jusqu'au règne de Claude, le prince semble s'en réserver la haute direction personnelle, et l'on ne trouve pas encore dans les textes et les inscriptions, les traces d'une caisse du fisc à Rome, distincte de celle du palais. Mais une administration centrale apparait avec un intendant général, à rationibus, sous la direction du fameux Pallas, administrateur très habile sinon scrupuleux (68). Le triumvirat des affranchis eut du moins le mérite d'opérer, sous le règne d'un prince faible et crédule, les plus graves réformes administratives.

Les historiens modernes ont très bien constaté que la lutte entre le pouvoir du Sénat et celui du prince se traduisit, notamment dans le domaine financier par l'antagonisme de l'.Erarium et du Fiscus, et par les conquètes et la victoire défini

tive du prince et de son trésor. L'Erarium n'apparaît plus, à la fin du 11° siècle, que réduit aux proportions de la caisse de la ville, sous l'influence de ses préfets, et du Sénat, ramené à peu près au rôle de conseil municipal de Rome (69).

Le principat, à ses débuts, respecte encore scrupuleusement les maximes traditionnelles de la République sur les pouvoirs financiers du Sénat. A ce grand corps seul appartient le droit d'arrêter le tableau des dépenses du trésor (70), et d'en régler l'emploi, en fixant, pour cinq ans, le budget des services et des travaux publics, sauf à laisser à part ceux dont les frais étaient supportés par d'anciennes fondations immobilières, comme les temples, etc. Le montant et la nature des autres charges, comme l'entretien des édifices, des appariteurs et des esclaves publics demeurait fixé par d'antiques lois, coutumes ou règlements auxquels se référait le Sénat. Mais on confiait, comme jadis, aux censeurs et, à leur défaut, aux consuls un crédit montant à tout ou partie du produit annuel des revenus du domaine ou des taxes indirectes (vectigalia), pour l'employer au travaux publics, après avoir affermé, sous le contrôle du Sénat, à des entrepreneurs, la prestation des fournitures exigées par les services publics, moyennant un prix fixé par les enchères publiques et souscrit par l'entrepreneur (redemptor ab ærario). Mais l'institution de curateurs impériaux pour les

édifices, les routes et les travaux publics amena bientôt la transformation de ce système.

Après la création des provinces du Sénat, leur administration demeura confiée à des proconsuls d'ordre sénatorial auxquels l'empereur imposa un traitement comme aux legati propraetore des provinces impériales (71).

Indépendamment du budget normal des dépenses, le Sénat se voyait souvent appelé à voter des crédits supplémentaires, decernere pecuniam, pour les services incomplètement pourvus, ou des crédits nouveaux exigés par des besoins extraordinaires et imprévus. Les consuls ou le prince lui demandaient d'accorder des fonds, soit pour des pensions à des sénateurs pauvres, soit pour des frais de funérailles ou de statues accordées à de grands citoyens, soit des allocations à titre de secours aux villes ou aux aux provinces éprouvées par des calamités publiques, telles qu'incendie, inondation, épidémies ou tremblements de terre (72). Quelquefois l'empereur fut réduit à demander au Sénat l'ouverture d'un crédit pour subvention au profit de la caisse du fisc, comme le fit Marc-Aurède à l'occasion de la guerre de Germanie (73). Tous les interprètes admettent le principe, confirmé par de nombreux exemples (74), du contrôle législatif du Sénat sur les dépenses de l'ærarium. Tibère, fidèle à l'esprit du principat d'Auguste, consultait même en général le Sénat sur les impôts, les monopoles, la

construction ou la réparation des batiments, et bien plus, ce qui était moins habile de sa part, sur les affaires étrangères et sur celles de l'armée (75). Néanmoins Mommsen croit, qu'à partir de la réorganisation de l'administration de l'Erarium par Néron, le vote du Sénat ne fut plus qu'une simple formalité (76). Mais elle subsista néanmoins jusqu'au 11° siècle et les bons empereurs ne se crurent pas autorisés à se passer d'un vote de crédit, avant de donner au préfet un ordre de paiement. Le Sénat avait osé refuser à Néron de voter l'abolition des droits de douane et de péage (vectigalia populi romani), en général, mais il concéda l'abandon de certaines taxes et la réforme administrative du service des publicains et du contentieux des impôts indirects, opérés par édit du prince; on vota même à Néron un crédit annuel de dix millions de sesterces à titre de subvention pour la caisse du fisc (77). C'est en vain, au contraire, que le Sénat offrit à Marc-Aurèle la confiscation des biens du prétendant Avidius Cassius frappé de proscription; ils furent réservés à l'Erarium (78).

Si le prince ne pouvait, en cette qualité, disposer du trésor du peuple, il avait en vertu de sa puissance tribunitienne, à perpétuité, non seulement l'initiative des sénatus-consultes et des lois, mais encore un droit de contrôle sur l'emploi des ressources publiques; il pouvait paralyser par son veto ou par celui d'un tribun

toute décision dangereuse du Sénat, auquel d'ailleurs il était maître d'accorder ou de refuser une subvention de la part du fisc. A une époque de péril extérieur et de crise financière, Néron se contenta de blamer les dépenses exagérées de ses prédécesseurs, et de soumettre le contrôle des revenus indirects affermés (vectigalia publica), à une commission de trois sénateurs consulaires bien choisis, mais dont Tacite ne précise pas les pouvoirs (79). Il s'agissait sans doute d'assigner un tarif moins élevé pour les contribuables, et d'exiger des adjudicataires des fermes un prix supérieur. Néron proclama de plus, par un édit, qu'il accordait sur le fisc un secours annuel de 60 millions de sesterces à la République, c'est-àdire au trésor du peuple (80).

Parfois les chefs de Erarium signalaient au Sénat, comme sous Vespasien, le péril des crédits extraordinaires, et demandaient une réduction du budget des dépenses (81). Le chef du parti libéral, Helvidius-Priscus, proposa d'aviser immédiatement. Mais le tribun V. Tertullinus interposa son veto, parcequ'il ne convenait pas de statuer en l'absence du gouvernementale du Sénat laissa tomber de même une autre proposition de Priscus, qui demandait Vespasien, sur une si grave matière. La majorité de voter, suivant les traditions, la restauration du Capitole incendié, sauf à solliciter une subvention du prince (82).

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