Page images
PDF
EPUB

nomie sociale et celle du droit constitutionnel, le génie gouvernemental et juridique des Romains en a poursuivi et organisé le développement pratique, avec la méthode et la sagacité prévoyante qui devaient appeler Rome, suivant le vœu prophétique de son plus grand poète, a régir le monde ancien par ses armes et par ses lois. Les Romains étaient nés pour créer l'administration comme la jurisprudence; jamais peuple ne fut à la fois plus traditionnel et plus progressif.

Ceux qui l'ont accusé d'avoir fondé l'école du despotisme gouvernemental étaient peutêtre étrangers à la connaissance du droit romain, sans lequel il est difficile de comprendre et de juger, soit l'antiquité, soit même le moyen àge. Ils n'ont pas vu que ce peuple, parti du droit absolu du pouvoir sur l'individu, et de l'état barbare de la copropriété ou communauté familiale, sut en dégager, dès les premiers siècles de la république, la théorie de l'inviolabilité du citoyen, protégé contre l'arbitraire par le droit d'appel d'intercession, et, plus tard, par l'institution du jury en matière criminelle. Cette législation a consacré, dans le domaine. civil, le principe salutaire du droit individuel de propriété et de libre disposition du père de

famille, étendu jusqu'à la faculté de tester. d'abord indéfinie et restreinte seulement par la légitime dans les sages limites du disponible. C'est la tradition du droit romain qui sauvegarda, dans le midi de la France, les prérogatives du franc-alleu contre l'invasion du fief germanique, comme elle réussit à faire prévaloir, dans le nord, le souvenir des droits de l'État contre les usurpateurs de sa souveraineté.

Les juristes ont de même transmis à la royauté par ses conseillers, le souvenir des écritures et des formes financières inventées par le père de famille romain, puis sanctionnées par la république et réglementées jusqu'à l'excès par le bas-empire, dans ses recueils législatifs, partout commentés ensuite et remis en honneur, depuis les Glossateurs jusqu'à Cujas.

De même que le grand pontife consignait, dans les grandes annales, et le magistrat dans ses actes, tous les faits principaux de la vie publique, le père de famille romain, d'après un usage établi par les mœurs et fortifié par les lois, tint à honneur, dès l'apparition de l'écriture, de constater, sur un registre-journal (adversaria), tous les faits de recette et de dépense de sa maison; il les reportait mensuellement

sur un registre tenu avec une exacte régularité (codex accepti et depensi), où l'inscription, faite du consentement du débiteur, était considérée comme une cause littérale d'obligation civile. Les banquiers, connus sous le nom d'argentarii, perfectionnèrent encore cette méthode et ces livres de comptes, qui se perpétuèrent chez eux jusqu'au temps de Justinien (3). Les lois, les sénatus-consultes et les édits ou décisions des magistrats étaient recueillis par eux, inscrits sur des tables et affichés ou déposés dans les archives conservées avec un soin religieux dans les temples de Cérès et de Saturne ou dans le temple de la Liberté.

Nulle nation ne réunit au même degré le goût, on peut dire, la passion des documents et le génie des affaires. En dépit des doutes hypercritiques de Niebuhr, aujourd'hui fort ébranlés, même en Allemagne, il faut reconnaitre que les Romains, archivistes par nature et par tradition, avaient recueilli et ne cessèrent de rassembler plus de monuments authentiques de diverse nature qu'aucun peuple connu dans l'histoire. L'incendie de Rome par les Gaulois put en détruire la plus grande partie, mais on avait prescrit immédiatement de les rétablir, soit à l'aide des archives conservées au Capitole (4)

ou dans certains temples, soit à l'aide des copies sauvées par les particuliers, ou des archives des villes latines ou étrusques du voisinage, en possession, depuis des siècles déjà, d'une civilisation très avancée. Cette tradition se maintint fidèlement par la suite, et l'on sait qu'après un nouvel incendie du Capitole, l'empereur Vespasien fit rétablir plus de 3,000 tables de bronze, contenant les lois, les sénatus-consultes, les anciens traités, les actes publics et jusqu'aux plans cadastraux des municipes et des colonies déposés en double au temple de Jupiter.

Ainsi, même en négligeant le détail des faits plus ou moins altérés par la légende et surtout par les chants populaires, ou les panégyriques de famille, on s'accorde, de nos jours, à tenir pour vrais, dans les récits des historiens, les événements principaux relatifs à la formation ou au développement des institutions romaines. En outre, la découverte de nouveaux documents épigraphiques, notamment celle des lois de la colonie Julia Genetiva (5), fondée vers la fin de la République, et celle des municipes de Malaca et de Salpensa (6), organisés sous Domitien, ont répandu des lumières inattendues sur l'administration municipale, empruntée en

grande partie à l'organisation de la grande cité.

Notre essai d'étude financière n'est donc pas dépourvu de bases. En mettant largement à profit les travaux récents et si remarquables des L. Renier (7), des C. Giraud (8), des Laboulave (9) et des Waddington (10) en France, aussi bien que les œuvres des érudits d'outre-Rhin (11) sur le droit public romain, nous aurons surtout à résumer ces documents, en les groupant dans un cadre tracé par nos formes actuelles (12), pour mieux faire ressortir l'analogie ou la différence entre les principes romains et ceux de notre système financier.

Sans doute il serait téméraire de rechercher les premiers linéaments des finances à l'époque légendaire de la royauté, bien que la science moderne soit unanime à constater, dans cette période le germe traditionnellement maintenu ou développé de la plupart des institutions romaines. Bornons-nous a rappeler que, sur l'ager publicus ou domaine de l'État, une part fut réservée à l'entretien du roi, une autre à celui du culte, et le reste divisé entre les citoyens (13). Le trésor royal puisa dans la taxe indirecte sur les pâturages communaux (pascua) (14) l'origine, le type et même le nom de la

« PreviousContinue »