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LES COMÉDIES GRECQUES ET LATINES D'après aulu-gELLE 239

Græca ipsa, unde illa venerunt, ac singula considerate atque apte junctis et alternis lectionibus committas, oppido quam jacere atque sordere incipiunt, quæ latina sunt, ita græcarum fabularum, quas æmulari nequiverunt, facetiis atque luminibus obsolescunt!

Messieurs, il me semble qu'Aulu-Gelle met d'accord les détracteurs et les panégyristes de la comédie latine. Il ne place les comiques de Rome ni trop loin ni trop près des comiques grecs. Faisons comme Aulu-Gelle et nous aurons donné au Maxime claudicamus in comodia de Quintilien sa juste mesure.

SEPTIÈME LEÇON

L'influence du caractère romain sur la poésie didactique des Latins

La dicacitas des Romains. Leurs cognomina. Leurs calembours. La poésie fescennine, source première de la satire. Les jeux scéniques d'Étrurie. De 361 à 240, alliance de la poésie fescennine et des jeux scéniques d'Étrurie, sous le nom de saturæ, jouées par la jeunesse romaine. Étymologies diverses du mot satura. En 240, les pièces régulières de la Grèce sont introduites à Rome par Livius Andronicus. La jeunesse romaine abandonne ces pièces aux histrions et se réserve les saturæ. En 213, introduction des fables atellanes à Rome, leur fusion momentanée avec les saturæ, sous le nom d'exodia. — Les saturæ, mises dans une situation fausse, quittent la scène et se proposent aux lecteurs. Cette révolution est opérée par Ennius, qui donne à la satire son élément moral, et consommée par Lucilius, qui développe son élément satirique. En quoi Lucilius rappelle la licence fescennine et la liberté de la comédie ancienne d'Aristophane. Persistance de la satire à Rome : Pasquinades, Pasquino, Marforio. Dans quel sens il convient de prendre le Satura tota nostra est de Quintilien. L'épître.

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Les variétés du poème didactique, les Géorgiques. Le succès des Romains dans les divers genres poétiques est en raison inverse de leur degré de poésie. Quelques caractères généraux de la poésie latine.

MESSIEURS,

Les Romains, ces hommes si graves, cultivèrent la comédie. Ils y obtinrent même du succès ! C'est qu'il y a des contrastes dans leur caractère. En public, les Romains étaient tendus vers l'action, ils étaient sérieux dans l'ac

complissement de leurs devoirs. Mais ils ne gardaient pas toujours cette même rigidité, cette même gravité. Ces travailleurs savaient se reposer. Le repos leur paraissait même nécessaire, comme une source toute naturelle de courage et de vigueur. Valère-Maxime, dans ses Faits et dits mémorables, vi, 8, 1, nous a donné l'idée que les Romains se faisaient du repos, quand il nous a dit :

Otium est, non quo evanescit virtus, sed quo recreatur. Alterum enim etiam inertibus vitandum; alterum strenuis quoque interdum appetendum est illis, ne proprie vitam inertem exigant; his, ut tempestiva laboris intermissione ad laborandum fiant vegetiores.

Donc les laborieux Romains savaient se détendre
à l'occasion et le corps et l'esprit, et alors, loin des
affaires, ils s'amusaient, gais comme de vrais enfants.
Ce contraste a été merveilleusement rendu par Horace,
lorsque, dans ses Satires, II, 1, 71-74, il nous a dépeint
ces divers moments de la vie du vertueux descendant des
Scipions et de son ami, le sage
Lélius.

Quin, ubi se a vulgo et scæna in secreta remorant
Virtus Scipiadæ et mitis sapientia Læli,

Nugari cum illo (Lucilio) et discincti ludere, donec
Decoqueretur olus, soliti.

Il y a plaisir, Messieurs, à voir les premiers citoyens de Rome enlever ainsi leur ceinture et s'amuser à des jeux d'enfants, en attendant que le dîner soit prêt, que les légumes soient cuits à point. Dans une prose qui, pour la grâce, le dispute à la poésie d'Horace, Cicéron, De oratore, II, 6, nous a décrit d'autres récréations de ces mêmes personnages. C'est Crassus qui parle.

Sæpe ex socero meo (Scævola) audivi, cum is diceret, socerum suum Lælium semper fere cum Scipione solitum rusticari, eosque incredibiliter repuerascere esse solitos, cum rus ex Urbe, tanquam e vinculis, evolassent. Non audeo dicere de talibus viris; sed tamen

!

LA «DICACITAS » DES ROMAINS

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ita solet narrare Scævola conchas eos et umbilicos ad Caietam et ad Laurentum legere consuesse et ad omnem animi remissionem ludumque descendere.

Puis, ces gracieux détails une fois donnés, Cicéron s'élève, sur la vie des Romains, à une considération générale qui confirme ou plutôt qui est notre thèse ellemême. Il ajoute :

Sic enim se res habet, ut, quemadmodum volucres videmus, procreationis atque utilitatis suæ causa, fingere et construere nidos, easdem autem, cum aliquid effecerint, levandi laboris sui causa, passim ac libere solutas opere volitare, sic nostri animi forensibus negotiis atque urbano opere defessi, gestiant ac volitare cupiant, vacui cura ac labore.

Les Romains savaient se récréer, mais non pas tous aussi délicatement que Lélius et Scipion. Tant s'en faut! Et même dans ces récréations nous retrouvons d'ordinaire le paysan qu'est le Romain, avec tous ses goûts rustiques, le paysan porté à la grosse plaisanterie et au gros rire, assaisonnant sa conversation, comme ses mets, de gros sel, de sel noir, « sale nigro », prompt à s'amuser de tous les défauts qu'il remarque, exerçant contre tout le monde et sous toutes les formes sa gaîté railleuse, sa dicacitas innée.

Plaisants et railleurs, les Romains l'étaient, quand à leurs généraux vainqueurs, à César comme à Camille, comme à Manlius Torquatus, ils jetaient, même derrière leur char de triomphe, les plus mordantes invectives, mêlées aux plus enthousiastes acclamations 1. Ils l'étaient,

1 Tite-Live, Histoires, iv, 53, parle de ces chants à refrains alternés, « alternis (vicibus) inconditi versus militari licentia jactati », et il rappelle que ces sarcasmes étaient habituels de la part des soldats, «sollemnis militum lascivia ».

Ibid., v, 49, Tite-Live nous montre cette licence militaire s'exerçant contre Camille.

Dictator, recuperata ex hostibus patria, triumphans in Urbem redit, interque

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