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HOMÈRE ET VIRGILE MORALISTES, D'APRÈS SÉNÈQUE 199

Pour les Romains, l'épopée est, avant tout, une œuvre historique et morale.

in homine rarum humanitatis bonum, splendorem illi suum affunderent! Tum providentia, tum elegantia et ex istis magnanimitas eminentissima, quantum, dii boni, decoris illi, quantum ponderis gravitatisque adderent! Quanta esset cum gratia auctoritas! Nemo illam amabilem, qui non simul venerabilem, diceret. Si quis viderit hanc faciem, altiorem fulgentioremqne quam cerni inter humana consuevit, nonne, velut numinis occursu, obstupefactus resistat et, ut fas sit vidisse, tacitus precetur? tum, evocante ipsa vultus benignitate, productus adoret ac supplicet, et, diu contemplatus multum exstantem supraque mensuram solitorum inter nos adspici elatam. oculis, miti quidem, sed nihilominus vivido igne flagrantibus, tunc deinde illam Vergilii nostri vocem verens atque attonitus emittat:

O quam te nemorem, virgo? Namque haud tibi vultus
Mortalis, nec vox hominem sonat! O dea certe !

Sis felix, nostrumque leves, quæcumque, laborem!

Aderit levabitque, si colere eam voluerimus. Colitur autem, non taurorum opimis corporibus contrucidatis, nec auro argentoque suspenso, nec in thesauros stipe infusa, sed pia et recta voluntate.

SIXIÈME LEÇON

L'influence du caractère romain sur le
théâtre latin

Vue du théâtre et des représentations à Athènes et à Rome. Caractère des spectacles. La fabula palliata: sujets grecs et esprit

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- La tragédie prætexta et la comédie togata, leur rareté,

La

leur réforme audacieuse et méritoire. Les tragédies et les comédies émigrent dans les salles des lectures publiques, avec le public lettré; le tunicatus popellus applaudit les atellanes et les mimes. tragédie à Rome, son degré de perfection, ses qualités particulières, pensées, style et personnages. In comœdia maxime claudicamus. Explication de cette parole de Quintilien; point de vue particulier du critique latin.

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MESSIEURS,

Les Romains sont fort inférieurs aux Grecs dans la poésie lyrique et dans la poésie épique. Ils le sont aussi dans le genre dramatique. Jamais, à beaucoup près, le théâtre n'atteignit à Rome la perfection, l'éclat qu'il eut à Athènes.

Rome existait depuis plus de cinq cents ans, lorsque le théâtre régulier s'établit chez elle. Jusque-là, pour amuser un peuple de paysans et de soldats, elle n'avait eu que des danses, des jongleries, des tours de force et d'adresse. D'abord, les représentations furent très

rares, n'ayant lieu qu'aux Ludi Megalesia et aux Ludi Romani, ou à la suite d'un triomphe, trois ou quatre fois par an. Avant Pompée, on construisait pour la circonstance une scène, qui n'était qu'un simple parquet, supporté par des poutres. C'est Pompée qui établit le premier théâtre à demeure. Les spectateurs, sans distinction de classes, y occupaient un demi-cercle sans gradins ni sièges. Cicéron, dans le De amicitia, 7, les appelle stantes 1. Ils gardaient ainsi, même au milieu de leurs délassements, comme l'observe Valère-Maxime, dans ses Faits et dits mémorables, II, 4, 2, cette constance à se tenir debout, qui était une marque particulière de la nation romaine,

Ut scilicet remissioni animorum juncta standi virilitas, propria Romanæ gentis nota, esset.

Sous le quatrième consulat de Néron, des jeux quinquennaux furent institués à Rome, à l'exemple des combats de la Grèce. Cette innovation fut l'objet de beaucoup de critiques. Tacite, qui les rapporte dans ses Annales, XIV, 20, a fait à cette occasion un court résumé de l'histoire du théâtre romain. Il est intéressant.

Erant qui Cn. quoque Pompeium incusatum a senioribus ferrent, quod mansuram theatri sedem posuisset ; nam antea subitariis gradibus et scæna in tempus structa ludos edi solitos, vel, si vetustiora repetas, stantem populum spectasse, ne, si consideret, theatro dies totos ignavia continuaret.

en

Athènes avait le théâtre de Dionysos. Il était appuyé au rocher de l'Acropole, sur le côté méridional, un site merveilleux. Construit d'abord en bois, il fut refait en marbre vers 330 avant Jésus-Christ. Dans ce

1 Je sais qu'il y a désaccord sur la signification de ce stantes. Ribbeck ne veut pas y voir un synonyme de spectateurs. Mais d'autres l'y voient, parmi lesquels Ritschl (Cf. Patin, Etudes sur la poésie latine, t. II, p. 159).

LE THEATRE A ATHÈNES ET A ROME

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vaste théâtre pouvaient s'asseoir, au dire de Platon, jusqu'à trente mille spectateurs.

A Athènes, les représentations théâtrales étaient un plaisir national et religieux, une institution publique, confiée aux soins de l'archonte éponyme ou de l'archonte roi. Un riche chorège fournissait, nourrissait et, au moins en partie, habillait les choreutes. Un habile coryphée les dirigeait. Les protagonistes étaient nommés au concours; c'étaient des hommes non moins honorables qu'instruits; de leurs rangs sont sortis des magistrats, des ambassadeurs, des archontes 1. L'auteur lui-même les formait et leur enseignait le jeu de sa pièce, põlov ¿didaoxe, fabulam d'où son nom de διδάσκαλος, instructeur

docebat

ou bien il se faisait remplacer par un úrodidados de son choix. Et l'auteur n'était pas le premier venu parmi les poètes. Il avait dû sortir vainqueur d'un difficile et redoutable concours. Enfin, il ne visait d'autre récompense que la gloire.

Mais, à Rome, combien les choses étaient différentes! Les acteurs étaient pris parmi les esclaves, ou bien ils étaient déclarés infâmes 2.

1 Cf. Cicéron, De republica, iv, 11:

Et Eschines, vir eloquentissimus, cum adolescens tragoedias actitasset, rempublicam capessivit, et Aristodemum, tragicum item actorem, maximis dé rebus pacis et belli, legatum ad Philippum Athenienses sæpe miserunt.

2 On sait comment le chevalier romain Labérius, auteur de mimes, reçut de César, pour avoir lancé contre lui des allusions critiques, l'ordre de remplir lui-même, moyennant 500.000 sesterces, un rôle dans une de ses pièces satiriques; comment aussi le malheureux chevalier ressentit sa honte et, dans un prologue qui nous est parvenu, exhala sa plainte. «Quoi! après soixante ans de vie honorable, sorti de chez moi chevalier romain, j'y rentrerai comédien ! » Voyez Macrobe, qui a raconté l'anecdote et conservé le prologue (Saturnales, 11, 7). Lorsque Juvénal, dans sa Satire contre les nobles, veut donner l'idée du profond abaissement de la noblesse romaine, il nous la fait voir montant d'elle-même sur la scène et fournissant des histrions au préteur Celsus, président des jeux (Satires, vIII, 184-193).

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