Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

nous dit lui-même, dans le discours qu'il a écrit sur ses mérites, contre Thermus.

Ego jam a principio in parsimonia atque in duritia atque industria, omnem adulescentiam meam abstinui, agro colendo, saxis Sabinis, silicibus repastinandis atque conserendis (Festus, au mot repastinari).

Son mets favori était le chou.

Caton était, de même, le type du citoyen présentant réunies en lui les connaissances romaines, que plus tard, au dire de Cicéron, l'on ne pouvait plus trouver, sinon séparées. Voici, en effet, ce que nous lisons dans le De oratore, III, 33:

Quid M. Catoni, præter hanc politissimam doctrinam transmarinam atque adventitiam, defuit? Num, quia jus civile didicerat, causas non dicebat? Aut quia poterat dicere, juris scientiam neglegebat? At utroque in genere et laboravit et præstitit. Num, propter hanc ex privatorum negotiis collectam gratiam, tardior in republica capessenda fuit? Nemo apud populum fortior, nemo melior senator; idem facile optimus imperator; denique nihil in hac civitate temporibus illis sciri discive potuit, quod ille non cum investigaverit et scierit, tum etiam conscripserit. Nunc contra plerique ad honores adipiscendos et ad rempublicam gerendam nudi veniunt atque inermes, nulla cognitione rerum, nulla scientia ornati. Sin aliquis excellit unus e multis, effert se, si unum aliquid affert, ut bellicam virtutem, aut usum aliquem militarem, quæ sane nunc quidem obsoleverunt; aut juris scientiam, ne ejus quidem universi: nam pontificium, quod est conjunctum, nemo discit; aut eloquentiam, quam in clamore et in verborum cursu positam putant; omnium vero bonarum artium, denique virtutum ipsarum societatem cognationemque non norunt.

Caton était tout agriculteur, général, jurisconsulte, orateur. Il était le type des hommes de sa nation. Dans la mesure où on lui ressemblera, dans cette même mesure on sera estimé Romain.

CINQUIÈME LEÇON

L'influence du caractère romain sur la poésie des Latins en général, sur lear poésie lyrique, sur leur poésie épique.

1

Les Grecs sont des poètes, les Romains des prosateurs. Sans doute les Romains étudient les poètes, ils admirent et cultivent la poésie, mais ils n'en ont ni le sentiment ni la vocation. Manent vestigia ruris. Pauvreté de la poésie lyrique à Rome. Les chants des Frères Arvales et des Prêtres Saliens. Les chants funèbres. Deux hymnes religieux, œuvres de Livius Andronicus et de Licinius Tegula Catulle et Horace. L'élégie à Rome. Pindarum quisquis studet æmulari. Une page d'Aulu-Gelle. Infériorité de l'épopée latine. Les épopées historiques, de Nævius. d'Ennius et autres ; l'épopée Virgilienne; les épopées de Silius Italicus et de Claudien ; la Pharsale de Lucain. Les épopées mythologiques. La morale dans l'ode et l'épopée des Latins.

[ocr errors]

MESSIEURS,

Athènes est la ville d'Athéna, et Rome, celle de Romulus. « Les Athéniens sont des poètes, a-t-on dit, et les Romains ne sont que des soldats. Le poète athénien marche au premier rang des puissances; le poète latin, quel qu'il soit, Horace ou Virgile, ne vient qu'à la suite. de l'empereur. » Cette observation est juste.

Lorsque le consul M. Fulvius Nobilior emmenait Ennius avec lui dans sa province d'Étolie, Caton lui disait que c'était une honte de faire ainsi sa compagnie des poètes. Cicéron nous l'apprend dans ses Tusculanes, 1, 2 :

.

172

LES ATHENIENS POÈTES, LES ROMAINS SOLDATS

Cato objecit, ut probrum, M. Nobiliori, quod is in provinciam poetas duxisset. Duxerat autem consul ille in Ætoliam, ut scimus, Ennium.

Tous les vieux magistrats de Rome, qui n'étaient pas des ignorants, jugeaient que c'eût été une indignité de soumettre aux séductions et aux douceurs des lettres la gravité et la majesté de l'empire. Valère Maxime nous l'affirme dans ses Faits et dits mémorables, II, 2:

Nec magistratibus priscis deerant studia doctrinæ. Sed nulla non in re pallium togæ subjici debere arbitrabantur, indignum esse existimantes, illecebris et suavitati litterarum imperii pondus et auctoritatem donari.

D'ailleurs, Rome ne connut la grande poésie que parce que les accidents de la guerre la lui firent trouver, au cours de la seconde guerre punique, dans le butin de ses armées victorieuses.

Pœnico bello secundo, Musa pinnato gradu

Intulit se bellicosam in Romuli gentem feram.

Ainsi dit l'auteur cité par Aulu-Gelle, Nuits Attiques, XVII, 21.

Donc les Athéniens sont des poètes et les Romains des soldats.

De même, les Athéniens sont des poètes et les Romains des paysans. En effet, les Romains eurent de très bonne heure un riche vocabulaire pour les besoins de leur vie rustique, et c'est seulement après cinq siècles d'existence qu'ils empruntèrent à la Grèce les mots qui désignent le poète et la poésie, momths, toinois1. Jusque-là le poète ne

1 Observation utile. Ilors n'exprima que très tard l'idée de génie créateur dont nous lui faisons honneur aujourd'hui. Longtemps dodoi, les aèdes, ceux qui chantaient des vers, les avaient euxmêmes composés. Lorsqu'ils se mirent à chanter les vers d'autrui, alors on appela les auteurs de ces vers Toτai, les faiseurs de vers, de

LES ATHÉNIENS POÈTES, LES ROMAINS JURISCONSULTES

173

fut à Rome qu'un simple écrivain, un scribe plutôt, tout comme le rédacteur des procès-verbaux, et, Festus nous l'apprend, le même mot, scriba, désignait l'un et l'autre, comme scriptura le travail de l'un et de l'autre. Térence dit dans le second prologue de l'Hécyre, 4-5 : « Feci, ne cum poeta scriptura evanesceret », et Horace, quand il nous parle du temps de l'écrivain Livius, « Livi scriptoris ab ævo » (Épîtres, 11, 1, 62), reprend presque la langue des contemporains du premier poète de Rome. Le poète alors était tenu en si petite estime qu'on ne craignait pas de lui appliquer communément le terme de mépris qui désignait le coureur de festins, grassator.

Poeticæ artis honos non erat. Si qui in ea re studebat, aut sese ad convivia applicabat, grassator vocabatur.

Le poète n'était qu'un vil flatteur, tout comme le parasite. C'est Caton qui nous l'affirme dans les Nuits Attiques, d'Aulu-Gelle, XI, 2.

Les Athéniens sont des poètes et les Romains des jurisconsultes. De carmen necessarium, ils ne connaissaient que la loi des Douze tables, avec ses formules si précises et si semblables qu'elles leur paraissaient mesurées 1. Les jeunes Romains chantaient leurs lois, comme les jeunes Grecs leurs vers.

vers épiques, méliques, tragiques, ποιηταὶ ἐπῶν, μελῶν, τραγῳδίων, comme on disait. Très semblablement nous disons, nous, des compositeurs, des compositeurs de musique. Les auteurs d'écrits en prose s'appelaient σvypapeis. (Voir les Etudes sur l'antiquité grecque de H. Weil, pp. 237-244.)

1 << Si on examine bien les fragments de la loi des Douze Tables, on trouvera que la plupart des articles se terminent par un vers adonique, c'est-à-dire par une fin de vers héroïque. C'est ce que Cicéron imita dans ses Lois, qui commencent ainsi :

Deos caste adeunto. Pietatem adhibento. >>

Ainsi dit Vico, dans sa Philosophie de l'histoire, 11, 3, 5. Mais Cicéron, De legibus, 11, 8, lui donne bien peu raison.

« PreviousContinue »