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Et Properce, dans ses Élégies, IV, 1, 17-26; 4, 73-78:

Nulli cura fuit peregrinos quærere divos,

Cum tremeret patrio pendula turba sacro,
Annuaque accenso celebrare Palilia fæno 1,
Qualia nunc curto lustra novantur equo.
Vesta coronatis pauper gaudebat asellis;
Ducebant macræ vilia sacra boves.
Parva saginati lustrabant compita porci,
Pastor et ad calamos exta litabat ovis.
Verbera pellitus sætosa movebat arator,
Unde licens Fabius sacra Lupercus habet.

Urbi festus erat, dixere Palilia patres.
Hic primus cœpit mœnibus esse dies.
Annua pastorum convivia, lusus in urbe,
Cum pagana madent fercula deliciis,
Cumque super raros fæni flammantis acervos
Trajicit,immundos ebria turba pedes.

Des ânes couronnés de fleurs pour traîner la modeste statue de Vesta, des bœufs chétifs pour porter des vases sacrés de vil prix, des porcs gras qu'on immolait dans un étroit carrefour, des entrailles de brebis qu'on offrait au son du chalumeau, et les sauts que bêtes et gens pratiquaient par-dessus les feux de paille, et les lanières velues que faisaient claquer dans l'air des laboureurs vêtus de peaux, voilà qui longtemps suffit à honorer les dieux champêtres du Latium.

Il est vrai, comme Properce le remarque et le déplore, le culte primitif perdit de sa simplicité. C'était inévitable. Néanmoins il garda toujours les traces de sa rusticité première. Ainsi en particulier la grande fête de Palès,

1 Cf. Tibulle, Élégies, 11, 5, 87-91.

2 Les Compitalia, fêtes de carrefours, subsistèrent longtemps, célébrées deux fois par an en l'honneur des Lares. Auguste institua des prêtres spéciaux pour ces fêtes.

LES FÊTES DE ROME ET CELLES DE LA GRÈCE

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protectrice insigne des troupeaux d'Italie, cette fête, célébrée au jour anniversaire de la fondation de Rome, resta toujours une fête champêtre. Ni Minerve, aux Quinquatries1, ni Mars lui-même ne furent honorés à Rome comme Athéna le fut à Athènes, et les fêtes du Latium ne purent jamais, même de loin, rappeler les splendeurs des fêtes de la Grèce, leurs chœurs harmonieux, leurs longues théories arrivant aux bords de l'Alphée sur de riches chariots, ou à Délos sur des flottes aux voiles de pourpre, leurs courses de chevaux et de chars, leurs danses sacrées et leurs concours de poésie. Le plus vif éclat des fêtes latines ne put jamais effacer la marque de leur origine rustique. Manent vestigia ruris!

1 Les Quinquatries, les Grandes Quinquatries se célébraient le 19 mars, jour anniversaire de la naissance de Minerve, et les quatre jours suivants. Le premier jour, jour de congé pour les écoles (cf. Horace, Epitres, 11, 2, 197), on fêtait la déesse de l'intelligence et des arts, et les autres jours, la déesse des combats (cf. Ovide, Fastes, III, 810). Les Petites Quinquatries se célébraient du 11 au 13 juin : c'était la fête des joueurs de flûte.

TROISIÈME LEÇON

Le principal théâtre de l'activité romaine, les champs

Marques de rusticité dans les nomina et les cognomina des Romains, dans les termes, dans les expressions, dans les proverbes de la langue latine, dans les œuvres des prosateurs et des poètes latins.

MESSIEURS,

Manent vestigia ruris ! La rusticité des Latins laissa toujours beaucoup de traces dans leur vivre, dans leur culte; nous l'avons vu. Elle en laissa tout autant, sinon davantage, dans leur langue. Là encore la marque d'origine est très sensible.

Plaute, dans le Revenant, III, 2, 142, a appelé le Romain «< pultiphagus », le mangeur de bouillie. En effet, comme l'affirment et Pline, dans son Histoire naturelle, xvIII, 19, et Valère Maxime, dans ses Faits et dits mémorables, 11, 5, 5, le Romain vécut longtemps «< pulte, non pane ». « Frequentior apud eos pultis usus, quam panis erat. >>

Beaucoup de Romains devaient leurs nomina ou leurs cognomina aux animaux que leurs ancêtres avaient spé

cialement élevés, comme les Asinii, les Bubulci, les Canidii, les Caprarii, les Caprilii, les Equitii, les Ovidii, les Porcii, les Scrofa, les Vitellii, les Vitulli, ou aux légumes, objet de leurs soins particuliers, comme les Fabii (de faba, fève), les Lentuli (de lens, lentille), les Cicerones (de cicer, pois chiche), les Cæpiones (de cœpe, oignon), les Pisones (de pisum, pois, à moins que ce ne soit de pisere, écraser le blé avec le pilon, comme le prétend Pline (Histoire naturelle, xvi, 3).

Vous savez, Messieurs, que jusqu'aux décemvirs l'année romaine commençait au mois de mars. Il est notable que les trois premiers mois de cette année tiraient leurs. noms de considérations champêtres. Mars devait le sien au fondateur de la nation. Mars, pour les vieux Romains, n'était autre que le vieux Sylvain qui présidait à leurs champs. Avril était le mois qui ouvrait la terre aux semences qu'on lui avait confiées, et Mai celui qui les faisait grandir. L'un venait de aperio et l'autre de magnus 1.

Le nom même de l'Italie, n'en déplaise à Niebuhr, rappelle les taureaux qu'elle nourrissait : italós, vitulus.

Italia a vitulis, ut scribit Piso. Græcia antiqua, ut scribit Timæus, tauros vocabat iradoús, a quorum multitudine et pulchritudine et fetu vitulorum Italiam dixerunt,

dit Varron, dans son De re rustica, II, I et 52.

1 Aux autres mois, Januarius, Februarius et Junius exceptés, les Romains ne surent donner pour noms que des numéros d'ordre, Quintilis, Sextilis, September, October, November, December, comme ils se contentèrent souvent de numéroter leurs enfants, Quintius, Sextius, Septimius, Octavius, Novius, Decius.

2 Il est digne de remarque que presque tous les mots qui, en latin et en grec, se rapportent à l'agriculture, ont une commune origine : ager et ἀγρός, aro et ἀρῶ, avec tous leurs dérivés, sulcus et ὁλκός, hortus et χόρτος, milium et μελίνη, vinum et οἶνος, pinso ou piso et πτίσσω, mola et μύλη. Ce qui semble prouver que Rome doit plutôt son agriculture aux Grecs qu'aux Etrusques. C'est un grec, Triptolème, qui inventa l'agriculture et la répandit dans le monde.

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