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nos textes, elles s'appellent souvent servitutes par excellence, sans autre qualification.

Le principe général sur lequel les jurisconsultes romains ont construit, avec beaucoup de conséquence logique, toute la théorie des servitudes réelles, est que la servitude, comme droit, appartient toujours immédiatement à un fonds, prædium cui debetur servitus, sur un autre fonds, prædium quod servitutem debet.

Du principe énoncé se déduisent effectivement, d'une manière très-simple, la plupart des propriétés

des servitudes réelles.

Ainsi elles doivent être telles qu'il en résulte, pour le fonds dominant lui-même, et non pas seulement pour la personne du possesseur actuel de ce fonds, une certaine utilité provenant immédiatement du fonds servant lui-même, ex perpetua causa.

Ainsi elles doivent être exercées, il est vrai, par le possesseur actuel, comme représentant le fonds, mais toujours pour l'avantage du fonds dominant, et seulement jusqu'à concurrence de l'étendue des besoins de ce fonds.

Ainsi les deux immeubles doivent se trouver entre eux à un degré de proximité (prædia vicina) qui réponde au but de la servitude.

Ainsi, enfin, la servitude réelle est, quant à sa naissance et à sa durée, étroitement et inséparablement liée au fonds dominant, considéré comme sujet du droit, et elle périt avec lui.

Le principe que les servitudes réelles sont juridiquement indivisibles, repose moins sur la notion générale de servitude que sur un principe positif particulier au droit romain, qui avait voulu peut-être prévenir un trop grand morcellement, préjudiciable à l'agriculture.

Les servitudes réelles ne sont pas limitées quant à leur nombre; il y en a autant qu'on peut imaginer d'espèces d'utilité qu'un fonds puisse retirer d'un autre fonds, et auxquelles puissent s'adapter les conditions exposées ci-dessus. A cet égard, l'antique classification en servitutes prædiorum rusticorum, appelées aussi rustica servitutes, et servitutes prædiorum urbanorum, appelées aussi urbanæ servitutes, n'est pas sans importance pratique. Elle tient, non à la situation, mais à la destination du fonds dominant; et elle a de l'intérêt en ce que ce sont surtout les besoins de ce fonds dominant qui déterminent l'objet et l'étendue de la servitude réelle. Comme exemples de servitutes prædiorum rusticorum, les servitudes itineris, actus, viæ et aquæductus, méritent d'être citées, parce que, étant les plus intéressantes pour un peuple adonné à l'agriculture, elles étaient aussi les plus anciennes, et se trouvaient déjà mentionnées, du moins en partie, dans les Douze Tables. A cela se rattache cette observation que, entre toutes les servitudes, les servitutes rusticæ seules étaient considérées comme res mancipi. De leur côté, les servitutes prædiorum urbanorum se distinguent par plusieurs particularités dans la manière dont elles s'acquièrent et se perdent. Nous trouvons des exemples de ces servitutes dans les servitutes oneris ferendi, altius tollendi vel non tollendi, stillicidii, etc.

Ideo autem hæ servitutes prædiorum appellantur, quoniam sine prædiis constitui non possunt. Nemo enim potest servitutem adquirere urbani vel rustici prædii, nisi qui habet prædium. $ 3, I., 1, 3, De servitutibus prædiorum.

Rusticorum prædiorum jura sunt hæc iter, actus, via, aquæductus. Iter est jus eundi ambulandi hominis, non etiam jumentum agendi vel vehiculum. Actus est jus agendi jumentum, vel vehiculum. Ita, qui iter habet, actum non habet; qui actum ha

bet et iter habet, eoque uti potest, et sine jumento. Via est jus eundi et agendi et ambulandi; nam et iter et actum via in se continet. Aquæductus est jus aquæ ducendæ per fundum alie

num.

Prædiorum urbanorum servitutes sunt hæ, quæ ædificiis inhærent, ideo urbanorum prædiorum dictæ, quoniam ædificia omnia urbana prædia appellamus, etsi in villa ædificata sint. Item prædiorum urbanorum servitutes sunt hæ : ut vicinus onera vicini sustineat ; ut in parietem ejus liceat vicino tignum immittere; ut stillicidium vel flumen recipiat quis in ædes suas, vel in aream, vel in cloacam; ne altius tollat quis ædes suas, ne luminibus vicini officiat. Pr. et § 1, I., eod.

Omnes autem servitutes prædiorum perpetuas causas habere debent. PAUL., fr. 28, D., vш, 2, De serv. præd. urb.

Neratius libris ex Plautio ait, nec haustum pecoris, nec appulsum, nec cretæ eximendæ, calcisque coquendæ jus posse in alieno esse, nisi fundum vicinum habeat; et hoc Proculum et Atilicinum existimasse ait. Sed ipse dicit, ut maxime calcis coquendæ et cretæ eximendæ, servitus constitui possit, non ultra posse, quam quatenus ad eum ipsum fundum opus sit. ULPIANUS, fr. 5, § 1, D., viii, 3, De servitut. præd. rusticor.

S 107.

Servitudes personnelles, servitutes personarum.

Inst., lib. 11, tit. 4, De usufructu; - tit. 5, De usu et habitatione.
Dig., lib. vii, tit. 1, De usufructu;

tit. 8, De usu et habitatione.

- tit. 7, De operis servorum; —

Cod., lib. I, tit. 33, De usufructu et habitatione et ministerio servo

rum.

Les Romains ne désignent habituellement sous des noms particuliers que quatre servitudes personnelles l'usufructus, l'usus, l'habitatio et les operæ servorum vel animalium; mais cela veut dire seulement que ces servitudes, partout où elles se rencontrent, doivent toujours être conçues comme servitutes personarum, jamais comme servitutes prædiorum, tandis que les servitudes qui sont or

dinairement citées comme servitudes réelles peuvent ètre aussi conçues et constituées comme servitudes personnelles. La raison en est, sans doute, que, si ces quatre servitudes, très-compréhensives dans leur étendue et leur objet, s'attachaient, pour leur durée, à l'existence d'un immeuble, elles réduiraient à peu près à rien, en résultat, le droit de propriété qu'un autre doit conserver sur ce même immeuble.

Ces quatre servitudes se distinguent encore en ce qu'elles sont les seules où la personne à qui elles sont conférées soit tenue, par une disposition générale de la loi, à donner, dès le principe, caution par fidéjusseurs, cautio usufructuaria, au maître de la chose assujettie, au nu-propriétaire. Cette caution comprend deux points: d'abord de ne point mésuser de la chose, ensuite de la rendre au propriétaire aussitot après l'extinction du droit. On s'explique facilement pourquoi cette caution est exigée ici et seulement ici. En effet, il est de l'essence de ces quatre servitudes personnelles que la chose ellemême sorte entièrement, pour longtemps, des mains et de la surveillance du propriétaire, et passe dans les mains de celui qui exerce la servitude. Cela n'a jamais lieu dans les servitudes réelles; d'ailleurs une prestation de caution de la part du sujet auquel une telle servitude compète, c'est-à-dire de la part du fonds dominant, ne se concevrait pas.

Les servitudes d'ususfructus et d'usus sont les formes régulières des servitudes personnelles; elles se distinguent l'une de l'autre, surtout par l'étendue du droit de jouissance qu'elles comprennent, car l'ususfructus renferme toujours quelque chose de plus que le simple usus.

En effet, l'usufruitier, usufructuarius, qu'on appelle aussi fructuarius, est autorisé, comme le mot

même l'indique, non seulement à uti, mais encore à frui, c'est-à-dire à toute la jouissance possible de la chose d'autrui, et cela d'une manière exclusive, que cette jouissance consiste dans la perception des fruits ou dans tout autre usage. En outre, l'usufruitier peut jouir, soit pour sa propre personne, soit même au delà de ses besoins personnels et domestiques, en abandonnant à d'autres, pour de l'argent, ou gratuitement, l'utilité et les produits qu'il ne peut ou ne veut pas consommer lui-même.

Au contraire, la servitus usus ne comprend immédiatement que le droit d'uti, à l'exclusion du droit de frui. Cela veut dire que l'usager, usuarius, peut, à la vérité, se servir de la chose d'autrui, mais seulement avec une certaine limitation qui, dans le langage juridique des Romains, parfois différent du langage ordinaire, constitue l'essence du simple usus. Car, en tant que la chose est utile, indépendamment de la perception des fruits, l'usager peut en user exclusivement, mais sans s'approprier les fruits; en tant, au contraire, que la chose ne peut être d'aucune utilité si l'on ne touche aux fruits, l'usager peut aussi percevoir des fruits, mais seulement pour ses besoins personnels et domestiques, et sans pouvoir abandonner à un autre l'exercice de son droit.

Le droit romain ne connaît pas de servitus fructus distincte de la servitus ususfructus, mais il regarde ces deux expressions (ainsi que celles d'usufructua rius et de fructuarius) comme synonymes, et, dans le fait, la perception des fruits comprend toujours un certain usage de la chose.

L'ususfructus et l'usus se rencontrent en ceci que l'usage et la jouissance de la chose d'autrui doivent avoir lieu salva ejus substantia. C'est précisément

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