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sessio corpore et animo contrario (in contrarium acto)

amittitur.

Ce qui caractérise la possession juridique, ce sont certains effets de droit qui s'y rattachent, en faveur du possesseur, les jura possessionis. Ainsi celui qui possède une chose comme propriétaire, soit qu'il en ait véritablement la propriété, ou qu'il ne l'ait pas, soit que, dans ce dernier cas, il croie être propriétaire, ou que sciemment il s'attribue à tort cette propriété, peut cependant provisoirement prétendre à la garantie de droit contre tout fait qui trouble arbitrairement sa possession. Cette garantie consiste dans les interdits possessoires, c'est-à-dire dans certaines actions personnelles, par lesquelles le possesseur, en suivant la forme propre à la procédure des interdits, peut écarter tout trouble apporté à sa possession. Ainsi, quand le possesseur, par suite de cette voie de fait, a déjà perdu la possession physique, il peut, au moyen des recuperandæ possessionis interdicta, exiger la restitution immédiate de sa possession. Au contraire, si les voies de fait qui ont été exercées ne l'ont point encore dépouillé de sa possession, il peut, en intentant les retinendæ possessionis interdicta, faire maintenir et respecter sa possession actuelle. (Voy. ci-dessus, § 55).

Toute possession juridique donne donc droit à être protégé par les interdits possessoires, et cette protection forme le caractère général de la possession juridique, qu'aussi les modernes nomment ordinairement possession relative aux interdits, possessio ad interdicta. Mais la possession peut encore, avec l'adjonction de certaines circonstances, avoir un autre effet, une autre conséquence juridique plus importante.

En effet, celui qui a acquis, d'une certaine ma

nière, la possession juridique d'une chose, sans en être devenu propriétaire, peut convertir sa possession en propriété par cela même qu'il continue de posséder, pendant un certain temps, paisiblement et sans interruption. Il acquiert alors, par l'usage, usus, la propriété de la chose, rem usu capit, usucapio. Cela suppose, comme condition préalable, qu'il a acquis la possession de la chose d'une manière juste, justo titulo, et dans la croyance loyale qu'il peut s'en attribuer la propriété, bona fide. Une semblable possession juridique qui peut ainsi conduire à l'usucapion est appelée par excellence, dans les sources, civilis possessio, à cause de cet effet de droit civil rigoureux.

Tout cela n'est littéralement vrai que des choses corporelles; car une chose incorporelle ne peut, d'après sa nature, être corporellement en notre pouvoir, être possédée. Cependant le besoin pratique a suggéré aux Romains l'idée d'appliquer, par analogie, les effets de la possession juridique à certains droits, notamment aux servitudes. Alors l'exercice du droit prend la place de la détention corporelle, corpus, factum, et l'intention de s'attribuer le droit qu'on exerce sur la chose d'autrui, prend la place de l'animus sibi possidendi. C'est ce qu'on appelle quasi possessio, ou juris possessio, par opposition à la vera possessio, ou corporis possessio.

Possideri autem possunt, quæ sunt corporalia. Et adipiscimur possessionem corpore et animo, neque per se animo, aut per se corpore. PAULUS, fr. 3, pr. et § 1, D., XLI, 2, De adquirenda vel amittenda possessione.

Quemadmodum nulla possessio adquiri, nisi animo et corpore, potest, ita nulla amittitur, nisi in qua utrumque in contrarium actum est. PAULUS, fr. 8, D., eod.

Sequens divisio interdictorum hæc est, quod quædam adipis

cendæ possessionis causa comparata sunt, quædam retinendæ, quædam recuperandæ........

Retinendæ possessionis causa comparata sunt interdicta uti possidetis et utrubi, quum ab utraque parte de proprietate alicujus rei controversia fit, et ante quæritur, uter ex litigatoribus possidere, uter petere debeat.... Sed interdicto quidem uti possidetis de fundi vel ædium possessione contenditur, utrubi vero interdicto de rerum mobilium possessione....

Recuperandæ possessionis causa solet interdici, si quis ex possessione fundi, vel ædium vi dejectus fuerit. Nam ei proponitur interdictum unde vi, per quod is, qui dejecit, cogitur ei restituere possessionem, cæt. § 2, 4 et 6, I., Iv, 15, De interdictis.

Usucapio est adjectio dominii per continuationem possessionis temporis lege definiti. MODESTINUS, fr. 3, D., XLI, 3, De usurp.

et usuc.

Fieri potest, ut alter possessor sit, dominus non sit, alter dominus quidem sit, possessor non sit; fieri potest, est et possessor idem et dominus sit. ULPIANUS, fr. 1, § 2, D., XLIII, 17, Uti possidetis.

II.

Histoire de la propriété.

$ 89.

Ancien droit romain.

L'idée de propriété (alicujus, meum, nostrum esse est si naturelle qu'on peut admettre qu'elle est aussi ancienne que le droit romain lui-même.

Il n'y avait originairement qu'une seule espèce de propriété, qu'on exprimait par la formule meum est ex jure Quiritium.

Ce n'est que plus tard qu'on employa pour la désigner le mot dominium; et, après qu'à côté d'elle il se fut formé une autre espèce de propriété, on y ajouta, pour ne pas la confondre avec celle-ci, l'épithète de justum, legitimum dominium, dominium ex jure Quiritium.

Elle avait sous tous les rapports une nature trèsrigoureuse. Sous le rapport du sujet, il n'y avait que les cives romani et ceux qui avaient le commercium qui en fussent capables. D'un autre côté, elle n'existait originairement, comme vraie propriété privée, pour les particuliers, privati, privi, que sur les choses mobilières; car les immeubles, l'ager publicus, étaient exclusivement la propriété de l'état, et les simples citoyens pouvaient seulement, par une concession, obtenir la possessio, c'est-à-dire la possession temporaire avec la jouissance. Cette limitation de la propriété aux choses mobilières disparut bientôt. Elle fut remplacée par une autre limitation, d'après laquelle la propriété quiritaire n'était possible que sur les fonds situés in italico solo, et non sur les fonds provinciaux.

Cette propriété n'était acquise que par des acquisitiones civiles, c'est-à-dire par des formes et des événements que le jus civile avait créés spécialement pour ce but, ou que, malgré leur origine tirée du jus gentium, il avait adoptés et confirmés.

Enfin le caractère strictement civil de cette propriété se manifestait encore et dans le pouvoir absolu à tous égards du dominus sur sa chose, et dans l'action rigoureuse que le droit civil donnait pour la garantir, la rei vindicatio. Par cette action le propriétaire pouvait, quand il avait perdu la possession de la chose, en exiger la restitution gratuite de tout détenteur indistinctement, chez qui il la trouvait, et la lui enlever. Ce procès en revendication pouvait, d'après l'ancien droit romain, être introduit et pour suivi sous deux formes: au moyen de la formula petitoria, avec cette intentio : rem actoris esse ex jure Quiritium; au moyen de la procédure per sponsionem. (Voy. ci-dessus, § 53.)

Les adquisitiones civiles susmentionnées étaient, ou rerum singularum adquisitiones, ou per universitatem adquisitiones.

Ces dernières trouveront plus convenablement leur place dans une autre partie de ce cours.

Parmi les singularum rerum adquisitiones il faut remarquer comme les plus importantes :

1. L'addictio, dans le sens large du mot. Elle reposait sur une formalité judiciaire, sur une déclaration attributive de la propriété, prononcée par le magistrat, organe de l'état, au nom du peuple. Ici viennent se ranger comme espèces :

a. L'emptió sub corona, en vertu d'une adjudication prononcée par le magistratus fonctionnant comme chef militaire, ou par le quaestor, dans la vente aux enchères publiques du butin fait à la

guerre.

b. La sectio bonorum, en vertu d'une adjudication prononcée par le magistrat, soit aussi dans l'encan du butin, soit dans certaines enchères judiciaires d'un autre genre. La pique, hasta, plantée en terre devant le magistrat, était le signe indicatif du butin pris sur l'ennemi, et ce signe fut plus tard transporté à toutes les ventes aux enchères faites au nom de l'état : subhastatio.

c. L'in jure cessio, la forme la plus générale de translation de la propriété, applicable à toute espèce de choses. Elle consiste en un procès imaginaire de revendication. Celui qui voulait acquérir réclamait la chose comme sa propriété par la rei vindicatio, devant le magistratus juri dicundo: rem vindicabat. Le propriétaire qui voulait aliéner lui abandonnait la chose volontairement, sans faire de contre-revendication, comme défendeur: rem in jure cedebat. Le magistratus déclarait alors que la chose appartenait au revendiquant rem addicebat.

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