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pour les organes d'un vieillard, le mirent hors d'haleine et l'étouffèrent.

7. Quant à Pindare, il s'endormit dans un amphithéâtre, la tête appuyée sur les genoux d'un jeune homme qu'il aimait beaucoup, et l'on ne s'aperçut qu'il avait cessé de vivre, que lorsque le chef du gymnase, voulant fermer les portes, tenta vainement de l'éveiller. Ce fut, à mon avis, une égale faveur des dieux, d'avoir obtenu tout à la fois et un génie si sublime dans la poésie et un trépas si paisible. (Av. J.-C. 452.)

8. J'en dirai autant d'Anacréon, qui toutefois avait dépassé les limites de la vie humaine. Il suçait le jus d'un raisin cuit au soleil, pour entretenir un reste de forces, un fil d'existence : mais, un pépin s'étant arrêté invinciblement dans sa gorge desséchée de vieillesse, il expira. 9. Je vais joindre ici deux hommes, à qui un même dessein valut le même sort.

Milon de Crotone, passant dans une campagne, voit un chêne entr'ouvert par des coins qu'on y avait enfoncés. Plein de confiance dans la vigueur de ses bras, il s'en approche, il introduit ses deux mains et veut achever de le fendre. Ses efforts font tomber les coins; l'arbre reprend son état naturel, serre les mains du Crotoniate, et le livre, tout couvert qu'il est de palmes gymniques, à la voracité des bêtes féroces. (Av. J.-C. 513.)

10. Il en est de même de l'athlète Polydamas. Le mauvais temps le força un jour à se réfugier dans un antre. Bientôt l'excès et l'impétuosité de la pluie ébranlèrent tellement la voûte de la caverne qu'elle commençait à s'écrouler. Tous ceux qui s'y trouvaient avec lui, s'en

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molem sustentaturus; sed, pondere omni corpore humano potentiore pressus, imbris causa petitam latebram, dementis fati sepulcrum habuit.

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Possunt hi præbere documentum, nimio robore membrorum, vigorem mentis hebescere, quasi abnuente natura utriusque boni largitionem; ne supra mortalem sit felicitatem, eumdem et valentissimum esse, et sapientissimum.

CAPUT XIII.

DE CUPIDITATE VITE.

De cupiditate vitæ Romanorum.

VERUM, quia excessus e vita et fortuitos, et viriles, quosdam etiam temerarios oratione attigimus, subjiciamus nunc æstimationi enerves et effeminatos, ut ipsa comparatione pateat, quanto non solum fortior, sed etiam sapientior mortis interdum, quam vitæ, sit cupiditas.

1. M. Aquilius, quum sibi gloriose exstingui posset, Mithridati maluit turpiter servire. Quem non aliquis merito dixerit pontico supplicio, quam romano imperio digniorem? quoniam commisit, ut privatum opprobrium publicus rubor exsisteret.

fuirent pour échapper au danger. Il resta seul, comptant soutenir la masse tout entière sur ses épaules. Mais accablé sous un poids, que nul homme n'était capable de supporter, il expia sa folle présomption; l'asile où il avait cherché un abri contre l'orage, devint son tombeau, L'exemple de ces deux athlètes peut servir à prouver que trop de force corporelle énerve les facultés de l'âme. Il semble que la nature se refuse à gratifier un mortel de cette double faveur, et que ce soit une félicité plus qu'humaine de réunir au plus haut degré la force et la sagesse.

CHAPITRE XIII.

DE L'ATTACHEMENT A LA VIE.

De l'attachement à la vie chez les Romains.

APRÈS avoir parlé des morts singulières, qui furent l'effet, soit du hasard, soit du courage, soit même de la témérité, nous allons soumettre au jugement du lecteur celles qu'ont déshonorées la faiblesse et la lâcheté. La comparaison même fera voir, qu'il y a quelquefois et plus de force et plus de sagesse à chercher la mort qu'à désirer la vie.

1. M. Aquilius pouvait mourir avec gloire, et il aima mieux vivre ignominieusement l'esclave de Mithridate. N'aurait-on pas droit de dire26: il mérita plutôt le supplice qu'il subit dans le Pont, que le commandement d'une armée romaine, puisqu'il put se couvrir d'un opprobre qui rejaillissait sur la république? (An de R. 665.)

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2. Cn. quoque Carbo magnæ verecundiæ est latinis annalibus. Tertio in consulatu suo jussu Pompeii in Sicilia ad supplicium ductus, petiit a militibus demisse et flebiliter, ut sibi alvum levare, priusquam exspiraret, liceret, quo miserrimæ lucis usu diutius frueretur, eo usque moram trahens, donec caput ejus sordido in loco sedentis abscinderetur. Ipsa verba tale flagitium narrantis secum luctantur; nec silentio amica, quia occultari non merentur; nec relationi familiaria, quia dictu fastidienda sunt.

3. Quid? Brutus exiguum et infelix momentum vitæ quanto dedecore emit! Qui a Furio, quem ad eum occidendum Antonius miserat, comprehensus, non solum cervicem gladio subtraxit, verum etiam constantius eam præbere admonitus, ipsis his verbis juravit : Ita vivam, dabo. O fati cunctationem ærumnosam! o jurandi stolidam fidem! Sed hos tu furores, immoderata retinendi spiritus dulcedo, subjicis, sanæ rationis modum expugnando, quæ vitam diligere, mortem non timere præcipit.

De cupiditate vitæ externorum.

1. EADEM Xerxem regem pro totius Asiæ armata ju

2. Cn. Carbon est bien aussi un sujet de honte pour les annales du Latium. Il fut pris en Sicile, pendant son troisième consulat. Comme on le conduisait au supplice par ordre de Pompée, il obtint des soldats, à force de prières et de larmes, la permission d'aller satisfaire un besoin, avant de mourir. Il voulait prolonger de quelques instans la jouissance d'une vie si misérable; et, comme il se faisait attendre, on finit par lui trancher la tête dans la honteuse posture où il se trouvait. Les paroles mêmes embarrassent l'historien qui rend compte d'une telle turpitude. Elles ne veulent point être supprimées, parce qu'elles ne méritent pas l'oubli; mais elles se prêtent difficilement à la narration, parce qu'elles offrent une image dégoûtante. (An de R. 671.)

3. Et Brutus! de quel opprobre ne paya-t-il pas un faible et malheureux instant d'existence? Lorsqu'il se vit entre les mains de Furius, qu'Antoine avait envoyé pour le tuer, non-seulement il retira la tête de dessous le glaive, mais, comme on l'invitait à la présenter avec plus de fermeté, il jura en ces propres termes : «Oui, sur ma vie, je vais la livrer. » Triste délai d'un destin inévitable! serment insensé, parole absurde! C'est toi, désir immodéré de conserver l'être, c'est toi qui jettes l'homme dans un tel délire, en repoussant les conseils de la saine raison, qui prescrit d'aimer la vie, mais de ne pas redouter la mort. (An de R. 710.)

De l'attachement à la vie chez les étrangers.

I. C'EST toi, qui arrachas des larmes au roi Xerxès,

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