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La violence de la tempête les avait empêchés de donner la sépulture aux soldats morts pendant la bataille; tel était leur crime. Ainsi Athènes punissait la nécessité, au lieu d'honorer le courage. (Av. J.-C. 405.)

CHAPITRE IX.

DE L'ERREUR.

L'ERREUR est voisine de la témérité. Non moins imprudente et nuisible, elle trouve grâce plus facilement, parce que ce n'est pas la volonté, mais de vaines apparences qui l'entraînent à commettre le mal. Tenter de retracer tous les égaremens où elle jette l'esprit humain, ce serait tomber moi-même dans le défaut qui fait le sujet de ce chapitre. Ainsi je me contenterai de citer quelques-uns de ses écarts.

1. C. Helvius Cinna, tribun du peuple, revenant chez lui de la pompe funèbre de Jules César, fut mis en pièces par la multitude, qui le prit pour Cornelius Cinna. C'était sur celui-ci qu'elle croyait assouvir sa colère ; elle lui en voulait, pour avoir prononcé du haut de la tribune, quoiqu'allié de César, une harangue impie contre le dictateur, après l'odieux parricide qui l'avait ravi à la terre. La méprise alla même jusqu'à fixer au bout d'un javelot la tête d'Helvius et à la porter pour la tête de Cornelius autour du bûcher de César. Tel fut le sort d'un malheureux tribun, victime déplorable de son zèle officieux et de l'erreur du peuple. (An de R. 709.) 2. L'erreur de Cassius le contraignit à se punir lui

coegit. Inter illum enim pugnæ quatuor exercituum apud Philippos varium, ipsisque ducibus ignotum eventum, missus ab eo Titinius centurio nocturno tempore, ut specularetur, quonam in statu res M. Bruti essent, dum crebros excessus viæ petit, quia tenebrarum obscuritas, hostesne an commilitones occurrerent, dignoscere non sinebat, tardius ad Cassium rediit. Quem is exceptum ab hostibus, omniaque in eorum potestatem recidisse existimans, finire vitam properavit, quum et castra hostium invicem capta, et Bruti copiæ magna ex parte incolumes essent. Titinii vero non oblitteranda silentio virtus. Qui oculis paulisper hæsit inopinato jacentis ducis spectaculo attonitus; deinde profusus in lacrymas, Etsi imprudens, inquit, imperator, causa tibi mortis fui, tamen, ne id ipsum impunitum sit, accipe me fati tui comitem; superque exanime corpus ejus jugulo suo gladium capulo tenus demisit; ac, permixto utriusque sanguine, duplex victima jacuit, pietatis hæc, erroris illa.

3. Ceterum falsa opinatio, nescio an præcipuam injuriam Lartis Tolumnii, Veientium regis, penatibus intulerit. Nam, quum in tesserarum prospero jactu per jocum collusori dixisset, Occide, et forte Romanorum legati intervenissent, satellites ejus, errore vocis im

même. Dans le cours de la bataille de Philippes, où quatre armées étaient aux prises avec des succès divers, ignorés des généraux même, il avait envoyé un centurion, nommé Titinius, pour reconnaître en quelle situation se trouvait M. Brutus. Réduit à faire bien des détours, à cause de l'obscurité qui l'empêchait de discerner si les soldats qu'il rencontrait étaient amis ou ennemis, le centurion revint trop tard. Cassius, croyant qu'il avait été fait prisonnier et que tout était perdu, se hâta de terminer ses jours, quoique le camp ennemi eût été forcé et que l'armée de Brutus fût encore en grande partie intacte. Mais Titinius montra ici une générosité qu'il ne faut pas ensevelir dans l'oubli. Frappé d'un coup inattendu en voyant son général gisant sur la poussière, il demeure un instant morne et immobile; et bientôt, fondant en larmes, il s'écrie : « O mon général, quoique j'aie involontairement causé votre mort, je ne dois pas la laisser impunie; souffrez que je partage votre destin et que je vous accompagne. » En même temps il s'ineline sur ce corps inanimé, se plonge son épée dans la gorge, et mêle son sang à celui de Cassius. Ainsi tombèrent à la fois deux guerriers, l'un victime de l'attachement, l'autre de l'erreur. (An de R. 711.)

3. Mais une méprise fit-elle jamais plus de tort qu'à la maison de Lar Tolumnius, roi des Veiens? Ce prince, jouant aux dés, eut un coup des plus heureux qui lui fit dire, en riant, à son adversaire, occide (tue celui-ci). Les ambassadeurs romains entraient par hasard au même instant les gardes, trompés par l'ambiguité du mot,

pulsi, interficiendo legatos lusum ad imperium transtu

lerunt.

CAPUT X.

DE ULTIONE.

De Ultione Romanorum.

ULTIONIS autem quemadmodum acres, ita justi aculei sunt; qui lacessiti concitantur, acceptum dolorem pensare cupientes. Quos latius complecti non attinet.

1. M. Flavius tribunus plebis ad populum de Tusculanis retulit, quod eorum consilio Veliternos Privernatesque rebellatos diceret. Qui cum conjugibus ac liberis squalore obsiti, quum supplices Romam venissent, accidit, ut, reliquis tribubus salutarem sententiam secutis, sola Polia judicaret, oportere publice eos verberatos securi percuti; imbellem multitudinem sub corona venire. Quam ob causam Papiria tribus, in qua plurimum postea Tusculani in civitatem recepti potuerunt, neminem unquam candidatum Poliæ tribus fecit magistratum, ne ad eam ullus honos suis suffragiis perveniret, illis vitam ac libertatem, quantum in ipsa fuit, ad

quæ

emerat.

2. Illam vero ultionem et senatus, et consensus om

prirent une plaisanterie pour un ordre du roi, et tuèrent les ambassadeurs. (An de R. 315.)

CHAPITRE X.

DE LA VENGEANCE.

De la Vengeance des Romains.

LA passion de la vengeance est violente, mais légitime 18. Provoquée par un outrage, elle s'agite, et ne cherche qu'à rendre le mal pour le mal. Mais il est inutile d'en faire une plus ample description.

1. M. Flavius, tribun du peuple, fit un rapport à l'assemblée contre les Tusculans : c'étaient leurs conseils, disait-il, qui avaient porté à la révolte les Veliternes et les Privernates. Les accusés étaient venus à Rome avec leurs enfans et leurs femmes, en habits de deuil, comme des supplians. Toutes les tribus opinèrent en leur faveur, à l'exception de la seule tribu Polia, qui fut d'avis de trancher la tête aux hommes, après les avoir battus de verges, et de vendre à l'encan toute la multitude incapable de porter les armes. La tribu Papiria, où depuis prévalurent les Tusculans devenus citoyens romains, en conserva le souvenir, et ne donna jamais sa voix dans les élections à aucun candidat de la tribu Polia: ses citoyens ne voulaient pas concourir par leurs suffrages à honorer une tribu qui s'était efforcé, de tout son pouvoir, à leur ôter la vie et la liberté. (An de R. 373.)

2. Mais voici une vengeance qui reçut l'approbation

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