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trahison, perduellionis reus. Dans ce cas particulier, et par exception à ce principe général que les poursuites criminelles sont éteintes par la mort du coupable (1), on condamne la mémoire du défunt, et l'effet de la sentence remonte à l'époque même où le crime a été commis (2). Cette fiction une fois admise, il en résulte que le coupable a immédiatement perdu la puissance paternelle. Ses enfants, considérés comme sui juris depuis la même époque, ne peuvent, lors de son décès, devenir héritiers d'un père qui ne laisse ni hérédité ni héritier, et n'a d'autres successeurs que le fisc (cum fiscus ei succedat).

S VI.

817. Lorsqu'un fils sort de la famille paternelle, sa place est aussitôt remplie par ses propres enfants, qui ont alors sur l'hérédité de l'aïeul tous les droits de leur père (3).

De là, il résulte : 1° qu'un fils exclut ses propres enfants, sans jamais exclure ceux d'un autre fils (1); 2° que les petits ou arrière-petits-enfants ont entre eux la part qu'aurait eue celui dont ils prennent la place (5) : aussi distingue-t-on ici deux manières de succéder, ou plutôt de partager entre les enfants siens l'hérédité légitime. Elle se divise (in capita) par tétes ou portions viriles, c'est-à-dire en autant de parts égales qu'il y a d'héritiers, lorsque les enfants du premier degré succèdent seuls à leur père; mais, au contraire, lorsque les descendants d'un degré inférieur occupent dans la famille la place que leur père a laissée vacante, l'hérédité se divise, sans égard au nombre des héritiers, comme si le fils représenté par ses enfants existait encore dans la famille (6). C'est le partage par souches (non in capita sed in stirpes), ainsi appelé parce que chaque fils est considéré comme formant souche, par rapport à ses descendants. Remarquons que le partage se fait par souches entre les héritiers siens, lors même qu'il y a parité de degré entre les petits-enfants (7)..

818. Les filles et petites-filles sont héritiers siens du père ou de l'aïeul qui les avait sous sa puissance, et à ce titre elles

(2) Marcian. fr. 15; Pap. fr. 31, § 4, de (3) Text. hic; Gaius, 3 inst. 7; Ulp. 26 reg. 2. (4) § 2 in fin., h. t.; Paul.

(1) Ulp. fr. 11, ad. leg. jul. majest. donat. 4 sent. 8, § 8. (5) 7p. 26 reg. 2; fr. 1, § 4, de suis et legit. 8, § 9; Ulp. 26 reg. 2; Gaius, 3 inst. 8.

sent. 8, 9.

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- (6) Paul. 4 sent. (7) Text, hic; Gaius, 3 inst. 8; Paul. 4

succèdent comme les descendants mâles; mais leur place dans la famille paternelle n'est jamais remplie par leurs propres enfants, qui appartiennent nécessairement à une autre famille (1). Cependant nous les verrons bientôt admis par Théodose avec les héritiers siens [831].

§ III.

819. L'hérédité légitime est acquise aux siens comme l'hérédité testamentaire. Tout ce qu'on a dit précédemment [668] sur l'une s'explique et se complète par ce qui est dit ici sur l'autre, et réciproquement (2).

Tel est, sur les héritiers siens proprement dits, le système de la loi des Douze Tables renfermé dans les huit premiers paragraphes de ce titre.

II. DES PERSONNES APPELÉES EN PREMIER ORDRE PAR

LE PRÉTEUR.

§ IX.

820. Les enfants sortis de la famille, ne se trouvant pas sous la puissance du mourant, ne sont ni siens ni héritiers d'après le droit civil (3). Il en est autrement dans la succession prétorienne. En admettant en premier ordre les enfants du défunt, le préteur appelle non-seulement ceux qui sont restés dans la famille, mais avec eux et sans distinction, les émancipés (*). Dans la succession testamentaire nous les avons vus [573] assimilés aux héritiers siens qu'on est obligé de déshériter ou instituer ici, par suite du même principe, et lorsqu'il n'existe aucun testament (5), le préteur accorde la possession de biens UNDE LIBERI aux mêmes enfants qui, dans le cas contraire, faute d'avoir été exhérédés ou institués, obtiendraient la possession CONTRA TABULAS (6).

Le préteur, en admettant ainsi les émancipés, ne leur confère point le titre d'héritiers; ce titre est réservé aux successeurs appelés par la loi civile [906], par exemple aux enfants qui sont restés fils de famille jusqu'au décès de leur père, mais en ré

(1) Gaius, fr. 196, § 1, de verb. sign.; Paul. 4 sent. 8, § 6. (2) Text. hic; Paul. 4 sent. 8, § 6. ·(3) Text. hic; Gaius, 3 inst. 19. (+) Text. hic; Modest. fr. 1, § 2,

quis ordo.-(5) Ulp. fr. 3, si tab. test. null.—(6) Ulp. fr. 1, $$ 5 et 6, eod.

sultat ceux-ci ne succèdent réellement que pour partie (pro parte), parce qu'ils sont forcés de partager les biens paternels avec leurs frères ou sœurs émancipés quand le préteur accorde à ceux-ci la possession de biens unde liberi.

821. Cette possession de biens appartient en général à tous les enfants que le droit civil reconnaîtrait lui-même pour héritiers siens, si eux ou leur père n'étaient point sortis de la famille [572] par une CAPITIS DEMINUTIO que le droit honoraire regarde comme non avenue, et n'oppose à aucun descendant(1). Il peut arriver, par application de ce principe, que la possession de biens soit donnée à plusieurs descendants qui n'ont jamais été sous la puissance du défunt ; c'est ainsi que le préteur admet à la succession du fils émancipé ses propres enfants conçus avant l'émancipation, et à la succession de l'aïeul émancipateur les petits-enfants conçus après l'émancipation de leur père (a).

822. Ce qu'on dit ici de l'émancipation s'applique également à toute autre manière de dissoudre le lien de famille (2); car la moyenne et la grande CAPITIS DEMINUTIO ne nuisent qu'autant qu'elles privent du droit de cité : aussi ne sont-elles pas opposées à celui qui se trouve réintégré dans sa qualité de citoyen (3).

§ X.

823. Les enfants donnés en adoption ne différeraient point des enfants émancipés, si l'adopté, en sortant de sa famille naturelle, ne passait pas dans une famille étrangère. Le préteur qui, à la mort du père naturel, trouve l'adopté dans cette famille, ne peut pas le considérer comme appartenant en même temps à deux familles différentes : dans ce cas, l'adopté n'est appelé à la succession de son père naturel, ni par le droit civil, ni par le droit prétorien (b).

(1) Pomp. fr. 5, § 1, si tab. test. null. (2) Ulp. fr. 1, § 6, de b. p. contra tab. (3) Ulp. fr. 1, § 9; Herm. fr. 2, eod.

-

(a) Paul. fr. 6, de b. p. contra tab.; Modest. fr. 21, eod.; Pomp. fr. 5, § 1, si tab. test. null. Observez que les petits-enfants ne viennent jamais à la succession de l'aïeul qu'à défaut de leur père (Pomp. d. fr. 5, § 1; V. Paul. fr. 4, § 1, de b. p. contra tab.)

(b) Le préteur ne l'admet pas en premier ordre, par la possession de biens unde liberi, mais il lui accorde, en troisième ordre, la possession de biens unde cognali. Voyez le § 13 et son explication [867].

2

Ce n'est pas la capitis deminutio en elle-même qui empêche les adoptés de succéder au père naturel; c'est la position qu'ils occupent dans une autre famille au décès de leur père (si modo cum is moreretur in adoptiva familia fuerint); aussi l'émancipé qui s'est donné en adrogation, comme le suppose notre texte, et ses enfants passés avec lui ou conçus postérieurement dans la famille de l'adoptant, ne différent-ils point du fils de famille donné en adoption proprement dite: tous sont également écartés, soit de l'hérédité, soit des possessions de biens contra tabulas ou unde liberi, par cette seule raison qu'ils sont dans une famille étrangère: hoc solum quæritur an in adoptiva familia sit (a).

824. Pour succéder au père naturel, les enfants passés dans une famille adoptive doivent en sortir avant la mort de ce dernier; car s'il suffisait d'en sortir à une époque quelconque, l'adoptant disposerait à son gré de la succession du père naturel en effet, l'hérédité appartiendrait aux héritiers légitimes; c'est-à-dire aux agnats du défunt, si l'adopté restait dans la' famille adoptive; mais, au contraire, son émancipation empêcherait les agnats de succéder, parce qu'alors le fils reprendrait ses droits à la possession de biens unde liberi. Pour que l'adoptant ne puisse pas ainsi disposer de la succession d'autrui, on a décidé que les enfants émancipés par le père adoptifne succéderont point à leur père naturel si l'émancipation n'a pas précédé sa mort (b).

§ XI.

825. Quant au père adoptif, les adoptés ont, sur la suc

(a) Gaius, fr. 9, de b. p. contra tab.; V. text. hic; Ulp. 23 reg. 3; Paul. fr. 6, §4, eod. Les enfants de l'émancipé ne sont pas censés changer de famille, lorsqu'ils passent par adoption de la puissance du père émancipé dans celle de l'aïeul émancipateur, et vice versa. En effet, le préteur, qui considère l'émancipation comme non avenue, doit considérer le père et l'aïeul paternels comme formant toujours une seule et même famille (Ulp. fr. 3, §§ 7 et 8; Modest. fr. 21, § 1, eod.)

(b) Text. hic; Paul. fr. 6, § 4, de b. p. contra tab. Si l'on exige qu'ils soient émancipés, c'est pour qu'ils sortent, non seulement de la puissance, mais aussi de la famille de l'adoptant; car les enfants peuvent devenir sui juris sans sortir de la famille ; c'est ce qui arrive par le décès du père [237]. Aussi la mort de l'adoptant ne rend-elle pas à l'adopté le droit de succéder à son père naturel utrum pater adoptivus vivit an defunctus est, nihil interest (Gaius, fr. 9, eod.). La seule chose à examiner, c'est de savoir si l'adopté est encore dans la famille de l'adoptant, an in familia sit.

cession, les mêmes droits que les enfants naturels ; et le préteur lui-même ne met aucune différence entre eux, tant que l'adoption subsiste (1). Après l'émancipation, le droit civil ne met encore aucune différence entre l'adopté et l'enfant naturel : l'un et l'autre cessent d'être siens, et n'ont plus aucun droit sur l'hérédité (2). A la vérité, l'émancipé reste toujours fils du père naturel dont il a quitté la famille (3); mais il ne compte plus, sous aucun rapport, parmi les enfants de l'adoptant: desinit in numero liberorum esse (*). Aussi le préteur lui refuse-t-il la possession de biens qu'il accorde aux enfants (5).

§§ XII et XIII.

826. Les possessions de biens contra tabulas et unde liberi sont deux voies tendant au même but, que le préteur ouvre aux mêmes personnes, d'après les mêmes règles (6), mais dans des circonstances, opposées. La possession contra tabulas suppose l'existence d'un testament, dans lequel un enfant héritier sien, ou considéré comme tel d'après les règles ci-dessus, n'a été ni institué ni déshérité suivant les formes requises, ut oportet ("); La possession de biens unde liberi se donne au contraire lorsqu'il n'existe aucun testament, et le testament n'existe, dans le sens du droit prétorien, qu'autant que les sept témoins y ont apposé leur cachet (8).

827. Dans l'une ou l'autre de ces possessions de biens, l'émancipation étant considérée comme non avenue, l'émancipé concourt avec les héritiers siens, leur enlève une partie des biens paternels, et par suite une partie des biens que ces mêmes héritiers siens ont acquis au père commun, tandis que ce dernier n'a point profité des acquisitions faites par les émancipés; il est donc juste que ceux-ci remettent dans la masse héréditaire les biens qu'ils auraient acquis au père commun, si l'émancipation n'avait pas eu lieu (9). De là il suit que l'émancipé doit rapporter, pour être partagés avec les héritiers siens dont il diminue la portion (10), et qui concourent avec lui dans

(1) Ulp. fr. 1, de b. p. contra tab.; fr. 1, § 6, si tab. test. null. exher. (3) § 3, de legit. agnat. succ,; Paul. fr. 4, si tab. test. null. Paul. d. fr. 4. — (*) § 10, h. t.; Ulp. fr. 8, § 12, de b. p. contra tab. S6, si tab. test. null. —(7) Text. hic; Ulp. fr. 8, de b. p. contra tab. 3, si tab. test. null. — (9) Ulp. fr. 1, de collat. (10) Julian. fr. 3,

$ 3, eod.

(2) SS 3 et 4, de

§

(†) § 12, h. t.; (6) Ulp. fr. 1, (8) Ulp. fr. 3; Ulp. fr. 3,

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