Page images
PDF
EPUB
[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

TRANSFER

1931

[ocr errors][ocr errors][subsumed][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
[ocr errors]

[ocr errors]

Ses pro

cédés, ses inconvénients. - La théorie du poème épique d'après
le Père Le Boɛşu. Conséquences de cette théorie dans l'ap-
préciation des poëmes homériques La méthode historique.
Ses avantages. Ie beau. L'idéal.

S'il y a un si grand nombre de personnes qui ne possèdent en littérature que des notions vagues ou fausses, ce n'est pas la littérature qu'il faut en accuser, mais la manière dont on l'enseigne. De la chose la plus vivante, la plus charmante du monde, on a réussi à faire je ne sais quoi d'aride et de rebutant. Il fallait s'adresser à l'imagination et à la sensibilité, facultés Vibrantes et toujours en éveil aux jours de la jeunesse ;

on ne s'est adressé qu'à la mémoire, et on lui a jeté la plus maigre et la plus sèche des nourritures. Le résul

tat de ces belles méthodes, on le devine : l'ennui et le dégoût au début, l'ignorance à la fin. Peut-être le moment est-il venu de tenter des voies nouvelles. On ne sait que trop où conduisaient les anciennes.

Les livres, traités, manuels, qu'on met entre les mains de la jeunesse, sont, pour la plupart, un répertoire de formules vagues 'et ennuyeuses; c'est un vieux reste de la scolastique étroite et dure qui a pesé durant tant de siècles sur les intelligences. Ces traités ont pour procédé uniforme de remplacer le concret par l'abstrait, c'est-à-dire ce qui existe par ce qui n'existe pas. Ils abondent en théories, en rè gles, en préceptes de toute nature; ils offrent à chaque page des déanitions, des divisions, des, subdivisions; mais tout cela n'est pas à proprement parler la littérature: ce n'en est que le squelette. Quand je saurai sur le bout du doigt ce que c'est que l'exorde, la proposition, la narration, la péroraison, etc.; quand j'aurai chargé ma mémoire des définitions de la li tote, de l'hyperbole, de l'hypallage, de l'hyperbate, pourrai-je me flatter de comprendre et de goûter une harangue de Démosthène, un plaidoyer de Cicéron, une oraison funèbre de Bossuet? Ce que je cherche, avant tout, c'est à reconstituer la vie qui animait ces œuvres éloquentes. Sous ces cendres couve encore la flamme; il faut qu'elle jaillisse de nouveau. Laissons donc là les froides divisions, les inventaires de figures de mots ou de pensées : replaçons l'orateur dans les circonstances où il se trouvait; mettons en face de lui des ennemis à combattre, une grande foule à entraîner;

faisons comprendre le but où il tend; faisons revivre les passions qu'il attaque ou celles qu'il déchaîne ; montrons qu'il y va de son honneur ou de sa vie, s'il ne réussit à convaincre les juges et le peuple. Et comment les convaincra-t-il, s'il ne connaît les idées, les sentiments, les colères, les préjugés, qui s'agitent au fond de toutes ces âmes ? Et comment comprendrai-je moi-même l'œuvre que j'ai sous les yeux, si mon imagination ne refait pour ainsi dire le temps, les hommes, les lieux, les choses qui ont inspiré et fait jaillir l'œuvre elle-même ? Eh bien, les manuels dont je parle sont muets sur ce point, ils font haïr ce que l'on voudrait aimer.

[ocr errors]

Établissons donc tout d'abord ce principe. que l'étude de la littérature est autre chose que l'étude abstraite des formes; qu'elle doit embrasser l'étude des temps, des lieux, des idées, des croyances, du milieu, enfin, dans lequel telle ou telle œuvre littéraire s'est produite.

Mettons en lumière ce premier point au moyen d'un exemple.

Un manuel de littérature procède de la facon suivante : il prend ce qu'on est convenu d'appeler un genre, l'épopée par exemple. Aussitôt il se réfère à Aristote, et lui emprunte sa définition et ses préceptes. Il passe ensuite à d'autres critiques de l'antiquité, leur fait des emprunts analogues, compile tous les documents relatifs à la question, s'enrichit ainsi et s'alourdit de formules, jusqu'à ce qu'il ait épuisé la matière. Il ne m'est plus permis d'ignorer, après cela, quels sont les éléments consti

:

tutifs de l'épopée en général. Et encore, puis-je vraiment me flatter de posséder cette connaissance? Regardons d'un peu plus près. Examinons la valeur réelle de cette théorie abstraite de l'épopée. Elle a pour base l'autorité d'Aristote mais la Poétique d'Aristote est incomplète, mutilée; mais Aristote est un Grec du quatrième siècle avant Jésus-Christ. Il écrivait en grec, pour des Grecs, sur des épopées grecques. Philosophe, il analysait les éléments qui entraient dans la composition de la plupart des épopées connues de son temps; puis, de cette analyse, il déduisait des formules générales. Mais qui ne voit qu'il était dominé dans son travail : 1o par les modèles qu'il avait sous les yeux; 2° par les influences de son temps et de son pays? Si quelqu'un des contemporains d'Aristote lui eût dit dans deux mille ans les Grecs n'existeront plus; il y aura d'autres peuples qui auront d'autres traditions nationales et religieuses, d'autres formes de gouvernement, d'autres mœurs, d'autres langues: croyez-vous que vos définitions et vos formules de l'épopée ou de la tragédie puissent leur convenir? Il aurait répondu : Non; ces peuples créeront des œuvres littéraires en rapport avec leur génie propre. Eh bien, les manuels de littérature ne tiennent aucun compte de ces différences essentielles. Prenez le traité du poëme épique du père Le Bossu. Il suit pas à pas Aristote, qu'il paraphrase en compilani d'autres autorités. Voici ce qu'il dit: L'épopée est une fable agréablement imitée sur une action importante, qui est racontée en vers d'une manière vraisemblable et merveilleuse. Définition cruelle! Qu'elle a dû donner de

« PreviousContinue »