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D'étaler et d'offrir aux yeux

Ce que leur doit toujours cacher la bienséance;
Et combat vivement la fausse piété

Qui, sous couleur d'éteindre en nous la volupté,
Par l'austérité même et par la pénitence,
Sait allumer le feu de la lubricité.

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Qui ne hait point tes vers, ridicule Mauroi,
Pourroit bien, pour sa peine, aimer ceux de Foureroi.

XL.

La figure de Pellisson!

Est une figure effroyable;

Mais quoique ce vilain garçon

Soit plus laid qu'un singe et qu'un diable,

Sapho lui trouve des appas;

Mais je ne m'en étonne pas :

Car chacun aime son semblable.

XLI.

On dit que l'abbé Roquette
Prêche les sermons d'autrui :
Moi, qui sais qu'il les achète,
Je soutiens qu'ils sont à lui.

4. Ces vers, ainsi que les suivans, ont été attribués à Boileau. Sapho, c'est Mlle de Scudéri.

FIN DES ÉPIGRAMMES.

FRAGMENT D'UN PROLOGUE D'OPÉRA.

AVERTISSEMENT AU LECTEUR.

Mme de Montespan et Mme de Thianges, sa sœur, lasses des opéra de M. Quinault, proposèrent au roi d'en faire faire un par M. Racine, qui s'engagea assez légèrement à leur donner cette satisfaction, ne songeant pas dans ce moment-là à une chose, dont il étoit plusieurs fois convenu avec moi, qu'on ne peut jamais faire un bon opéra, parce que la musique ne sauroit narrer; que les passions n'y peuvent être peintes dans toute l'étendue qu'elles demandent; que d'ailleurs elle ne sauroit souvent mettre en chant les expressions vraiment sublimes et courageuses. C'est ce que je lui représentai, quand il me déclara son engagement; et il m'avoua que j'avois raison; mais il étoit trop avancé pour reculer. Il commença dès lors en effet un opéra, dont le sujet étoit la chute de Phaéton. Il en fit même quelques vers qu'il récita au roi qui en parut content. Mais comme M. Racine n'entreprenoit cet ouvrage qu'à regret, il me témoigna résolument qu'il ne l'achèveroit point que je n'y travaillasse avec lui, et me déclara avant tout qu'il falloit que j'en composasse le prologue. J'eus beau lui représenter mon peu de talent pour ces sortes d'ouvrages, et que je n'avois jamais fait de vers d'amourettes: il persista dans sa résolution, et me dit qu'il me le feroit ordonner par le roi. Je songeai donc en moi-même à voir de quoi je serois capable, en cas que je fusse absolument obligé de travailler à un ouvrage si opposé à mon génie et à mon inclination. Ainsi, pour m'essayer, je traçai, sans en rien dire à personne, non pas même à M. Racine, le canevas d'un prologue; et j'en composai une première scène. Le sujet de cette scène étoit une dispute de la Poésie et de la Musique, qui se querelloient sur l'excellence de leur art, et étoient enfin toutes prêtes à se séparer, lorsque tout à coup la déesse des accords, je veux dire l'Harmonie, descendoit du ciel avec tous ses charmes et ses agrémens, et les réconcilioit. Elle devoit dire ensuite la raison qui la faisoit venir sur la terre, qui n'étoit autre que de divertir le prince de l'univers le plus digne d'être servi, et à qui elle devoit le plus, puisque c'étoit lui qui la maintenoit dans la France, où elle régnoit en toutes choses. Elle ajoutoit ensuite que, pou empêcher que quelque audacieux ne vînt troubler, en s'élevan contre un si grand prince, la gloire dont elle jouissoit avec lui, elle vouloit que dès aujourd'hui même, sans perdre de temps, on représentât sur la scène la chute de l'ambitieux Phaeton. Aussitôt tous les poëtes et tous les musiciens, par son ordre, se retiroient et s'alloient habiller. Voilà le sujet de mon prologue, auquel je travaillai trois ou quatre jours avec un assez grand dégoût, tandis

que M. Racine de son côté, avec non moins de dégoût, contínuoit à disposer le plan de son opéra, sur lequel je lui prodiguois mes conseils. Nous étions occupés à ce misérable travail, dont je ne sais si nous nous serions bien tirés, lorsque tout à coup un heureux incident nous tira d'affaire. L'incident fut que M. Quinault s'étant présenté au roi les larmes aux yeux, et lui ayant remontré l'affront qu'il alloit recevoir s'il ne travailloit plus au divertissement de Sa Majesté, le roi, touché de compassion, déclara franchement aux dames dont j'ai parlé, qu'il ne pouvoit se résoudre à lui donner ce déplaisir. Sic nos servavit Apollo. Nous retournâmes donc, M. Racine et moi, à notre premier emploi, et il ne fut plus mention de notre opéra, dont il ne resta que quelques vers de M. Racine, qu'on n'a point trouvés dans ses papiers après • mort, et que vraisemblablement il avoit supprimés par délicatesse de conscience, à cause qu'il y étoit parlé d'amour. Pour moi, comme il n'étoit point question d'amourettes dans la scène que j'avois composée, non-seulement je n'ai pas jugé à propos de la supprimer; mais je la donne ici au public, persuadé qu'elle fera plaisir aux lecteurs, qui ne seront peut-être pas fâchés de voir de quelle manière je m'y étois pris, pour adoucir l'amertume et la force de ma poésie satirique, et pour me jeter dans le style doucereux. C'est de quoi ils pourront juger par le fragment que je leur présente ici, et que je leur présente avec d'autant plus de confiance, qu'étant fort court, s'il ne les divertit, il ne leur laissera pas du moins le temps de s'ennuyer.

PROLOGUE D'OPÉRA.

LA POÉSIE, LA MUSIQUE.

LA POÉSIE.

Quoi! par de vains accords et des sons impuissans,
Vous croyez exprimer tout ce que je sais dire!

LA MUSIQUE.

Aux doux transports qu'Apollon vous inspire, Je crois pouvoir mêler la douceur de mes chants. LA POÉSIE.

Oui, vous pouvez aux bords d'une fontaine

Avec moi soupirer une amoureuse peine,
Faire gémir Thyrsis, faire craindre Clymène;
Mais, quand je fais parler les héros et les dieux,
Vos chants audacieux

Ne me sauroient prêter qu'une cadence vaine.
Quittez ce soin ambitieux.

LA MUSIQUE.

Je sais art d'embellir vos plus rares merveilles.

LA POÉSIE.

On ne veut plus alors entendre votre voix.

LA MUSIQUE.

Pour entendre mes sons, les rochers et les bois
Ont jadis trouvé des oreilles.

LA POÉSIE.

Ah! c'en est trop, ma sœur, il faut nous séparer :
Je vais me retirer.

Nous allons voir sans moi ce que vous saurez faire
LA MUSIQUE.

Je saurai divertir et plaire;

Et mes chants moins forcés n'en seront que plus doux. LA POÉSIE.

Hé bien, ma sœur, séparons-nous.

LA MUSIQUE.
Séparons-nous,
LA POÉSIE.
Séparons-nous.

CHŒUR DE POËTES ET DE MUSICIENS.
Séparons-nous, séparons-nous.

LA POÉSIE.

Mais quelle puissance inconnue
Malgré moi m'arrête en ces lieux ?

LA MUSIQUE.

Quelle divinité sort du sein de la nue?

LA POÉSIE.

Quels chants mélodieux

Font retentir ici leur douceur infinie?

LA MUSIQUE.

Ah! c'est la divine Harmonie,
Qui descend des cieux!
LA POÉSIE.

Qu'elle étale à nos yeux
De grâces naturelles !

LA MUSIQUE.

Quel bonheur imprévu la fait ici revoir!

LA POÉSIE ET LA MUSIQUE.

Oublions nos querelles,

Il faut nous accorder pour la bien recevoir.
CHOEUR DE POËTES ET DE MUSICIENS.

Oublions nos querelles,

Il faut nous accorder pour la bien recevoir.

CHAPELAIN DÉCOIFFE,

OU PARODIE DE QUELQUES SCÈNES DU Cid'.

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Enfin vous l'emportez, et la faveur du roi

Vous accable de dons qui n'étoient dus qu'à moi.
On voit rouler chez vous tout l'or de la Castille.

CHAPELAIN.

Les trois fois mille francs qu'il met dans ma famille
Témoignent mon mérite, et font connoître assez
Qu'on ne hait pas mes vers pour être un peu forcés.

LA SERRE.

Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :
Ils se trompent en vers comme les autres hommes;

Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans,
Qu'à de méchans auteurs ils font de beaux présens

CHAPELAIN.

Ne parlons point du choix dont votre esprit s'irrite :
La cabale l'a fait plutôt que le mérite.

Vous choisissant, peut-être on eût pu mieux choisir;
Mais le roi m'a trouvé plus propre à son désir.

A l'honneur qu'il m'a fait ajoutez-en un autre :
Unissons désormais ma cabale à la vôtre.

J'ai mes prôneurs aussi, quoiqu'un peu moins fréquens
Depuis que mes sonnets ont détrompé les gens.

Si vous me célébrez, je dirai que La Serre
Volume sur volume incessamment desserre.
Je parlerai de vous avec monsieur Colbert,
Et vous éprouverez si mon amitié sert.

Ma nièce même en vous peut rencontrer un gendre.

LA SERRE.

A de plus hauts partis Phlipote doit prétendre;
Et le nouvel éclat de cette pension

Lui doit bien mettre au cœur une autre ambition.
Exerce nos rimeurs, et vante notre prince;

Va te faire admirer chez les gens de province,
Fais marcher en tous lieux les rimeurs sous ta loi,
Sois des flatteurs l'amour, et des railleurs l'effroi.
Joins à ces qualités celles d'une âme vaine :

4. Boileau est tout au plus un des auteurs de cette parodie. Voy. cidessus, p. 14

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