Page images
PDF
EPUB

XXXII

RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES.

le spectacle de ces maladies de l'humanité, le médecin empêche son cœur de se révolter, et il interroge même le mal avec une anxiété curieuse, car dans ces souffrances du passé il y a une leçon ct peut-être un remède pour l'avenir.

DES ROMAINS.

CHAPITRE PREMIER.

Magistrats et Juges.

A l'origine, la juridiction ne formait point une branche séparée d'administration; comme chez tous les peuples de l'antiquité, elle était aux mains du roi', chef dans la paix et dans la guerre ; plus tard, elle appartint aux consuls, qui héritèrent de toutes les prérogatives royales 2.

Quand il fut impossible aux consuls, retenus par des guerres lointaines, de songer à l'administration de la justice,

* DENYS D'HAL., II, 14; IV, 41. Cic., de Rep.,V. 2. Nihil esse tam regale quam explanationem æquitatis; in qua juris erat interpretatio: quod jus privati petere solebant a regibus; ob easque causas agri, arvi et arbusti, et pascui lati atque uberes definiebantur, qui essent regii colerenturque sine regum opera et labore, ut eos nulla privati negotii cura a populorum rebus abduceret. Nec vero quisquam privatus erat disceptator aut arbiter litis, sed omnia conficiebantur judiciis regiis.

2 DENYS, X, 1. Ἀλλὰ τὸ μὲν ἀρχαιον οἱ βασιλεῖς ἐφ ̓ αὑτῶν ἔταττον τοῖς δεομένοις τὰς δίκας, καὶ τὸ δικαιωθὲν ὑπ' ἐκείνων, τοῦτο νόμος ἦν. ὡς δ' ἐπαύσαντο μοναρχούμενοι, τοῖς κατ' ἐνιαυτὸν ὑπατεύουσιν ἀνέκειτο τά τ' ἄλλα τῶν βασιλέων ἔργα, καὶ ἡ τοῦ δικαίου διάγνωσις, καὶ τοῖς ἀμφισβητοῦσι πρὸς ἀλλήλους ὑπὲρ ὁτουδήτινος, ἐκεῖνοι τὰ δίκαια οἱ διαιροῦντες ἦσαν, ch. 19, ibid. LIVIUS, II, 27. De là vient que les consuls portaient aussi le nom de judices. LIVIUS, III, 55. VARRO, de Ling. lat., V, 9 (éd. Bip.). Cic., de Legib., III, 3. Regio imperio duo sunto: iique præeundo, judicando, consulendo, prætores, judices, consules, appellantor.-Les tribuns et les édiles, choisis comme arbitres amiables, décidaient ordinairement les causes des plébéiens. LYDU3, de Magist., I, 38, 44. Denys, VI, 90. VII, 58.

on établit dans ce but une magistrature spéciale, la préture". Les édiles, comme magistrats de police, eurent une juridiction particulière sur les ventes publiques, sur les poids et mesures et autres telles sortes de choses; mais cette compétence n'était point exclusive, et quand les édiles étaient empêchés, le préteur rendait la justice à leur place".

Le magistrat devant lequel on portait une affaire litigieuse n'avait pas à s'occuper de toutes les procédures auxquelles

3 CICER., de Leg., III, 3. Juris disceptator, qui privata judicet, judicarive jubeat, prætor esto. Is juris civilis custos esto. Huic potestate pari quotcumque senatus creverit, populusve jusserit, tot sunto. L. 2, § 27. de Orig. jur. D. I, 2. Quumque consules avocarentur bellis finitimis, neque esset qui in civitate jus reddere posset, factum est ut prætor quoque crearetur, qui Urbanus appellatus est, quod in urbe jus redderet. § 28. Post aliquot deinde annos, non sufficiente eo prætore, quod multa turba etiam peregrinorum in civitatem veniret, creatus est et alius prætor, qui Peregrinus appellatus est ab eo quod plerumque inter peregrinos jus dicebat. LYDUS, de Magist., I, 38, 45, nous a fourni la date exacte de la création du prætor peregrinus; ce fut en l'an 507 de Rome.

4 L. 2, § 34, de Orig. jur. D. I, 2. L. 1, § 1. D. XXI, 1. Aiunt ædiles : Qui mancipia vendunt, certiores faciant emptores, quid morbi vitiive cuique sit, qui fugitivus errove sit, noxæve solutus non sit; eademque omnia cum ea mancipia venibunt, palam rectè pronuntianto. Quod si mancipium adversus ea venisset, sive adversus quod dictum promissumve fuerit, cum veniret, fuisset; quod ejus præstari oportere dicetur, emptori omnibusque ad quos ea res pertinet, judicium dabimus, ut id mancipium redhibeatur. Si quid autem post venditionem traditionemque deterius emptoris opera, familiæ, procuratorisve ejus factum erit, sive quid ex ea re fructus pervenerit ad emptorem, ut ea omnia restituat. Item si quas accessiones ipse præstiterit, ut recipiat. Item si quod mancipium capitalem fraudem admiserit, mortis consciscendæ sibi causa quid fecerit in ve arenam depugnandi causa ad bestias intromissus fuerit, ea omnia in venditione pronuncianto; ex his enim causis judicium dabimus. Ioe amplius, si quis adversus ea sciens dolo malo vendidisse dicetur, judicium dabimus. — L. 63, ibid. ULP. Sciendum est ad venditiones solas hoc edictum pertinere, non tantum mancipiorum, verum ceterarum quoque rerum. Cur autem de locationibus nihil edicatur, mirum videbatur; hæc tamen ratio redditur, vel quia nunquam istorum de hac re fuerat jurisdictio, vel quia non similiter locationes, ut venditiones fiunt. — L. 13, § 8, Locat. cond. D. XIX, 2. DIO CASSIUS, LIII, 2.

cette affaire devait donner lieu; il déterminait simplement le point de droit qui devait faire la loi du litige; quant à l'examen du fait, il en chargeait quelqu'un des juges privés qu'il avait à sa disposition. On peut douter qu'il y ait eu des judices privati au temps des rois'; mais les premières notions un peu exactes que nous possédions sur la procédure romaine supposent l'existence de cette institution; c'est d'ailleurs la seule manière de comprendre comment un si petit nombre de magistrats pouvait suflire à l'administration de la justice.

L'objet de la demande influait sur le choix du juge : en certains cas on ne nommait qu'un seul judex; en d'autres c'étaient des recuperatores qui jugeaient. Ces juges (nommés arbitri en certaines circonstances ") étaient à l'origine pris parmi les sénateurs presque exclusivement 10. Tenir dans ses mains les intérêts privés, c'était un moyen de puissance trop réel pour que l'aristocratie romaine le négligeât. Plus tard, par suite de changemens dont Caius Grac

6 Ces juges du fait se nommaient judices. VARRO, de Ling. lat., V, 7. Dico originem habet græcam quod Græci Sizá¿w..... Hinc dicare, hinc judicare quod tunc jus dicatur, hinc judex quod judicat accepta potestate, id est quibusdam verbis dicendo finit.

7 Cic., de Rep., V, 2 (sup., n. 1). DENYS, IV. 25.

* GAIUS, IV, 104, 105, 109. Inf., n. 70.

9 Cic., pro Murena, XII. Jam illud mihi quidem mirum videri solet, tot homines, tam ingeniosos, per tot annos etiam nunc statuere non potuisse, utrum diem tertium an perendinum, judicem an arbitrum, rem an litem, dici oporteret.- Pro Rosc. comæd., c. 9.— Pro Rosc. Amerin., c. 39. GAIUS, IV, 163, 165. - FESTUS, Arbiter dicitur judex qui totius rei habeat arbitrium et facultatem. Taxat verbum ponitur in his quæ finiuntur quoad tangi liceat; in litibus quoque (judici) arbitrove cum proscribatur quod ei jus sit statuendi. De là l'expression judex arbiterve dans la Loi des XII Tables (A. GELL., XX, 1) et la formule judicem arbitrumve postulo. On trouve aussi dans les notæ de Valerius Probus, T. J. A. V. P. U. D. ( Tempore judicem arbitrumve postulo ut des.)

10 POLYB., VI, 17. Τὸ δὲ μέγιστον, ἐκ ταύτης (συγκλήτου) αποδίδονται κριταὶ τῶν πλείστων καὶ τῶν δημοσίων καὶ τῶν ἰδιωτικῶν συναλλαγμάτων, ὅσα μέγεθος ἔχει τῶν ἐγκλημάτων. - PLAUT., Rudens, III, 4, v. 7, 8.

13

chus donna le premier exemple "', le préteur de la ville 12 fut chargé de dresser tous les ans une liste qui comprenait un certain nombre de juges choisis" parmi les citoyens à qui la loi donnait capacité d'exercer cette importante fonction. Le nom de ces judices selecti était publié en caractères noirs sur un tableau blanchi (album) 13. Depuis la loi Aurelia, cet album fut divisé en trois décuries, distinguées chacune par un nom différent 16. Auguste porta le nombre de ces décuries à quatre, Caligula l'éleva jusqu'à cinq 1. Était-ce bien

1 Voyez sur ces modifications politiques l'Histoire de la constitution romaine de WALTER, chap. 23.

12 CIC., pro Cluent., c. 43. Prætores Urbani, qui jurati debent optimum quemque in selectos judices referre.

13 Cic., ad Famil., VIII, 8, cite un sénatus-consulte d'où semble résulter que cette liste de judices comprenait trois cents noms; VELL. Pat. II, 76, PLUT., Pomp., c. 55, font monter cette liste à trois cent soixante noms; Cic., ad Att., VIII, 16, dit que les judices sont au nombre de huit cent cinquante. Depuis le règne d'Auguste les listes comprirent environ quatre mille noms. PLINE, Hist. nat., XXXIII, 7. Judicum quoque non nisi quatuor decuriæ fuere primo: vixque singula millia in decuriis inventa sunt, nondum provinciis ad hoc munus admissis : servatumque in hodiernum est, ne quis e novis civibus in iis judicaret. Decuriæ quoque ipsæ pluribus discretæ nominibus fuere, tribunorum æris, et selectorum, et judicum.

14 De là le nom de judices selecti, ou de selecti simplement. Horat., sat., I, 4, v. 123. ORELLI, Inscr., no 3755. L. Mamilius, L. L. Faustus Sevir Aug. Mamiliæ Acta Uxori, L. Mamilio, L. F. Arn. Modesto selecto et decurioni, vivo sibi et libertis suis fecit, no 3899, ibid. Dans les procès où figurait un peregrinus, il pouvait arriver que le judex ne fût pas pris sur l'album et fût lui-même un simple peregrinus, GAIUS, IV, 105.

13 L. Servilia, c. 6. Qui a prætore h. 1. CDL viri in eum annum Tecti erunt, ea nomina omnia in tabula, in albo, atramento script... patrem, tribum cognomenque tributimque descriptos habeto, cap. 7, ibid. SUÉTONE, Claud, XVI, PLINE, Hist. nat. præf., font mention de ect album judicum, ainsi que SÉNÈQUE, de Beneficiis, III, 7, § 6. Ubi vero inter disputantes ratio jus dicet... non potest ad hæc sumi judex ex turba selectorum, quem census in album, et equestris hereditas misit.

16 PLINE, Hist. nat., XXXIII, 7 (sup., note 13).

17 Les inscriptions font souvent mention des quatre et des cinq décuries.

« PreviousContinue »