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quoiqu'il paraisse difficile d'y arriver par le rairaisonnement.

Ainsi, il peut y avoir eu dans le cœur de Louis XVI, dans celui de la céleste Elisabeth, tel mouvement, telle acceptation, capable de sauver la France.

On demande quelquefois à quoi servent ces austérités terribles, pratiquées par certains ordres religieux, et qui sont aussi des dévouemens; autant vaudrait précisément demander à quoi sert le christianisme, puisqu'il repose tout entier sur ce même dogme agrandi de l'innocence payant pour le crime.

L'autorité qui approuve ces ordres, choisit quelques hommes, et les isole du monde pour en faire des conducteurs.

Il n'y a que violence dans l'univers; mais nous sommes gâtés par la philosophie moderne, qui a dit que tout est bien, tandis que le mal a tout souillé, et que, dans un sens trèsvrai, tout est mal, puisque rien n'est à sa place. La note tonique du système de notre création ayant baissé, toutes les autres ont baissé proportionnellement, suivant les règles de l'harmonie. Tous les étres gémissent (1) et tendent, avec

(1) Saint Paul aux Rom. VIII, et suiv.

Le système de la Palingénésie de Charles Bonnet a quelques points de contact avec ce texte de St. Paul;

effort et douleur, vers un autre ordre de choses.

Les spectateurs des grandes calamités humaines sont conduits surtout à ces tristes méditations; mais gardons-nous de perdre courage: il n'y a point de châtiment qui ne purifie; il n'y a point de désordre que l'AMOUR ÉTERNEL ne tourne contre le principe du mal. Il est doux, au milieu du renversement général, de pressentir les plans de la Divinité. Jamais nous ne verrons tout pendant notre voyage, et souvent nous nous tromperons; mais dans toutes les sciences possibles, excepté les sciences exactes, ne sommes-nous pas réduits à conjecturer? Et si nos conjectures sont plausibles; si elles ont pour elles l'analogie; si elles s'appuient sur des idées universelles; si surtout elles sont consolantes et propres à nous rendre meilleurs, que leur manque-t-il? Si elles ne sont pas vraies, elles sont bonnes; ou plutôt, puisqu'elles sont bonnes, ne sont-elles pas vraies ?

Après avoir envisagé la révolution française sous un point de vue purement moral, je tournerai mes conjectures sur la politique, sans oublier cependant l'objet principal de mon ouvrage.

mais cette idée ne l'a pas conduit à celle d'une dégradation antérieure: elles s'accordent cependant fort bien.

CHAPITRE IV.

LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE PEUT-ELLE DURER?

IL vaudrait mieux faire cette autre question: La république peut-elle exister? On le suppose, mais c'est aller trop vite, et la question préalable semble très-fondée; car la nature et l'histoire se réunissent pour établir qu'une grande république indivisible est une chose impossible. Un petit nombre de républicains renfermés dans les murs d'une ville peuvent, sans doute, avoir des millions de sujets : ce fut le cas de Rome; mais il ne peut exister une grande nation libre sous un gouvernement républicain. La chose est si claire d'elle-même, que la théorie pourrait se passer de l'expérience; mais l'expérience, qui décide toutes les questions en politique comme en physique, est ici parfaitement d'accord avec la théorie.

Qu'a-t-on pu dire aux Français pour les engager à croire à la république de vingt-quatre

millions d'hommes ? Deux choses seulement : 1.o Rien n'empêche qu'on ne voie ce qu'on n'a jamais vu; 2.o la découverte du système représentatif rend possible pour nous ce qui ne l'était pas pour nos devanciers. Examinons la force de ces deux argumens.

Si l'on nous disait qu'un dé, jeté cent millions de fois, n'a jamais présenté, en se reposant, que cinq nombres, 1, 2, 3, 4 et 5, pourrions-nous croire que le 6 se trouve sur l'une des faces? Non, sans doute; et il nous serait démontré, comme si nous l'avions vu, qu'une des six faces est blanche, ou que l'un des nombres est répété.

Eh bien! parcourons l'histoire, nous y verrons ce qu'on appelle la Fortune jetant le dé sans relâche depuis quatre mille ans a-t-elle jamais amené GRANDE RÉPUBLIQUE? Non. Donc ce nombre n'était point sur le dé.

Si le monde avait vu successivement de nouveaux gouvernemens, nous n'aurions nul droit d'affirmer que telle ou telle forme est impossible, parce qu'on ne l'a jamais vue; mais il en est tout autrement on a vu toujours la monarchie et quelquefois la république. Si l'on veut ensuite se jeter dans les sous-divisions, on peut appeler démocratie le gouvernement où la masse exerce la souveraineté, et aristo

cratie celui où la souveraineté appartient à un nombre plus ou moins restreint de familles privilégiées.

Et tout est dit.

La comparaison du dé est donc parfaitement exacte les mêmes nombres étant toujours sortis du cornet de la Fortune, nous sommes autorisés, par la théorie des probabilités, à soutenir qu'il n'y en a pas d'autres.

Ne confondons point les essences des choses avec leurs modifications: les premières sont inaltérables et reviennent toujours; les secondes changent et varient un peu le spectacle, du moins pour la multitude; car tout œil exercé pénètre aisément l'habit variable dont l'éternelle nature s'enveloppe suivant les temps et les lieux.

Qu'y a-t-il, par exemple, de particulier et de nouveau dans les trois pouvoirs qui constituent le gouvernement d'Angleterre, les noms de Pairs et celui de Communes, la robe des Lords, etc.? Mais les trois pouvoirs, considérés d'une manière abstraite, se trouvent partout où se trouve la liberté sage et durable; on les trouve surtout à Sparte, où le gouvernement, avant Lycurgue, estoit toujours en branle, inclinant tantost à tyrannie, quand les roys y avoyent trop de puissance, et tantost à confu

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