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Hélas! vierge imprudente, où s'égarent tes sens?
Les filles de Prétus, de leurs rauques accents (3)
Remplissaient les forêts; ah! du moins leurs caprices
N'offraient point à Vénus de honteux sacrifices,

Leurs mains cherchaient en vain le croissant sur leur front,
Du joug leur col d'ivoire en vain craignait l'affront.
Malheureuse! à ces monts tu vas conter tes plaintes;
Lui, mollement couché sur un lit d'hyacinthes,
D'herbages et de fleurs rumine son repas,
Sous un chêne touffu prolonge ses ébats;

Puis, dans les grands troupeaux il cherche son amante.
O nymphes de Dicté, si dans sa course errante
Vous rencontrez les pas du taureau qui me fuit,
Fermez, fermez ces bois, et le jour et la nuit!
Peut-être une génisse, un tapis d'herbe fine,
Bien loin l'auront conduit aux haras de Gortyne.
Il poursuit, et ses chants vont ranimer encor
La vierge que ravit l'éclat des pommes d'or;
Les sœurs de Phaéton, sous une écorce amère,
Lèvent leurs bras au ciel, et pleurent sur leur frère.
Sur les bords du Permesse il conduisait Gallus,
Vers les monts d'Aonie, à la cour de Phébus: (4)

Et sæpe in lævi quæsisset cornua fronte.
Ah! virgo infelix, tu nunc in montibus erras :
Ille, latus niveum molli fultus hyacintho,

Ilice sub nigra pallentes ruminat herbas :

Aut aliquam in magno sequitur grege. Claudite, Nymphæ,
Dictææ Nymphæ, nemorum jam claudite saltus :
Si quà fortè ferant oculis sese obvia nostris
Errabunda bovis vestigia. Forsitan illum,
Aut herbâ captum viridi, aut armenta secutum,
Perducant aliquæ stabula ad Gortynia vaccæ.

Tum canit Hesperidum miratam mala puellam :
Tum Phaetontiadas musco circumdat amaræ
Corticis, atque solo proceras erigit alnos.
Tum canit, errantem Permessi ad flumina Gallum
Aonas in montes ut duxerit una sororum :
Utque viro Phoebi chorus assurrexerit omnis;
Ut Linus hæc illi divino carmine pastor,
Floribus atque apio crines ornatus amaro,
Dixerit Hos tibi dant calamos, en accipe, Musæ,

Devant lui se levait tout le chœur du Parnasse ;
Euterpe le guidait, et lui montrait sa place;
Et le divin Linus, orné d'ache et de fleurs :
Reçois, lui disait-il, ce présent des neuf Sœurs,
Ces chalumeaux par qui le poëte d'Ascrée
Faisait sortir les pins de leur forêt sacrée :
Que Gryna, par tes chants, conserve son renom,
Et soit toujours le bois favori d'Apollon!

Il dit les deux Scylla : l'une a trahi son père! (5)
L'autre aux vaisseaux d'Ulysse, en proie à l'onde amère,
Offre ses flancs marbrés, ceints de monstres affreux,
Qui brisent sous leurs dents les nochers malheureux.
On voit fuir au désert et d'une aile nouvelle
Planer, sur son palais, la triste Philomèle; (6)
Térée ainsi puni, son barbare festin,

Et son corps transformé par un juste destin.
Chants heureux que Phébus, le divin interprète,
Enseignait aux lauriers, au pied du Taïgète,

Silène vous répète; et partout les vallons

Portent ses doux concerts jusqu'au sommet des monts. Enfin Vesper paraît; délaissant ces bocages,

Les bergers à regret ferment les pâturages.

Ascræo quos ante seni : quibus ille solebat
Cantando rigidas deducere montibus ornos :
His tibi Grynæi nemoris dicatur origo :
Ne quis sit lucus, quo se plus jactet Apollo.

Quid loquar? aut Scyllam Nisi, aut quam fama secuta est,
Candida succinctam latrantibus inguina monstris,

Dulichias vexasse rates, et gurgite in alto,

Ah! timidos nautas canibus lacerâsse marinis?

Aut ut mutatos Terei narraverit artus?

Quas illi Philomela dapes, quæ dona parârit?
Quo cursu deserta petiverit, et quibus ante
Infelix sua tecta supervolitaverit alis?

Omnia quæ, Phœbo quondam meditante, beatus
Audiit Eurotas, jussitque ediscere lauros,
Ille canit pulsæ referunt ad sidera valles.
Cogere donec oves stabulis, numerumque referre
Jussit, et invito processit Vesper olympo.

NOTES

SUR L'HYMNE DE LA CRÉATION DU MONDE ET DES MÉTAMORPHOSES.

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Nous avons admis une interversion légère dans les termes de la traduction, en donnant d'abord le résultat premier de la création, et entrant ensuite dans le détail, comme s'il y avait : Orbis concrevit ex primis exordiis, et ensuite Semina fuerunt coacta; ce qui revient au même. Tener et concrevit sont rendus par image et par équivalent. Tout le morceau est d'une assez grande difficulté, et il en faut tenir compte.

(2) Pasiphaé, jeune épouse du législateur Minos, roi de l'ile de Crète, aima, dit-on, un jeune homme nommé Taurus, et, sans doute, c'est ce qui donna lieu parmi les Grecs, peuple léger et railleur, à cette fable du taureau.

(3) Les filles de Prétus, roi d'Argos, se vantaient d'être plus belles que Junon, qui les frappa d'une folie furieuse elles se croyaient changées en génisses.

(4) Gallus, grand général et grand poëte, qui a laissé plusieurs élégies dignes de Properce: il est le sujet de la dernière églogue de Virgile, dont il était l'ami.

(5) Il y eut deux Scylla : l'une qui trahit son père Nisus, roi de Mégare, et livra la ville aux ennemis; l'autre, fille de Phorcus, dieu narin, hangée en écueil sur le détroit qui est entre l'Italie et la Sicile. cueil de Charybde, d'où vient le proverbe : Etre placé entre

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ylla.

Hix supervolitaverit alis.

Mix (infortunée), qui appelle l'intérêt, ne peut s'appliquer

, qui consomma un attentat odieux sur sa belle-sœur

suite lui coupa la langue

M. Tissot lui-mêm

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si pensé. Cette épithète
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parârit, petiverit,
qui est Philomèle.
, les métamorphoses
écrites avec les plus
Doëme d'Ovide; Vir-
lire

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lecteur pourra

erence de manière de cet égard la traduction de l'Académie française,

qui a donné tous les poemes d'Ovide, et dont l'auteur de ce livre s'honore d'être le neveu.- Voici quelques passages de M. Tissot :

Les bergers, dès longtemps le dieu qui les abuse
Leur promet ses chansons, que toujours il refuse,
De sa propre guirlande enchaînent le trompeur.
Mais ils tremblaient : Églé vient calmer leur frayeur,
Églé, de nos forêts la plus rare merveille.
Déjà ses doigts rougis de la mûre vermeille
Ont coloré le front et les tempes du dieu.

Il peint Gallus errant aux bords de l'Hippocrène;
Aux sommets d'Aonie une Muse l'entraîne,
Tout le sacré vallon se lève en son honneur,
On entend du hautbois l'immortel inventeur.

Dirai-je de Scylla les piéges effrayants,

Ses flancs d'albâtre armés de monstres aboyants,
Et les vaisseaux d'Ulysse, et tremblantes victimes,
Ses nochers en lambeaux traînés sous les abîmes?
Dirai-je Philomèle et son cruel festin ?
Comment, nouvel oiseau, de son vol incertain,
Le malheureux Térée au bois se précipite,
Et sur ses propres toits voltige avant sa fuite.

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DAPHNIS

ÉLÉGIE SUR LA MORT DE JULES CÉSAR.

ARGUMENT. Le poëte introduit deux bergers, Ménalque et Mopsus, dont l'un dépeint les nymphes pleurant la mort de César, et les pasteurs lui élevant un tombeau; l'autre fait son apothéose.

M.

MÉNALQUE.

Mopsus, toi qui sais l'art d'enfler les chalumeaux,
Et moi celui des vers, au pied de ces ormeaux
Essayons-nous tous deux, couverts de leur feuillage.

MOPSUS.

Plus jeune, c'est à moi de céder à ton âge,
O Ménalque, ou plutôt viens sous cet antre obscur.
Évitons, loin du vent, un ombrage peu sûr.

La mousse ici pour nous sous le pampre s'étale.
MÉNALQUE.

Mo.

M

Dans ces bois Amyntas seul prétend qu'il t'égale.

MOPSUS.

Amyntas? il prétend s'égaler à Phébus.

MÉNALQUE.

Commence, et redis-moi les combats de Codrus,
Alcon et ses honneurs, Phillis et son délire,
Et donnons nos chevreaux à garder à Tityre.

MENALCAS.

Cur non, Mopse, boni quoniam convenimus ambo,
Tu calamos inflare leves, ego dicere versus,
Hic corylis mixtas inter considimus ulmos?

MOPSUS.

Tu major tibi me est æquum parere, Menalca;
Sive sub incertas Zephyris motantibus umbras,
Sive antro potiùs succedimus aspice ut antrum
Sylvestris raris sparsit labrusca racemis.
Montibus in nostris solus tibi certet Amyntas.
Quid, si idem certet Phoebum superare canendo?
Incipe, Mopse, prior; si quos aut Phillidis ignes,
Aut Alconis habes laudes, aut jurgia Codri.
Incipe pascentes servabit Tityrus hædos

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