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certain, d'après les recherches les plus récentes, que la cause prochaine qui y donna lieu était toute politique, et se liait intimement à la lutte des intérêts contraires des patriciens et des plébéiens; car ce furent évidemment les plébéiens qui, par leurs tribuns, provoquèrent et obtinrent cette innovation. Ils avaient d'abord en vue une mesure qui leur avait déjà été promise plusieurs fois, la confirmation de quelques rapports de droit public, jusque-là vacillants, et qui désormais devaient être assurés, contre toute interprétation arbitraire de la part des patriciens leurs ennemis, par la rédaction claire et précise d'une législation embrassant tout, et accessible à tous. Ensuite ils espéraient, par la même occasion, obtenir la prise en considération et la garantie de plusieurs prétentions jusque-là repoussées, en un mot, l'égalité juridique entre les plébéiens et les patriciens. On ne peut point objecter contre cette vue historique, que ce dernier but ne fut pas complétement atteint; car les patriciens, ne pouvant empêcher entièrement l'entreprise, durent naturellement, dans l'exécution, chercher à défendre, autant que possible, l'intérêt particulier de leur ordre, et ils étaient encore très-puissants.

Une condescendance mutuelle pouvait seule mener à bonne fin une semblable transaction. Tel fut aussi le motif de la mesure par laquelle, afin de faire taire pour un temps toutes dissensions politiques, on suspendit provisoirement la constitution dans toutes ses dispositions. Les consuls et les tribuns furent remplacés par dix hommes, choisis, du moins la première année, uniquement parmi les patriciens, decemviri legibus scribendis, avec la double mission, et de gouverner la république dans l'intervalle, et d'élaborer le projet de la nouvelle loi fondamentale.

Ils publièrent, à la fin de la première année (an de Rome 303), dix tables de lois, qui furent confirmées par le peuple dans les comices, et approuvées par le sénat. L'année suivante, deux autres tables furent promulguées, comme complément. Au reste, les décemvirs, ayant voulu, après l'expiration de leur commission, se maintenir, par usurpation, en possession du gouvernement, furent violemment renversés par un mouvement populaire. L'ancienne constitution de la république fut alors remise en exercice, mais avec les changements importants consacrés par la nouvelle loi fondamentale.

Les documents qui nous sont parvenus, touchant l'histoire des Douze Tables, leur contenu, leur préparation par des personnes envoyées à cet effet dans les pays étrangers, l'influence qu'avaient exercée sur leur rédaction les législations étrangères, particulièrement la législation grecque, et l'ordre des matières qui y était observé, tous ces documents sont ou contradictoires, ou, au moins, très-peu sûrs. Nous ne connaissons pas non plus complétement les dispositions de ces lois, dans leur forme et leur langage originaires, car aucune copie du texte ne nous est parvenue. Cependant, selon toute vraisemblance, à côté de plusieurs innovations particulières, jugées nécessaires, probablement dans l'intérêt des plébéiens, elles contenaient principalement les anciennes maximes, soit de droit public, soit de droit privé, que leur antiquité, la diversité des interprétations qu'elles avaient subies, ou le sens forcé qu'on leur avait attribué à dessein, avaient souvent rendues incertaines, et qui furent ainsi fixées pour l'avenir.

Ce qu'il y a de sûr, c'est que ces leges XII tabularum, nommées aussi lex XII tabularum, ou lex decemviralis, que Tite Live appelle corpus omnis ro

mani juris, fons publici privatique juris, Tacite, finis æqui juris, se présentent comme un monument unique, en son genre, dans l'histoire du droit romain. En effet, elles sont toujours restées, jusqu'à Justinien, le seul corps de lois qui embrassât l'ensemble du droit positif. Aussi, longtemps après que, à cause de leur langue vieillie, elles eurent cessé d'être généralement comprises, et que, de fait, la plus grande partie de leurs dispositions eurent été abolies par le nouveau droit, elles continuèrent encore d'être considérées comme étant, nominalement et en théorie, la base fondamentale de tout le droit postérieur; car on avait soin d'y rattacher artificiellement, au moins dans l'élaboration scientifique, tout ce qui s'était introduit depuis, comme n'en étant qu'une simple extension amenée par les besoins du temps ou une modification sur quelque point particulier. C'est seulement par les grands recueils de Justinien que l'autorité pratique des lois des Douze Tables a été formellement abolie.

Malheureusement nous n'avons qu'une connaissance très-incomplète des dispositions de ces lois. Elle repose, d'une part, sur quelques fragments isolés, et encore fort peu sûrs, de leur texte, et, d'autre part, sur des relations et indications très-vagues de leur contenu. Cependant divers essais ont été tentés, depuis le xvre siècle, pour reconstruire, par la réunion de ces débris, les leges duodecim tabularum dans leur ensemble. Les principaux auteurs de ces restitutions sont Jacques Godefroi et Hau

Jac. Gothofredi Fragmenta XII tabularum suis nunc primum tabulis restituta, Heidelberg, 1626; plus tard, avec des améliorations, dans ses Quatuor fontes juris civilis, Genève, 1653.

bold'. Après eux, Dirksen' a rassemblé tous les matériaux déjà préparés, en soumettant à une critique judicieuse les travaux antérieurs et en y ajoutant ses propres recherches.

Placuit, publica auctoritate decem constitui viros, per quos peterentur leges a græcis civitatibus et civitas fundaretur legibus, quas in tabulas eboreas (roboreas?) perscriptas pro rostris composuerunt, ut possent leges apertius percipi, datumque est eis jus eo anno in civitate summum, uti leges et corrigerent, si opus esset, et interpretarentur, neque provocatio ab eis, sicut a reliquis magistratibus, fieret. Qui ipsi animadverterunt aliquid deesse istis primis legibus, ideoque sequenti anno alias duas ad easdem tabulas adjecerunt. Et ita ex accidentia appellatæ sunt leges duodecim tabularum, quarum ferendarum auctorem fuisse decemviris Hermodorum quemdam Ephesium. POMPONIUS, fr. 2, S4, D., 1, 2, De orig. jur. - Conf. CIG., De rep., II, c. 36, 37, 57; III, c. 37; De orat., I, c. 43. · Liv., III, c. 9, 10, 31, sqq.; IV, c. 1-6. Att., XX, c. 1.

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- TAC., Annal., III, DION. HALIC., X, c.

C.

27.

3, sqq.

DEUXIÈME PÉRIODE.

GELL., Noct.

DEPUIS LA LOI DES DOUZE TABLES JUSQU'A L'ÉTABLISSEMENT DU GOUVERNEMENT MONARCHIQUE SOUS L'EMPEREUR AUGUSTE.

$ 14.

Changements politiques dans l'état.

La lutte entre le principe démocratique et le principe aristocratique, qui avait commencé dans la pé

'Haubold, Institutiones juris romani privati historico-dogmaticarum epitome, Leipzig, 1821, p. 129.

2

H. E. Dirksen, Uebersicht der bisherigen Versuche zur Kritik und ' Herstellung des Textes der Zwölftafelgesetze, Leipzig, 1824.

mani juris, fons publici privatique juris, Tacite, finis æqui juris, se présentent comme un monument uni-que, en son genre, dans l'histoire du droit romain. En effet, elles sont toujours restées, jusqu'à Justinien, le seul corps de lois qui embrassat l'ensemble du droit positif. Aussi, longtemps après que, à cause de leu langue vieillie, elles eurent cessé d'être généraleme comprises, et que, de fait, la plus grande partie leurs dispositions eurent été abolies par le nouv droit, elles continuèrent encore d'être consid comme étant, nominalement et en théorie, la fondamentale de tout le droit postérieur; e avait soin d'y rattacher artificiellement, au dans l'élaboration scientifique, tout ce qui introduit depuis, comme n'en étant qu'une extension amenée par les besoins du temps modification sur quelque point particulier seulement par les grands recueils de Justit l'autorité pratique des lois des Douze Talformellement abolie.

Malheureusement nous n'avons qu'un. sance très-incomplète des dispositions Elle repose, d'une part, sur quelques fr lés, et encore fort peu sûrs, de leur-tex part, sur des relations et indications ! leur contenu. Cependant divers essais depuis le xvi siècle, pour reconstrui nion de ces débris, les leges duode dans leur ensemble. Les princip

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