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l'espèce de droit de gage qui lui compète, exiger la possession paisible de la chose pendant toute la durée de son droit, ce qui arrive soit dans le pignus proprement dit, soit dans le pignus prætorium, il ne peut cependant pas prétendre à l'usage et aux fruits de la chose engagée. Toutefois on peut, par une convention particulière, établir, pour tenir lieu des intérêts du capital dù, une contre-jouissance, une antichresis.

Par une conséquence même de la nature générale du droit de gage, tout créancier gagiste a, pour faire valoir son droit, une in rem actio, la quasi Serviana ou hypothecaria actio, contre tout tiers possesseur de la chose engagée, à l'effet d'en obtenir la restitution, afin de pouvoir y exercer complétement le droit de gage (voy. § 113.)

Tout créancier gagiste a le droit de vendre, en cas de besoin, la chose engagée, et de se payer de sa créance sur le prix. A la vérité, il paraît qu'originairement un tel jus vendendi ou distrahendi n'appartenait au créancier gagiste que quand il en était expressément convenu; mais, depuis le complet développement de cette institution, cette faculté de vendre semble, au point de vue romain, tenir si profondément à l'essence même du droit de gage, qu'elle ne pourrait en être séparée sans détruire l'idée qu'on

s'en forme.

Le créancier ne peut vendre le gage que pour l'acquittement de la créance à laquelle il est affecté, et non pour d'autres créances qu'il aurait contre le même débiteur: il ne peut, pour ces dernières, exercer tout au plus que le droit de rétention, tout à fait différent du droit de gage.

Mais, quant à la créance même pour laquelle la convention de gage a été faite, la chose est affectée, non-seulement à la totalité de cette créance, mais à

chacune de ses parties, suivant le principe: pignoris causa est individua.

Dans aucun cas, le créancier gagiste ne peut procéder à la vente de la chose engagée, avant qu'une partie, au moins, de la dette soit échue. Mais peut-il alors faire la vente sur-le-champ? de quelle manière et dans quelle forme doit-il la faire? Cela dépend des conventions particulières intervenues à cet égard. A défaut de toute convention sur ce point, les lois prescrivent exactement la procédure à suivre à ce sujet, et le créancier, en aliénant la chose, se présente, en quelque sorte, comme procureur du débiteur. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'on observe quelquefois la forme d'enchères judiciaires. Si, le créancier satisfait, il reste quelque chose de libre sur le prix, ce superfluum, cette hyperocha doit être restituée au débiteur.

Dans les premiers temps, la lex commissoria, c'est-à-dire la clause ajoutée à la convention de gage, portant que, si la dette n'était pas payée à l'époque fixée, la chose engagée serait, sans autre formalité, immédiatement dévolue en toute propriété au créancier, était non-seulement permise, mais même trèsordinaire et presque de règle; mais à cause des abus qu'elle entraînait, l'empereur Constantin la prohiba absolument. Il faut aujourd'hui procéder toujours formellement à la vente.

Si pignore creditor utatur, furti tenetur. GAI., fr. 54, pr., D., XLVII, 2, De furtis.

Si avtynos, id est, mutuus pignoris usus pro credito, facta sit, et in fundum aut in ædes aliquis inducatur, eousque retinet possessionem pignoris loco, donec illi pecunia solvatur, quum in usuras fructus percipiat, aut locando, aut ipse percipiendo habitandoque. MARCIANUS, fr. 11, § 1, D., xx, 1, De pignor.

Contra autem creditor pignus ex pactione, quamvis ejus ea

res non sit, alienare potest. Sed hoc forsitan ideo videtur fieri, quod voluntate debitoris intelligitur pignus alienari, quia ab initio contractus pactus est, ut liceret creditori, pignus vendere, si pecunia non solvatur. Sed, ne creditores jus suum persequi impedirentur, neque debitores temere suarum rerum dominium amittere viderentur, nostra constitutione consultum est, et certus modus impositus, per quem pignoris distractio possit procedere, cujus tenore utrique parti, creditorum et debitorum, satis abundeque provisum est. § 1, I., 11, 8, Quibus alienare licet, vel non.

Si convenit de distrahendo pignore, sive ab initio, sive postea, non tantum venditio valet, verum incipit emtor dominium rei habere. Sed, etsi non convenerit de distrahendo pignore, hoc tamen jure utimur, ut liceat distrahere, si modo non convenit, ne liceat. Ubi vero convenit, ne distraheretur, creditor, si distraxerit, furti obligatur, nisi ei ter fuerit denuntiatum, ut solvat, et cessaverit. ULPIANUS, fr. 4, D., xm, 7, De pignor.

actione.

Creditor judicio, quod de pignore dato proponitur, ut superfluum pretii cum usuris restituat, jure cogitur. PAPINIAN, fr. 42, D., eod.

Quoniam inter alias captiones præcipue commissoriæ pignorum legis crescit asperitas, placet, infirmari eam et in posterum omnem ejus memoriam aboleri. CONSTANTINUS, c. 3, C., vi, 35, De pactis pignorum et de lege commissoria, cæt.

$ 116.

Rapports de droit des créanciers gagistes ou hypothécaires

entre eux.

Dig., lib. xx, tit. 1, Qui potiores in pignore vel hypotheca habeantur. Cod., lib. vm, tit. 18, Qui potiores in pignore habeantur; — tit. 19, De his qui in priorum locum succedunt ;— tit. 20, Si antiquior creditor pignus vendiderit.

La même chose peut être engagée ou hypothéquée, en même temps, à plusieurs créanciers pour diverses créances. Cela n'a rien de contradictoire en soi;

c'est là plutôt un grand avantage de cette institution, puisque le propriétaire a ainsi la faculté de faire l'usage le plus complet du crédit que la valeur de la chose lui procure. Mais d'un autre côté, cette possibilité d'accumuler plusieurs droits de gage sur la même chose peut aussi nuire au crédit du propriétaire; car celui qui est disposé à lui prêter sur sa chose, peut craindre, le cas échéant, une collision préjudiciable à ses intérêts avec d'autres créanciers hypothécaires. Cette collision s'élève, quand ces créanciers veulent faire valoir leur droit concurremment, et que la chose engagée n'a pas assez de valeur pour que tous les créanciers soient entièrement satisfaits sur le prix. Le danger de ce conflit est d'autant plus grand, qu'aucun signe extérieur ne peut faire connaître si une chose est déjà hypothéquée et pour combien elle l'est, et qu'il n'est pas facile de s'en assurer prudemment d'avance, à cause de l'absence de toute formalité dans la convention d'hypothèque et à raison du grand nombre d'hypothèques légales tacites.

Quand ce conflit s'élève, on le règle en assignant, d'après certains principes généraux, à chaque créancier hypothécaire sa place déterminée dans un rang antérieur, égal ou postérieur à celui des autres, et en ne l'admettant que dans cet ordre à l'exercice plein et efficace de son droit.

Ce droit de priorité, en général, par la nature même du droit de gage, simple démembrement successif de la propriété, repose sur ce fondement trèssimple que le droit hypothécaire le plus ancien, eu égard au temps où il a pris naissance, est, précisément à cause de cette antériorité de son existence, préférable à tous les droits hypothécaires qui ont frappé plus tard la même chose : prior tempore, potior jure.

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Cependant cette règle fondamentale souffre une double exception.

Il y a d'abord certains droits hypothécaires qui, sans aucun égard au temps où ils ont pris naissance, passent avant tous les autres, même plus anciens, par un privilége qu'ils tiennent d'une disposition expressse de la loi.

Parmi ces hypothèques privilégiées, quelques-unes sont encore privilégiées d'une manière toute particulière, en sorte qu'en cas de concurrence avec d'autres hypothèques aussi privilégiées, une préférence incontestable leur est accordée. Elles ont toutes pour but de favoriser certaines personnes et certaines créances, et leur nombre a été augmenté jusqu'à l'excès, surtout dans la dernière période du droit romain, à tel point que, grâce à ces hypothèques privilégiées, jointes aux nombreuses hypothèques légales tacites, le système hypothécaire des Romains, n'atteint de fait que très-imparfaitement son but, la sécurité du créancier, et présente un tableau affligeant.

L'hypothèque dite publique forme la seconde exception, suivant une ordonnance de l'empereur Léon. Ainsi un droit d'hypothèque dont la constitution ou l'existence, en général, peut être prouvée par un acte public, instrumentum publice confectum, ou par un acte privé souscrit par trois hommes d'une réputation irréprochable, instrumentum quasi publice confectum, doit avoir la préférence, sans égard à sa date, sur toutes les autres hypothèques dont la constitution ou l'existence ne peut pas être prouvée par des actes de ce genre, mais seulement de quelque autre manière. Cette disposition légale a été dictée par la crainte d'une antidate frauduleuse, dont le danger est moindre dans le premier cas que dans le dernier.

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