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le propriétaire fait à une autre personne, appelée l'emphyteote, emphyteuta, d'un immeuble destiné à produire des fruits, en lui conférant, par contrat, un droit réel très-étendu, sans abandonner la propriété. Ce contrat de concession se rapproche beaucoup, sous certains rapports, du contrat de vente, sous d'autres, du contrat de louage; mais il ne se confond complétement ni avec l'un ni avec l'autre, et forme, au moins depuis l'empereur Zénon, un contrat particulier qui a pris le nom spécial de contractus emphyteuticarius.

C'est précisément par cette double nature du contrat emphyteotique, participant à la fois de la vente et du louage, que s'explique l'essence propre de l'emphytéose, à laquelle il donne naissance. De là ce caractère d'un droit réel, pouvant même être concédé in perpetuum, inconciliable avec la nature d'un simple contrat de louage. De là les divers droits qui compètent à l'emphytéote, comme aussi les diverses restrictions auxquelles ce concessionnaire reste soumis à l'égard du concédant, du dominus emphyteuseos, restrictions qui ne conviennent absolument ni à un contrat de vente, ni à un contrat de louage mais indiquent un mélange particulier des principes des deux contrats.

En effet, l'emphytéote obtient non-seulement le droit à la détention et à la jouissance complète et exclusive de l'immeuble d'autrui, qui lui est concédé à emphytéose, mais encore la possession juridique de cet immeuble. De plus son droit est un droit réel, puisqu'on lui accorde pour le protéger des in rem actiones, savoir la rei vindicatio et toutes les autres actions du propriétaire, qui lui sont données utiliter à lui emphytéote. Enfin il transmet son droit par succession héréditaire et peut aussi l'aliéner à volonté

et le transporter à un autre, sans porter préjudice toutefois aux droits du dominus emphyteuseos. Réciproquement, il s'impose par le contrat certaines obligations relativement au fonds. Parmi ces obligations deux surtout sont caractéristiques : d'abord l'obligation de payer au dominus emphyteuseos une redevance annuelle fixe, canon, vectigal; et ensuite l'obligation de ne pas laisser détériorer et dépérir l'immeuble. La négligence à remplir ces deux devoirs principaux donne même au maître le droit de retirer la concession et de chasser, expellere, du fonds l'emphytéote, et cela de telle manière que le ci-devant emphytéote n'a pas même le droit d'exiger une indemnité pour les améliorations qu'il a opérées dans le fonds, emponemata.

Agri civitatum alii vectigales vocantur, alii non. Vectigales vocantur, qui in perpetuum locantur, id est hac lege, ut tamdiu pro illis vectigal pendatur, quamdiu neque ipsis, qui conduxerint, neque his, qui in locum eorum successerunt, auferri eos liceat. Non vectigales sunt, qui ita colendi dantur, ut privatim agros nostros colendos dare solemus.

Qui in perpetuum fundum fruendum conduxerunt a municipibus, quamvis non efficiantur domini, tamen placuit competere eis in rem actionem adversus quemvis possessorem, sed et adversus ipsos municipes. Ita tamen, si vectigal solvant.

Idem est, si ad tempus habuerint conductum, nec tempus conductionis finitum sit. PAUL., fr. 1-3, D., vi, 3, Si ager vectigal.

Adeo autem aliquam familiaritatem inter se videntur habere emtio et venditio, item locatio et conductio, ut in quibusdam causis quæri soleat, utrum emtio et venditio contrahatur, an locatio et conductio: ut ecce de prædiis, quæ perpetuo quibusdam fruenda traduntur; id est,' ut quamdiu pensio sive reditus pro his domino præstetur, neque ipsi conductori, neque heredi ejus, cuive conductor heresve ejus id prædium vendiderit, aut donaverit, aut dotis nomine dederit, aliove quocunque modo alienaverit, auferre liceat. Sed talis contractus, quia inter veteres dubitabatur, et a quibusdam locatio, a quibusdam venditio existimabatur, lex Zenoniana lata est, quæ emphyteuseos contrac

tus propriam statuit naturam, neque ad locationem, neque ad venditionem inclinantem, sed suis pactionibus fulciendam. $ 3, I., 11, 25, De locat. et conductione.

$ 112.

La superficies en particulier.

La superficies se distingue déjà de l'emphyteusis en ce qu'elle tire son origine du droit honoraire' et est, en conséquence, protégée par une in rem actio prétorienne. Elle s'établit en vertu d'un contrat par lequel le propriétaire foncier abandonne à un autre un emplacement, area, afin qu'il y construise un bâtiment. La propriété de cet édifice, qui, comme l'emplacement lui-même', s'appelle superficies, reste, il est vrai, au maître du fonds, conformément aux principes généraux sur l'acquisition de la propriété, mais le superficiarius acquiert cependant un droit réel à la jouissance complète du bâtiment, droit constitué pour un long temps, souvent même in perpetuum, et transmissible, soit par succession, soit entre vifs. Ce droit s'appelle aussi superficies.

Le droit du superficiarius sur l'édifice et l'empla

:

1 Cette distinction n'est pas exacte, au moins dans le droit classique, avant la réforme de Zénon la concession de la superficies, comme la concession de l'ager vectigalis, s'opérait par un contrat de vente ou de louage, par conséquent en vertu du droit civil; dans l'un comme dans l'autre cas, le droit prétorien avait ensuite accordé une action réelle utile au concessionnaire, qui, d'après le droit civil, n'avait qu'une action personnelle contre l'autre contractant. Voy. mon Exposé des principes généraux du droit romain sur la propriété et ses principaux démembrements, 2o édit., n. 117-124, p. 97-104. (Note du traducteur.)

Je ne pense pas que le mot superficies puisse s'appliquer à l'emplacement : les Romains distinguaient toujours l'emplacement, area, solum, du bâtiment, superficies, ce qui est super faciem soli.

(Note du traducteur.)

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cement, vis-à-vis du propriétaire, ainsi que la détermination des obligations que s'est imposées ce superficiarius, reposent, il est vrai, comme pour l'emphyteuta, sur un contrat. Mais ce contrat n'a ni un nom particulier, ni une nature indépendante, comme le contractus emphyteuticarius. Il peut au contraire être d'espèce très-diverse, tantôt un achat, tantôt un louage, tantôt une donation. Par là s'expliquent aussi les différentes modifications sous lesquelles la superficies peut se présenter; car le superficiarius a à payer, pour le droit à lui concédé, tantôt une redevance annuelle, solarium ou pensio, tantôt un prix d'achat payable en une seule fois, lors de l'acquisition, tantôt rien du tout.

Superficiarias ædes appellamus, quæ in conducto solo positæ sunt; quarum proprietas et civili et naturali ratione ejus est, cujus et solum. GAI., fr. 2, D., XLIII, 18, De superfic.

Quod ait prætor: si actio de superficie postulabitur, causa cognita, dabo, sic intelligendum est, ut, si ad tempus quis superficiem conduxerit, negetur ei in rem actio. Et sane, causa cognita, ei, qui non ad modicum tempus conduxit superficiem, in rem actio competet. ULPIAN., fr. 1, § 3 et 4, D., ibid.

III.

Du gage, pignus.

§ 113.

Introduction historique.

Le droit de gage est un droit réel, qui est accordé sur la chose d'autrui à un créancier pour la sûreté de sa créance, et qui consiste essentiellement en ce que celui à qui il compète, le créancier gagiste, a le pouvoir de vendre la chose et de se payer sur le prix. Le

gage apparaît ainsi comme offrant à celui qui cherche du crédit pour lui-même ou pour un autre, la voie la plus simple et la mieux appropriée pour se procurer ce crédit au moyen d'une chose qui lui appartient ou qui, du moins, est à sa libre disposition, sans être forcé d'en abandonner dès à présent la propriété. En effet l'engagement d'une chose s'opère par la simple tradition ou même par la simple assignation de la chose au créancier, en vue de lui assurer son payement futur.

De semblables moyens de sécurité étaient, d'après le droit romain primitif, d'autant plus désirables et même nécessaires pour le créancier, que, suivant l'ancienne procédure d'exécution, il ne pouvait pas, en règle générale, s'en prendre aux biens de son débiteur, mais seulement à sa personne, laquelle lui était soumise avec une extrême rigueur; et cette exécution rigoureuse devait souvent être fort désagréable pour le créancier lui-même, en faveur duquel elle était établie. Cependant un droit de gage véritable et complet ne s'est formé qu'assez tard chez les Romains.

Primitivement, celui qui cherchait à obtenir du crédit était obligé de recourir à divers expédients, à divers détours, pour fournir au créancier une sûreté réelle. Ainsi il transportait au créancier une chose en pleine propriété, en la lui mancipant ou en la lui cédant in jure, sub lege remancipationis, ou sub fiducia, c'est-à-dire en convenant avec le créancier qu'il remanciperait ou rétrocéderait la chose au débiteur, aussitôt que celui-ci aurait payé sa dette. Ce procédé, indépendamment de son incommodité, avait cet inconvénient grave, que le débiteur n'était pas suffisamment assuré contre une perte injuste de la chose ainsi aliénée. A cette fiducia se rattachait l'usureceptio, espèce particulière d'usucapion, dont le débiteur

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