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d'une nouvelle constitution politique, qui n'a atteint son entier développement que peu à peu dans le cours des siècles; sous son règne aussi la plebs obtint une position politique plus assurée; mais le rapport juridique des deux ordres entre eux n'en resta pas moins, et par cela même, toujours flottant et incertain, parce que, d'un côté, les plébéiens, maintenant parvenus à une certaine indépendance et à une certaine importance politique, et pénétrés du sentiment de leur force croissante, tendaient continuellement à conquérir de nouveaux avantages; et que, d'un autre côté, les patriciens étaient toujours portés à restreindre même les droits des plébéiens déjà constitutionnellement établis. Ajoutons que les rois, suivant que leur politique l'exigeait, tantôt soutenaient les prétentions des patriciens, tantôt aussi, et plus souvent peut-être, cherchaient à se fortifier contre l'ambition incommode des patriciens, en favorisant les plébéiens.

Quoique nous ayons, en définitive, fort peu de notions précises à cet égard, le droit positif originairement en vigueur dans la cité romaine ne semble pas avoir porté l'empreinte de ce caractère d'unité, qui apparaît plus tard comme sa qualité éminente. Car l'absence d'unité d'origine, la forme de colonie, sous laquelle l'état romain fut fondé, et la manière dont il s'agrandit par l'introduction d'étrangers et l'incorporation d'états voisins, sont des circonstances qui entrainèrent, comme une conséquence presque forcée, la juxtaposition d'une multitude d'éléments juridiques hétérogènes, sous la forme de droit particulier à telle race et à tel peuple. Ce n'est que peu

à

peu que nous voyons ces éléments se fondre ensemble pour former un tout homogène.

L'état romain avait subsisté ainsi sous sept rois,

pendant près de deux cent cinquante ans, lorsque, par suite d'une révolution qui est demeurée, quant à ses causes et à sa tendance, enveloppée d'une certaine obscurité, le septième roi fut banni avec sa famille, et la constitution politique qui admettait l'autorité royale abolie pour toujours.

A la place du rex furent établis dorénavant deux magistratus populi, pris dans l'ordre des patriciens, par la voie de l'élection populaire, deux consules qui, sauf quelques légères restrictions, réunirent en eux toute l'ancienne regia potestas. Seulement leurs fonctions ne duraient qu'un an, et, comme ils étaient investis tous les deux d'un pouvoir égal, l'autorité de l'un pouvait, dans un cas particulier, être paralysée par l'opposition de l'autre.

Quoique cette nouvelle constitution portât le nom de libera respublica et présentât l'apparence extérieure d'un gouvernement démocratique, elle n'était cependant, dans son essence, qu'une pure aristocratie, et même sous des formes très-oppressives. Son organisation était, en effet, combinée de manière que toute la puissance politique résidait exclusivement dans les mains des patriciens, qui, comme tout le démontre, en abusaient assez souvent, impitoyablement et impolitiquement, pour opprimer les plébéiens.

De là, aussitôt après la révolution, le mécontentement des plébéiens, qui n'y avaient rien gagné, mais avaient plutôt perdu, dans le roi, leur protecteur naturel contre les prétentions des patriciens. De là, en outre, dès les premières années de la constitution consulaire, le commencement d'une longue série de combats intestins entre les orgueilleux patriciens et les plébéiens, qui, dans cette lutte, apprirent à sentir de jour en jour davantage leur force,

et cherchèrent à s'émanciper politiquement et civilement, et à se poser comme un ordre indépendant, vis-à-vis des patriciens. Cette lutte fut couronnée du succès. Son premier résultat fut d'arracher aux patriciens la création du tribunat, l'an 260 de la fondation de Rome. En effet, quoique déjà antérieurement les plébéiens eussent, pour diriger leur communauté, des chefs qu'ils choisissaient euxmêmes dans leur sein, ces chefs obtinrent désormais une tout autre position, une position politique beaucoup plus libre, en qualité de plebeii magistratus, sous le nom de tribuni plebis. Dès lors seulement ils purent protéger énergiquement tant la plebs comme communauté que les plébéiens comme particuliers, contre les prétentions et les oppressions patriciennes. Ce furent aussi eux qui posèrent les bases d'une nouvelle et importante source du scriptum jus.

S 12.

Le droit et ses sources dans cette période.

Arrivons à ce qui concerne l'état du droit à cette époque. Nous remarquons comme résultats de la constitution politique, d'une part, qu'un certain élément théocratique y prédominait, en conséquence duquel les pontifices étaient considérés comme les gardiens les plus éminents du droit; d'autre part, que le droit se divisait en droit patricien et droit plébéien. Autre particularité : originairement le privatum jus était pénétré et dominé par le publicum jus, en ce sens, que presque tous les rapports de droit privé étaient avec le droit public dans une connexion particulière qui s'écarte du caractère du droit privé proprement dit.

Quant à ses sources, le droit romain de cette époque reposait presque uniquement sur des coutumes, les coutumes étant, en général, le premier fondement de tout droit positif. De ces coutumes, plusieurs peuvent avoir été, dès le principe, apportées des diverses contrées et des diverses races italiennes dans l'état nouvellement formé; mais beaucoup d'autres prirent naissance dans son sein, et toute la marche que suivit le développement ultérieur du droit romain amena des résultats favorables à l'unité de jurisprudence et à la fusion successive, en un droit commun, de tous ces éléments appartenant à divers droits particuliers, simplement juxtaposés dans l'origine.

Cependant il existait, même déjà sous les rois, de vraies lois, leges, puisque le roi présentait au peuple des propositions, qui, lorsqu'elles avaient été adoptées par le peuple dans les comices par curies et approuvées par le sénat, obtenaient force de loi. Nous savons, au reste, fort peu de chose de ces lois, nommées leges regia, à cause de la proposition royale; car, bien qu'il ne soit pas vraisemblable qu'elles aient été formellement abrogées aussitôt après l'expulsion des rois, elles tombèrent pourtant d'autant plus naturellement en oubli, en leur qualité de leges regiæ, que la partie de ces lois qui convenait encore à l'époque présente fut probablement insérée dans les Douze Tables, et ne resta plus désormais en usage que sous ce titre. On ne peut non plus apercevoir clairement, au milieu des renseignements contradictoires qui nous restent, ce qu'était cette collection des leges regia, composée et publiée, dit-on, par le pontife Papirius (jus Papirianum). Rien de ces lois royales n'a été conservé, jusqu'à notre temps, dans sa forme originale. Ce n'est que sur des rela

tions postérieures, pour la plupart très-peu sûres et très-confuses, que repose ce qu'on a recueilli et rapproché, de nos jours, sous le nom de leges regiæ1.

Il y a eu aussi des lois portées sous la constitution consulaire, des résolutions tant du populus que de la plebs, appartenant à cette période; mais, comme leur entier développement et l'importance qu'elles acquirent se rapportent à la période suivante, là seulement qu'il en sera traité, conjointement avec les sénatus-consultes.

c'est

L'acte législatif le plus important de cette époque, ce sont les lois des Douze Tables, monument digne d'attention à tous égards, qui marque la fin de cette période.

Leges quasdam et ipse (Romulus) curiatas ad populum tulit. Tulerunt et sequentes reges, quæ omnes conscriptæ exstant in libro Sexti Papirii, qui fuit illis temporibus, quibus Superbi Demarati Corinthii filius, ex principalibus viris. Is liber, ut diximus, appellatur jus civile Papirianum, non quia Papirius de suo quidquam ibi adjecit, sed quod leges sine ordine latas in unum composuit. POMPONIUS, fr. 2, S2, D., 1, 2, De orig. jur. Conf. DION. HALIC., lib. III, c. 36. “ CENSORINUS, De die nat., c. 3. Omnium tamen harum (legum) et interpretandi scientia et actiones apud collegium pontificum erant, ex quibus constituebatur, quis quoque anno præesset privatis. POMPONIUS, fr. 2, $6, D., eod.

S. 13.

Composition de la loi des Douze Tables.

Quelque obscure que soit d'ailleurs l'histoire de la composition des leges duodecim tabularum, il est

'H. E. Dirksen, Versuche zur Critik und Auslegung der Quellen des römischen Rechts, Leipzig, 1823, n. 6, où sont nommés aussi les auteurs antérieurs de recueils des leges regiæ.

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