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Le nombre des Vestales fut d'abord de quatre et ensuite porté à six par Servius Tullius. Elles étaient nommées par les rois avant la république, et de puis par le Pontifex maximus. Pour être élues, elles devaient être nées d'une famille honorable, avoir encore leur père et mère vivans, être sans aucun défaut corporel, avoir dix ans au plus et six au moins. Leur ministère était limité à trente ans 2.

Elles employaient les dix premières années à s'instruire dans la discipline de leur sacerdoce, les dix suivantes à en remplir les fonctions; les dix dernières à faire l'éducation des plus jeunes Vestales. Elles ne pouvaient se marier qu'après les trente ans pour lesquels elles s'étaient consacrées au culte de Vesta.

Quand pour infraction à leur vœu de chasteté elles étaient condamnées à être enterrées vivantes, elles étaient conduites par leurs parens et leurs amis dans un champ voisin de la porte Colline et qui s'appelait campus sceleratus 3.

Les Vestales jouissaient de grands priviléges. Dès qu'elles avaient été choisies par le Pontifex maximus, elles étaient affranchies de fait et sans émancipation, de la puissance

I DEN. D'HALIG., liv. 2, ch. 64 et 65. Le nombre des vestales fut porté à six par Tarquin l'ancien selon DEN. D'HALIC., (liv. 3, ch. 67), et par Servius Tullius selon Plutarque.

2 Comme ce sacerdoce était assujétissant, on tirait au sort entre vingt jeunes filles, d'après la loi papia, qu'elles fussent patriciennes ou plébéiennes. Une vestale exemptait sa sœur; étaient également exemptes les filles des flamines, des augures, des quindecemvirs, des septemvirs, des saliens, et de tous ceux qui avaient en même temps trois garçons. (FURGAULT, au mot Vestale.) Dans la suite il fut presque toujours inutile de tirer au sort (Tac., Annal., liv. 2, ch. 86); mais si aucune ne s'offrait volontairement, on suivait l'ancienne méthode. (SUÉT., Aug., ch. 31.)

3 Dans le principe, elles étaient lapidées. Tarquin l'ancien inventa le nouveau supplice. Le complice était également puni de mort après avoir été battu de verges dans la place publique. C'était le présage de grands malheurs, et l'on faiaist alors les sacrifices solennels. (TIT. Liv., liv. 8, ch. 15; liv. 14, ch. 39; liv. 22, ch. 57; liv. 63, ch. 5, 6 et 7; Den. d'Halic., liv. 1er, ch. 78 ; liv. 2, ch. 67; liv. 8, ch. 89; liv. 9, ch. 40; Dion Cass., Fragm., 91, 92; PLUT., Quest. rom., no 83; SUÉT., Dom., ch. 8; PLIN. JEUN., liv. 4, lett. 11; JUVÉN., Sat., 4, v. 10.

paternelle; elles avaient droit de tester et de disposer de leurs biens; une dotation et des revenus territoriaux leur étaient assignés aux frais de l'État; un licteur les précédait quand elles sortaient dans la ville; elles avaient une place distinguée dans les jeux et dans les cérémonies publiques; si elles rencontraient par hasard un homme condamné à mort et que l'on conduisait au supplice, elles pouvaient lui faire grâce, pourvu qu'elles jurassent que c'était en effet par hasard qu'elles l'avaient rencontré ; les premiers magistrats faisaient baisser leurs faisceaux devant elles, et leur cédaient le haut du pavé; elles étaient revêtues d'une robe dont les bords étaient ornés d'une frange de pourpre, et portaient sur la tête une sorte de mitre avec des bandelettes '.

La bonne foi des Vestales et la sainteté de leur ministère inspiraient aux citoyens les plus riches une telle confiance qu'ils déposaient entre leurs mains leurs effets les plus précieux, leurs testamens et leurs trésors 2.

Les fonctions dont elles étaient chargées étaient :

1o D'entretenir le feu sacré pour la garde duquel elles se partageaient les heures du jour, soumises à des peines sévè– res si elles le laissaient éteindre. Le feu ne pouvait se rallumer qu'au moyen des rayons du soleil, ou d'une espèce de miroir convexe, ou d'un arbre mystérieux qui avait, si on peut le croire, la vertu de le rallumer. Plutarque parle d'un

1 PLUTARQ., Sénèq., contr. 6, ch. 8; DION CASS., liv. 47, ch. 19.

Quand elles sortaient elles se faisaient conduire sur un char, carpento, pilento. (Tag., Annal., liv. 12, ch. 42); elles avaient une place distinguée aux spectacles, (Ib., liv. 4, ch. 16; SUÉT., Aug., ch. 44); on ne pouvait les forcer à prêter serment (AUL. GEL., liv. 10, ch. 15), et si elles y consentaient elles juraient par Vesta (TAC., Annal., liv. 11, ch. 34; SÉNÈQ., contr. 1 et 2.)

2 SUÉT., Jul., 83, Aug., 102; Tac., Annal., liv. 1er, ch. 8; DION CASS., liv. 48, ch. 12, 37, 46. Elles jouissaient de tous les priviléges accordés aux mères de trois enfans. (DION CASS., liv. 56, ch. 10.) On pensait qu'elles avaient une grande influence sur les dieux par leurs prières (SUÉT., liv. 1er, ch. 1er; liv. 9, ch. 16, CIC.. in leg. agrar.; TAC., Annal., liv. 11.)

vase d'airain au centre duquel les rayons du soleil venant à se réunir, la réverbération allumait les matières combustibles sur lesquelles ils tombaient 1.

2o De veiller à la conservation du Palladium, petite image de Minerve, apportée en Italie par Énée.

3o De célébrer, au troisième jour des calendes, les sacrifices de la bonne déesse 2.

Celle des Vestales à qui l'on donnait le nom de Virgo maxima était la plus ancienne de toutes.

Le mariage que les Vestales avaient le droit de contracter après trente ans de sacerdoce était généralement regardé comme malheureux et de mauvais augure. Au reste les exemples en étaient rares 3.

L'Institution des Vestales fut abolie sous Théodose premier avec presque toutes les autres cérémonies du polythéisme romain 4.

S XII. DES ARUSPICES.

Le mot aruspex est formé de ara et de spicio, inspicio, selon les uns, parce que l'aruspice consultait les entrailles de la victime placée sur l'autel; suivant d'autres de inspicio et

I FLORUS, liv. 1er, ch. 2; Cic., de leg., liv. 2, ch. 8; TIT. LIV., liv. 28, ch. 31. Si quæ oppressa somnovel alias negligenter advertendo ignem exstinxerat, flagris cædebatur a pontifice maximo, vel illius jussu (TIT. LIV., liv. 28, ch.11; liv. 41, ch. 2; VAL. MAX., liv. 1er, ch. 1er, no 6); Nuda quidem sed obscuro loco et velo medio interposito (PLUT., Vie de Numa). Plusieurs prodiges justifièrent les Vestales (VAL. MAX., liv. 1er, ch. 1er, no 7; liv. 8, ch. 1er, no 5; TIT. LIV.. liv. 29, ch. 14; PLINE, liv. 7, ch. 35.)

2 Elles renouvelaient le feu sacré le jour des cal. de Mars (MACROB., Sat., liv. 1er, ch. 12; OVID., Fast., liv. 3, v. 143.)

3 DEN. D'HALIC., liv. 2, ch. 67. Quand elles étaient malades, et qu'elles devaient quitter leur demeure, atrium Vestæ, partie du palais de Numa, selon Ovide (TRIST., liv. 3, v. 1 et 30; Fast., liv. 6, v. 265), on les confiait aux soins de quelques dames vénérables (PLIN. JEUN., liv. 7, lett. 19).

4 Lettres de Symmaque et de St-Ambroise.

aruga, mot étrusque qui signifie victime, d'où l'on aurait fait arugispex et par crase aruspex. Cette seconde opinion est la plus probable. La première en effet est contraire à la prosodie, a étant long dans ara et bref dans aruspex. Les aruspices portaient aussi le nom de extispices, ab extis inspiciendis 1.

Relativement à l'origine de l'institution des aruspices, Cicéron raconte qu'un paysan occupé à labourer la terre, ayant creusé un sillon très profond, en vit tout à coup sortir un homme appelé Tagès, encore jeune, mais doué de la sa– gesse d'un vieillard, qui lui adressa la parole et qui lui causa une telle surprise, qu'il en poussa un cri dont le bruit extraordinaire fit accourir une foule d'habitans du voisinage. Tagès alors se mit à discourir devant cette multitude qui recueillit ses paroles, lesquelles conservées par écrit, contenaient, dit-on, toute la science des aruspices 2.

Les Romains avaient emprunté cette institution des Étrusques chez lesquels se passa le prétendu prodige que rapporte Cicéron, mais on ignore à quelle époque ils adoptèrent cette superstition puérile.

Au reste les aruspices étaient fort peu considérés à Rome3. Leur ministère n'était rempli que par des Étrusques, et ni sous les rois, ni pendant la durée de la république encore libre, ils ne formèrent jamais de collége particulier. Une lettre de Cicéron dans laquelle il fait un crime à César d'avoir

1 DONAT., sur le Phorm. de Ter., act. 4, sc. 4, v. 28; Cic., de divinat., liv. 2, no 11; NONNIUS, liv. 1er, ch. 53; Hom., Iliad., liv. 1er; QUINT. CURG., liv. 3.

2 Cic., ibid., ibid., no 23; OVID., Mét., liv. 15, v. 553; Lucain, liv. 1er, v. 637. Les Aruspices interprétaient aussi les prodiges (Cic., Cat., 3, no 8, de Divin., liv. 1er, ch. 3; SUÉT., Aug., ch. 29; PLIN., liv. 7, ch. 3).

3 Nihil credo auguribus qui aures verbis divitant alienas, suas ut auro locupletent domos (Fragm. d'Accius, Collect. de Pise.)

Ranarum viscera nunquam
Inspexi (Juv., Sat. 3.) (Le même, sat. 6.)

nommé sénateurs, des hommes qui exerçaient l'art des aruspices, prouve le mépris que l'on avait pour ces charlatans'; ce ne fut que plus tard, quand toutes les superstitions étaient tolérés à Rome, qu'ils purent se réunir en une espèce de sodalité, à l'instar des autres colléges des prêtres 2.

1o Les aruspices expiaient les prodiges, enseignaient l'art de les expier, et prédisaient l'avenir, d'après l'inspection des entrailles de la victime; ils devaient examiner si les animaux qu'on immolait réunissaient toutes les qualités requises, s'ils se présentaient sans difficulté à l'autel, et s'ils y restaient tranquilles.

2o Les animaux étant égorgés, ils remarquaient si le sang coulait en abondance, ou s'il était épais et noir. Cette dernière circonstance était d'un funeste présage. Le sang alors s'appelait obscœnus cruor; ensuite ils arrachaient les entrailles encore palpitantes de la victime, si elles palpitaient fortement, elles étaient censées parler : monere aut loqui. Dans le cas contraire, on les regardait comme menaçantes: minari dicebantur. Après cela, ils observaient la couleur des entrailles; vive, elle était de bon augure, pâle et souillée de taches, elle annonçait de grands malheurs. Le cœur, le poumon et le foie étaient surtout l'objet de leurs observations. Ils les partageaient en deux parties, la tête et les fibres, c'est-àdire la partie supérieure et la partie inférieure. Si la tête ne se montrait pas distinctement, c'était le pronostic d'événemens malheureux, si elle était enveloppée de graisse le pronostic était favorable. Le poumon devait être spongieux,

Ce sénateur était Spurinna (Cic., ad fam., liv. 6, litt. 18.)

2 Les femmes mêmes se mêlaient de l'art des aruspices, que l'on appelait aruspicina, aruspicum disciplina.

Da quod dem....

Præcantatrici, conjectrici, hariolæ atque aruspiciæ.

(PLAUT., Mil. Glor., 3, scèn, 1re, v. 98).

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