Page images
PDF
EPUB

qu'on ne fût contraint par le mauvais temps de se couvrir d'un pan de sa toge; hors de la ville on portait une espèce de bonnet ou de chapeau; dans les deux cas il fallait avoir la robe libre et retroussée.

Si elle avait lieu dans l'intérieur des temples, on s'avançait, la tête voilée, vers le simulacre ou l'autel du dieu, on le saluait en lui adressant le mot solennel salve; puis prenant l'index de la main droite, et l'approchant de la bouche, on jetait, pour ainsi dire, un baiser au dieu; c'est l'origine du mot adorare. Dans les circonstances heureuses, on se tournait à droite; on se tournait à gauche dans les occasions tristes ou déplorables; après quoi on se prosternait

à terre.

Avant d'entrer dans le temple, celui qui venait y adorer le dieu, baisait les degrés du portique, les montait en se traînant à genoux, et, parvenu à la porte, la tenait embrassée. Quelquefois, dans les calamités publiques, il se rasait la tête, et les femmes, les cheveux épars, en balayaient le pavé du temple '.

La prière qui suivait cette adoration était prononcée par l'adorateur, debout, regardant l'orient, les mains renversées et levées vers le ciel, et, dans certains cas, embrassant les autels ou les genoux des dieux 2.

Toutes les prières commençaient par une invocation à Janus, parce que ce dieu passait pour tenir la clef des cieux, et qu'on voulait qu'il en laissât la porte ouverte aux prières et aux vœux des mortels.

Le mot supplications3 vient de supplicare, plier les genoux,

I TIT. LIV., liv. 3, ch. 7, liv. 26, ch. 9; PLine, liv. 28, ch. 2, liv. 26, ch. 9; SUÉT., Vitell. ch. 2; Vesp. ch. 7.

2 Après la prière, on faisait un tour entier en formant un cercle sur la droite. (PLUTARQUE, Vie de Camille, au commencement).

3 Les supplications étaient des prières instituées pour faire honneur aux généraux lorsque le Sénat leur donnait le titre d'Imperator. Les temples était ouverts

ou prier à genoux. Dans les anciens temps, au lieu de supplicatio, on disait supplicium.

La cérémonie et la durée des supplications étaient décrétées par le Sénat, et les jours où elles devaient avoir lieu étaient déterminés par les consuls. Elles étaient prescrites dans les dangers pressans, lorsqu'il fallait implorer la faveur des dieux, ou leur demander la paix, et aussi après de grandes victoires quand il s'agissait d'actions de grâces à leur rendre 3.

Les obsécrations étaient des espèces de supplications, par lesquelles on cherchait également à se rendre les dieux favorables, dans les calamités publiques.

Elles se distinguaient les unes des autres, 1o par leur durée qui pouvait être d'un, de deux, de trois, de quatre, de quinze et même de soixante jours; 2o par le nombre des dieux auxquels elles étaient adressées; car tantôt elles ne l'étaient qu'à un seul, tantôt elles avaient lieu dans tous les temples en même temps, et, comme le disaient les Romains, ad omnia pulvinaria; 3o par l'espèce de sacrifice et le nombre et la qualité des victimes, toutes choses qui variaient selon l'importance des avantages obtenus, ou des périls à conjurer.

Les lectisternium 4 qui succédaient ordinairement aux

au peuple pour rendre grâces aux dieux. (NIEUPOORT, liv. 4; voir TIT. LIV., liv. 3, ch. 65, t liv. 22, ch. 1er).

I Dans les premiers temps les supplications ne duraient qu'un jour. Pour la prise de Veies par Camille, on en ordonna pendant quatre; Pompée, après la guerre contre Mithridate, en obtint pendant douze, et Jules César pendant quinze, après la conquête des Gaules. On accorda cet honneur à Cicéron pour avoir découvert la conjuration de Catilina; ce fut Cotta qui fit rendre le décret. Cicéron est le seul homme civil, togatus, à qui furent accordées les supplications (DION CASS., 37, 36). 2 Alors elles prenaient le nom d'obsécrations. (NIEUPOORT, liv. 4).

3 Ces cérémonies ressemblaient à des processions : des enfans ayant père et mère, patrimi et matrimi, couronnés de fleurs ou tenant un laurier, marchaient en tête de la pompe en chantant des hymnes. (TIT. LIV., ibid.).

4 La coutume du lectisternium prit naissance dans un temps de peste, l'an de Rome 356. (TIT. LIV., liv. 5, ch. 15).

supplications ou obsécrations, étaient des banquets solennels, pour lesquels on préparait des lits ou des siéges rangés autour des autels; des lits pour les dieux, des siéges pour les déesses, d'où lectisternium et sellisternium, dérivés de lectus, ou de sella et de sternere, car les dieux étaient invités à ces festins. Leurs simulacres y étaient placés sur de riches coussins, et c'étaient les prêtres qui mangeaient à leur place et en leur honneur.

Au reste, ce qui constituait la partie essentielle du culte, c'étaient les sacrifices. Les cérémonies qui accompagnaient les sacrifices étaient de deux espèces, les unes regardaient les sacrificateurs, les autres avaient rapport aux victimes. Les sacrificateurs avaient principalement quatre choses à observer: 1o ils devaient être chastes de corps et d'ame2, 2o ne se présenter aux autels que les mains lavées et revêtus d'habits sans tache. Ils ne pouvaient employer à ces purifications l'eau des lacs, des étangs, ni des citernes, mais seulement celle de la mer, des fleuves et des fontaines; s'ils 'sacrifiaient aux dieux de l'Olympe, ils étaient tenus de se laver tout le corps, ou pour le moins les mains et les pieds. Si c'était aux dieux infernaux, une simple aspersion suffisait. 3o Il leur était prescrit d'avoir les cheveux flottans, la toge déliée et les pieds nus 3. Pour ce qui est des cheveux flottans, ce n'était pas un usage général; mais il était de rigueur dans les sacrifices à Saturne et à Hercule, et dans tous ceux où, lors des momens critiques, on implorait soit la clémence des dieux, soit le retour de la paix. 4o Ils avaient coutume, avant les sacrifices, d'offrir aux dieux des vœux et des prières conçus dans des formules qu'ils lisaient, ou

■ Sellisternia ac pervigilia celebravere feminæ quibus mariti erant. (Tac., Annal., liv. 15, ch. 44).

2 Deos caste adeunto. (L. des XII T.)

3 Quand le sacrifice était votif. (NIEUPOORT, liv. 4).

récitaient de mémoire, et ils étaient obligés de les lire ou de les réciter de nouveau, lorsqu'en les prononçant, ils avaient commis la moindre erreur ou omission.

Quant aux victimes, ce devaient être des animaux sans défaut et sans tache; les taches noires surtout étaient de mauvais augure. Il fallait, si c'était des bœufs ou des taureaux, qu'ils fussent injuges, c'est-à-dire qu'ils n'eussent jamais porté le joug 1.

Les victimes blanches étaient offertes aux dieux de l'Olympe, et les noires aux dieux infernaux.

Il y avait aussi certaines victimes destinées particulièrement à tel ou tel dieu : par exemple, pour Jupiter c'était un taureau, pour Junon une vache ou un bœuf blanc, pour Mars un cheval, pour Mercure un veau, pour Cérès un porc, pour Bacchus un bélier, pour Vénus une colombe, pour Proserpine une brebis noire, etc.

Lorsque ces espèces d'animaux ne pouvaient pas se trouver, on les représentait par leur image figurée en cire ou autrement.

Les victimes étaient couronnées de fleurs et ornées de guirlandes et de bandelettes. Quelquefois on leur dorait les cornes. On avait soin, pour les couronner de fleurs ou de

Les victimes les plus grasses étaient les plus agréables aux dieux; cependant chacun les offrait selon ses moyens. Elles étaient dites egregiæ, eximiæ, lectæ, et ne pouvaient être d'animaux sauvages (NIEUPOORT, ibid.). Les victimes immolées dans les sacrifices dits solemnia, s'appelaient præcidaneæ, et succidaneœ étaient celles que l'on immolait en second lieu, si le premier sacrifice n'avait pas été agréable aux dieux. Lorsque le sacrifice était agréé, ce qui se reconnaissait à certains signes, cela s'appelait litare, d'où l'expression de Minucius Felix pour une conscience pure : litabilis hostia.

Victima nulla litat, magnosque instare tumultus
Fibra monet.

Sex agnos immolavi, nec tamen potui litare.

(OVID., Métam., liv. 15.)

(PLAUT., in Pænulo, act. 1er.)

(SUÉT., Jul. César, ch. 81.)

Pluribus hostiis cæsis, cum litare non posset, introïvit curiam, spreta

religione.

feuillages, de choisir les arbres consacrés aux dieux qui étaient l'objet du sacrifice. On appelait dorsales les bandelettes qui embrassaient la victime par le milieu du corps.

Le prêtre, avant le sacrifice, recommandait à haute voix le silence à l'assemblée : favete linguis, défendait toute parole de mauvais augure, male ominatis parcite verbis, et ordonnait aux profanes de s'éloigner: procul ite, profani!

Le mot immoler vient de mola, froment nouveau, grillé, assaisonné de sel, mola salsa. Il était préparé par les vestales, et le prêtre en frottait ou saupoudrait le front de la victime dont il faisait ainsi la consécration.

La cérémonie de la libation consistait à épancher goutte à goutte une coupe de vin entre les cornes de l'animal que l'on devait immoler 2; ensuite on allumait sur l'autel le feu sacré qui se conservait dans la maison des flamines, et pour lequel on employait un bois sec et destiné à cet usage.

On tirait des présages de la manière dont la victime s'approchait de l'autel : si elle s'en approchait avec docilité, le présage était heureux; si elle résistait, il était sinistre; il était le plus funeste de tous, quand elle parvenait à s'échapper 3.

Voici les pratiques qui accompagnaient l'immolation : L'animal placé au pied de l'autel, la tête levée vers les cieux, ou abaissée vers la terre, selon qu'il était sacrifié aux dieux

■ Hoc age, pascito linguam, la même chose que favete linguis.

Les libations aux dieux du ciel se faisaient en tenant le dedans de la main en haut, fundere manu supinâ, et pour les dieux des enfers, on renversait la main droite du côté de la gauche, ce qui était dit invergere. Après les libations, le prêtre arrachait quelques poils du front de la victime et les jetait dans le feu qui était sur l'autel; c'est ce qu'on nommait libamina prima. Les libations ne se faisaient pas seulement avec du vin, mais encore avec du sang que l'on répandait sur l'autel, de l'eau, du miel, du lait, surtout pour les dieux de la campagne, et de l'huile pour les dieux des enfers, auxquels on offrait cependant aussi du lait et du miel. (NIEUPOORT, liv. 4, ch. 3.)

3 On la conduisait attachée avec une corde fort lâche, afin qu'elle ne parût pas être menée malgré elle.

« PreviousContinue »