Qu'il s'en prenne à sa muse allemande en françois. Et sur quoi donc faut-il que s'exercent mes vers? Irai-je dans une ode, en phrases de Malherbe, Troubler dans ses roseaux le Danube superbe; Délivrer de Sion le peuple gémissant; Faire trembler Memphis, ou pàlir le croissant; La satire, en leçons, en nouveautés fertile, Va jusques sous le dais faire pâlir le vice; Et souvent sans rien craindre, à l'aide d'un bon mot, (1) Fameux prédicateur fort outré dans ses prédications. Va venger la raison des attentats d'un sot. C'est pour elle, en un mot, que j'ai fait vœu d'écrire. (1) Poëte latin satirique. (2) Consul romain. (3) Auteurs médiocres. (4) Cotin, dans un de ses écrits, m'accusoit d'être criminel de lese-majesté divine et humaine. Vous aurez beau vanter le roi dans vos ouvrages, Qui méprise Cotin n'estime point son roi, Et par ses cris enfin que sauroit-il produire ? vous. SUR LA SATIRE X. Voici enfin la satire qu'on me demande depuiz si long-temps. Si j'ai tant tardé à la mettre au jour, c'est que j'ai été bien aise qu'elle ne parût qu'avec la nouvelle édition qu'on faisoit de mon livre, où je voulois qu'elle fût insérée. Plusieurs de mes amis, à qui je l'ai lue, en ont parlé dans le monde avec de grands éloges, et ont publié que c'étoit la meilleure de mes satires. Ils ne m'ont pas en cela fait plaisir. Je connois le public je sais que naturellement il se révolte contre ces louanges outrées qu'on donne aux ouvrages avant qu'ils aient paru, et que la plupart des lecteurs ne lisent ce qu'on leur a élevé si haut, qu'avec un dessein formé de le rabaisser. Je déclare donc que je ne veux point profiter de ces discours avantageux; et non seulement je laisse au public son jugement libre, mais je donne plein pouvoir à tous ceux qui ont tant critiqué mon ode sur Namur d'exercer aussi contre ma satire toute la rigueur de leur critique. J'espere qu'ils le feront avec le même succès; et je puis les assurer que tous leurs discours ne m'obligeront point à rompre l'espece de vœen que j'ai fait de ne jamais défendre mes ouvrages, quand on n'en attaquera que les mots et les syllabes. Je saurai fort bien soutenir contre ces censeurs lomere, Horace, Virgile, et tous ces autres grands personnages dont j'admire les écrits: mais pour mes écrits, que je n'admire point, c'est à ceux qui les approuveront à trouver des raisons pour les défendre. C'est tout l'avis que j'ai à donner ici au lecteur. La bienséance néanmoins voudroit, ce me semble, que je fisse quelque excuse au beau sexe de la liberté que je me suis donnée de peindre ses vices. Mais, au fond, toutes les peintures que je fais dans ma satire sont si générales, que, bien loin d'appréhender que les femmes s'en offensent, c'est sur leur approbation et sur leur curiosité que je fonde la plus grande espérance du succès de mon ouvrage. Une chose au moins dont je suis certain qu'elles me loueront, c'est d'avoir trouvé moyen, dans une matiere aussi délicate que celle que j'y traite, de ne pas laisser échapper un seal mot qui pût le moins du monde blesser la pudeur. J'espere donc que j'obtiendrai aisément ma grace, et qu'elles ne seront pas plus choquées des prédications que je fais contre leurs défauts dans cette satire, que des satires que les prédicateurs font tous les jours en chaire contre ces mêmes défauts. |