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Ni se jeter enfin dans un sentier étroit,
Sans avoir d'en sortir ou l'audace ou le droit.

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Ne va pas débuter comme ce vieux Cyclique : « Je chanterai Priam et la guerre héroïque... C'est promettre beaucoup; mais... après ces grands cris? La montagne en travail enfante une souris.

Oh ! que j'aime bien mieux ce simple et vrai langage :

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Muse, dis-moi cet homme ingénieux et sage,

Qui, Pergame tombée aux mains de ses vainqueurs,

Vit de peuples nombreux les cités et les mœurs. »
Son feu ne s'éteint pas en fumée, au contraire
De la fumée il songe à tirer la lumière;
Et le voilà semant les merveilles, voilà
Le Cyclope et Charybde, Antiphate et Scylla.
Il ne prend pas la mort de l'époux d'Atalante
Pour début du retour de Diomède, il chante
Les grands combats livrés aux plaines de l'Ida,
Sans remonter d'abord au double œuf de Léda.
Supposant au lecteur sa thèse familière,

Il l'emporte aussitôt au cœur de la matière,
Court à l'événement, ne veut pas tout polir,
Abandonne les traits qu'il ne peut embellir,
Et sait si bien, mêlant le réel et la fable,
Fondre ses fictions en un tout vraisemblable,
Qu'on ne peut séparer, unis dans son dessein,
Du début le milieu, ni du milieu la fin.

Apprends ce que le peuple avec moi te demande.
Veux-tu que le public t'approuve, et qu'il attende
Que la toile remonte, assis en rangs pressés

Jusqu'au vers où l'acteur lui dit : « Applaudissez! »
Pense aux mœurs de chaque âge, aux natures changeantes
Donne, comme le temps, leurs couleurs différentes.
L'enfant, sitôt qu'il sait articuler des mots,

Et sur le sol empreindre un pied ferme et dispos,

Colligit ae ponit temere, et mutatur in horas,

Imberbis juvenis, tandem custode remoto, Gaudet equis, canibusque, et aprici gramine campi; Cereus in vitium flecti, monitoribus asper, Utilium tardus provisor, prodigus æris, Sublimis, cupidusque, et amata relinquere pernix. Conversis studiis, ætas animusque virilis Quærit opes et amicitias, inservit honori, Commisisse cavet quod mox mutare laboret.

Multa senem circumveniunt incommoda : vel quod Quærit, et inventis miser abstinet ac timet uti; Vel quod res omnes timide gelideque ministrat, Dilator, spe longus, iners, avidusque futuri, Difficilis, querulus, laudator temporis acti Se puero, castigator censorque minorum. Multa ferunt anni venientes commoda secum, Multa recedentes adimunt. Ne forte seniles Mandentur juveni partes, pueroque viriles, Semper in adjunctis ævoque morabimur aptis.

Aut agitur res in scenis, aut acta refertur.
Segnius irritant animos demissa per aurem
Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus, et quæ
Ipse sibi tradit spectator. Non tamen intus
Digna geri promes in scenam, multaque tolles
Ex oculis quæ mox narret facundia præsens.
Ne pueros coram populo Medea trucidet;

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Joue avec ses pareils, sans raison rit et pleure,
Et s'irrite, et s'apaise, et change d'heure en heure.

Jeune homme, et libre enfin d'un fâcheux surveillant,
A lui chiens et chevaux, champ poudreux, ciel brûlant;
Il est rude aux censeurs, de cire pour les vices,
Lent à chercher l'utile, ardent en ses caprices,
Prodigue, enthousiaste, et, son vœu satisfait,
Dédaignant aujourd'hui ce qu'hier il aimait.

L'âge vient, et l'esprit, qui mûrit avec l'âge,
Tourne à l'ambition, prudemment se ménage,
Veut des biens, des amis, et se garde d'aller
D'où bientôt avec peine il faudrait reculer.

Des misères sans nombre assiégent la vieillesse :
Apre au gain, le vieillard accumule sans cesse,
Et des biens qu'il entasse il a peur de jouir ;
Rêvant un long espoir et l'œil sur l'avenir,
D'un sens timide et froid gouverne toute chose,
Difficile, engourdi, temporiseur, morose,
Gourmandant la jeunesse et vantant le passé.
Des saisons de la vie ainsi l'ordre est tracé.
Les biens qu'en arrivant son printemps nous amène,
Son automne avec elle en fuyant les entraîne.
Craignez donc de jamais faire agir au hasard

L'enfant en homme fait, le jeune homme en vieillard,
Et tenez-vous aux mœurs que chaque âge suppose.
Le drame est sur la scène, ou le récit l'expose.
Versé dans notre oreille un fait nous frappe moins
Que quand nos yeux en sont les fidèles témoins,
Et que le spectateur se le transmet lui-même.
Pourtant, ne portons point ce principe à l'extrême;
Il est plus d'un objet à dérober aux yeux,
Et qu'un vivant récit nous présentera mieux :
Que l'exécrable Atrée ailleurs que sur nos scènes
Aille faire bouillir des entrailles humaines,

Aut humana palam coquat exta nefarius Atrcus;
Aut in avem Procne vertatur, Cadmus in anguem.
Quodcunque ostendis mihi sic incredulus odi.

Neve minor, neu sit quinto productior actu
Fabula, quæ posci vult et spectata reponi;
Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus
Inciderit; nec quarta loqui persona laboret.
Actoris partes chorus officiumque virile
Defendat; neu quid medios intercinat actus,
Quod non proposito conducat et hæreat apte.
Ille bonis faveatque et consilietur amice,
Et regat iratos, et amet peccare timentes ;
Ille dapes laudet mensæ brevis, ille salubrem
Justitiam, legesque et apertis otia portis ;
Ille tegat commissa, Deosque precetur et oret
Ut redeat miseris, abeat fortuna superbis.

Tibia non, ut nunc, orichalco juncta, tubæque Emula, sed tenuis simplexque, foramine pauco, Adspirare et adesse choris erat utilis, atque Nondum spissa nimis complere sedilia flatu, Quo sane populus numerabilis, ut pote parvus, Et frugi, castusque verecundusque coïbat. Postquam cœpit agros extendere victor, et urbem Latior amplecti murus, vinoque diurno

Placari Genius festis impune diebus,

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Et Médée égorger ses enfants au berceau;
Que loin de nos regards Progné devienne oiseau,
Cadmus serpent, spectacle atroce ou ridicule,
Qui révolte mes sens et me laisse incrédule.
Le drame qui prétend, souvent redemandé,
Reparaître plus beau, plus il est regardé,
Devra s'assujettir à des règles exactes:
Qu'il atteigne et jamais ne dépasse cinq actes;
Que si dans le dernier interviennent les Dieux,
Le nœud ait mérité d'être tranché par eux;
Trois interlocuteurs au plus dans chaque scène ;
Le chœur est un acteur aussi, qu'il s'en souvienne,
Que dans l'entr'acte même au drame appropriés
Ses chants y soient toujours étroitement liés.
Le chœur, ami des bons et conseiller sincère,
Protége l'innocence, apaise la colère,
Blâme des longs repas les folles voluptés,
Vante la paix ouvrant les portes des cités,
Les lois, l'ordre public, l'équité salutaire ;
Des secrets confiés discret dépositaire,
Sa prière demande aux Dieux que leur faveur
S'éloigne du superbe et retourne au malheur.
De tubes d'orichalque aujourd'hui glorieuse,
Et du clairon guerrier rivale ambitieuse,
La flûte était jadis un modeste instrument,
Percé de peu de trous, destiné seulement

A soutenir les voix du chœur ; et son haleine,
Si faible qu'elle fût, pouvait remplir sans peine
L'enceinte où s'asseyait un peuple peu nombreux,
Sobre dans ses plaisirs, chaste et religieux.
Mais lorsque le Romain des dons de la victoire
Commença d'agrandir son premier territoire,
Qu'un plus vaste rempart embrassa la cité,
Que, dans les jours de fête, avec impunité

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