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En 1822, parurent à la fois deux éditions d'une traduction en vers de l'Art poétique, par Ch. Froment, né à Douriers, près d'Abbeville, et qui a longtemps habité la Belgique. L'une fut imprimée à Gand, en une brochure in-8°, l'autre à Bruxelles, avec des notes d'un certain Guédon de Berchère, avocat. L'auteur retrancha plusieurs passages de sa traduction dans le Recueil de ses OEuvres, Bruxelles, Lejeune, 1826, 2 vol. in-18.

La traduction en vers de toutes les œuvres d'Horace, par M. Ragon, professeur de l'université de France, parut d'abord en 1831. La seconde édition est de 1857, 4 vol. in-18.

M. Gonod, en donnant, en 1841, une savante édition de l'Art poétique, y ajouta une remarquable traduction en vers, par M. Chanlaire, professeur de rhétorique au collège du Puy.

En 1839, M. Louis Duchemin avait traduit en vers les Odes et les Épodes. En 1846, il les fit réimprimer, et y joignit les Satires, les Épîtres, et l'Art poétique, Paris, Hachette, 2 vol. in-8°.

Le dernier ouvrage publié que j'aie à citer est une traduction de l'Art poétique, vers pour vers, par M. Porchat, ancien recteur de l'académie de Lausanne, et auteur de beaucoup d'autres écrits en vers et en prose, Paris, Borrani et Droz, 1852.

J'ajoute que, en 1853, un professeur belge, M. Van den Broeck, traducteur de l'Essai sur la Critique, de Pope, a traduit l'Art poétique en vers français. Je ne sais si cette traduction que j'ai lue manuscrite, a jamais été publiée.

Enfin, la mienne avait été insérée depuis plus d'un an dans le tome XXI, no 10, des Bulletins de l'Académie royale de Belgique, lorsque M. Ad. Mathieu, membre de la même académie, en publia une nouvelle à Gand, chez de Busscher.

Maintenant, que conclure de ce long catalogue? Qu'il était parfaitement inutile de venir après tant d'autres? Je ne dis pas non; et cependant, il s'ensuit aussi d'abord que l'œuvre d'Horace doit avoir un charme tout particulier pour avoir inspiré à tant d'esprits obscurs ou illustres en France, sans parler des traducteurs étrangers, le désir de la reproduire; et, d'autre part, que, quel que puisse ètre le mérite de ces traductions, si l'une d'elles m'eût pleinement satisfait, je n'aurais point publié celle-ci. On y trouvera peut-être quelques vers qui appartiennent à l'un ou à l'autre de mes prédécesseurs à mon avis, ce sont les meilleurs; car, si j'avais pu mieux faire, assurément, je ne les y aurais pas laissés.

Je compte d'ailleurs sur la bienveillante équité

de ceux qui comprennent l'excessive difficulté d'un pareil travail. Ne retrancher, n'ajouter, ne transformer aucune idée; conserver scrupuleusement tous les traits de mœurs et de costume, toutes les allusions, tous les noms propres même, et, autant que possible, les images, l'esprit, l'allure de l'original; en même temps n'être jamais ni obscur, ni par trop étrange, et parler toujours français, sans cesser un instant de penser en latin : voilà les caractères d'une traduction de ce genre, et l'idéal à atteindre. C'est ce que Voltaire appelait danser sans balancier sur la corde roide.

Dans ces sortes de traductions, ne comptez pas le nombre des vers. Il y a impossibilité matérielle à rendre une quantité donnée de vers latins par une pareille quantité de vers français, à moins de consentir à être incomplet, quand on n'est point barbare. Songez d'abord à l'espace forcément occupé en français par les pronoms personnels et les formes auxiliaires des verbes, par les articles et les prépositions substitués aux inflexions de la déclinaison latine; rappelez-vous ensuite le nombre de syllabes dont se compose chaque vers en français, jamais plus de douze dans les masculins, et de treize dans les féminins; en latin, ordinai

rement quinze, seize, et jusqu'à dix-sept, sans compter les élisions; remarquez, enfin, avec M. Barthélemy, dans la Préface de sa traduction de Virgile, que pour chaque auteur latin à traduire il y aurait une règle à établir. S'il a cru que la proportion raisonnable à appliquer à Virgile est d'un cinquième en sus, c'est-à-dire qu'une traduction de Virgile est concise quand cent vers latins y sont rendus par cent vingt vers français, il me semble que, lorsqu'il s'agit d'Horace, beaucoup plus curieux que Virgile, et surtout qu'Ovide, de condenser sa pensée, la clarté indispensable à notre langue exige qu'on alloue au traducteur au moins un quart en sus, et qu'on lui permette cent vingtcinq ou cent trente vers français pour cent vers latins.

Ajoutons que si le traducteur prétend reproduire l'allure variée, brusque, sans gêne, de l'hexamètre d'Horace comparé à celui de Virgile, il doit lui être loisible de varier aussi et de briser plus souvent que dans d'autres versions, la tenue monotone de l'alexandrin français. J'ai cru pouvoir prendre sous ce rapport des licences que je me serais interdites ailleurs, bien que l'exemple des poëtes les plus renommés de l'époque pût me justifier.

Encore un mot en joignant à mes vers le texte latin réimprimé d'après les éditions les plus savantes, et avec toute la correction typographique que j'ai pu y mettre, j'ai cru devoir le faire suivre de notes indispensables à un auteur dont la crise et l'exégèse ont été si diversement agitées.

Enfin, j'ai écrit sérieusement ce livre et cette préface, comme si quelqu'un s'occupait encore aujourd'hui de ces choses-là; qu'on me le pardonne.

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