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égard dont je ne puis Vous exprimer assez vivement ma reconnaissance, mais encore un témoi

gnage de sympathie pour les belles et bonnes lettres, qui honore Votre caractère.

Dans ce siècle si exclusivement positif et calculateur, c'est une noble mission pour un Prince de s'intéresser à ces études à la fois sérieuses et élégantes qui n'ont pour perspective ni les satisfactions de la cupidité, ni celles de l'ambition, mais qui polissent les mœurs, embellissent l'intelligence et charment la société.

Cette mission, Monseigneur, Vous l'avez acceptée. Jeune et placé si près du trône, Vous promettez pour un long avenir un protecteur actif et éclairé à ceux qui aiment et cultivent les lettres, parce que Vous les aimez Vous-même.

Vous en remercier, c'est faire l'éloge de Votre

cœur autant que de Votre esprit.

Daignez agréer,

Monseigneur,

l'hommage du profond respect avec lequel je suis,

De Votre Altesse Royale,

Le très-obéissant et très-dévoué serviteur,

BARON.

AVANT-PROPOS.

Lucien raconte que, à propos d'une guerre contre les Parthes, qui absorbait, de son temps, l'attention publique, l'envie de se faire historien prit à une foule de gens. On n'écrivait plus que batailles, prises de villes et passages de fleuves; on heurtait à chaque pas un Thucydide ou un Xénophon; si bien que notre Samosate, ne pouvant rester oisif au milieu de tant d'agitation, voulut rouler aussi son tonneau, comme Diogène à Corinthe, et, sinon raconter lui-même, il s'en déclare incapable, montrer du moins aux autres comment on raconte. Telle fut l'origine du traité De la manière d'écrire

l'histoire, adressé à un certain Philon. Lucien, en y donnant les règles du genre, rend la tâche si difficile, que, la lecture achevée, il faut avoir un amour-propre bien robuste, pour n'être point à jamais guéri de cette fièvre d'historiographie, comparable, selon lui, à la folie des Abdéritains, après la représentation de l'Andromède d'Euripide.

Je soupçonne fort Horace, bien qu'il ne le dise pas expressément, d'avoir eu la même intention Sans son épitre sur l'Art poétique.

Endormis par l'habile politique d'Auguste, devenus étrangers aux affaires publiques, et tout entiers au luxe et aux arts de la paix, les Romains ne rêvaient plus alors que vers et poésie. La métromanie était devenue une contagion universelle; enfants et vieillards, tous s'en mêlaient;

Mutavit mentem populus levis, et calet uno
Scribendi studio; puerique patresque severi,
Fronde comas cincti, cœnant et carmina dictant.

(Ep. II, 1, 108.)

Inutile même d'être du métier, les plus igno

rants le disputaient aux plus habiles,

Scribimus indocti doctique poemata passim.

(Ep. II, 4, 444.)

Qui nescit, versus tamen audet fingere . .

(De art. poet, 382.)

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