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Pendant le repas, aussi bien ordonné que bien servi, une excellente musique militaire se fait entendre et ajoute au charme de cette réunion: le temps passe vite et on atteint insensiblement la période des toasts. Suivant une coutume des plus louables chez nos voisins, la priorité est acquise au toast à la Patrie : il est porté par M. Charles E. Tissot, député national du Locle. Ce toast, qui trouve toujours de chaleureux échos, est religieusement écouté et applaudi avec enthousiasme. Puis, l'orateur remercie, au nom de l'industrie locale, les membres présents de la Société helvétique. Ce n'est pas au Locle, dit-il, qu'on peut nier l'utilité de la science, car si, depuis un demi-siècle, l'horlogerie neuchâteloise bénéficie des recherches patientes des savants, elle en attend toujours de nouveaux bienfaits. Aussi, est-ce au nom de cette industrie qu'il remercie les représentants de la science à tous les degrés qui se sont donné rendez-vous dans la cité locloise, et qu'il boit aux succès de la Société helvétique; puis il ter-. mine par quelques mots gracieux à l'adresse des délégués étrangers.

Des acclamations partent de tous les points de la salle du banquet, quand notre président se rend à la tribune pour répondre aux paroles bienveillantes qui viennent d'être prononcées. M. Léon Barbier s'exprime en ces termes :

« L'un de vous, Messieurs, dont l'amitié m'honore (1), dans un toast à la Patrie porté récemment, faisait remarquer que si, jadis, le mot de patrie appelait trop souvent l'idée de luttes armées, de combats sanglants, il ne devait faire naître aujourd'hui que l'idée des luttes ardentes, mais toujours pa-. cifiques, résultant des études et des caractères propres à chaque nationalité. C'est une noble et grande pensée, digne du XIXe siècle, et que je vous propose de mettre en pratique d'un commun accord.

» Attachés et dévoués à nos patries, luttons pour accroitre

(1) M. le docteur Dufour, de Lausanne.

leur grandeur et leur puissance morale, luttons pour le développement des idées et la diffusion du savoir, luttons par nos travaux, nos recherches, nos découvertes. Faisons-les puissantes, rendons-les grandes, ces chères patries, maintenons-les rivales et jalouses, mais dans l'étude du bien, du bon, du beau; et, à l'encontre du sang, faisons couler des flots d'encre, pour la cause immortelle de la science et du progrès: puis, chaque année, retrouvons nous apportant à nos réunions aussi pacifiques que patriotiques la moisson récoltée. L'orgueil de la victoire matérielle et brutale sera remplacé avantageusement par la satisfaction d'avoir doté nos pays respectifs de nouvelles conquêtes intellectuelles et scientifiques, et nous nous tendrons les mains, Suisses et Français, mus par la même ambition, par le même désir: grandir nos pays par la lutte du travail, l'élévation des sentiments et la foi dans l'avenir.

» Au nom de la Société française d'Emulation du Doubs, je bois à la Société helvétique des sciences naturelles! »>>

Ce toast est accueilli par un triple ban d'applaudissements, auquel s'associe la musique qui joue la Marseillaise. L'hymne national français, entendu sur une terre étrangère, excite en nous une vive émotion, et nous sommes particulièrement touchés de l'attitude sympathique de l'assemblée, à laquelle M. Barbier s'empresee de témoigner notre gratitude; il félicite vivement la musique et remercie tout spécialement son chef.

Il fut encore porté plusieurs toasts celui du vice-président de la réunion, entre autres, aussi bien écrit que bien pensé, excita l'enthousiasme de l'assemblée.

Mais il est temps de prendre congé de nos joyeux commensaux de quelques heures, qui nous donnent gracieusement rendez-vous à Genève, pour l'an prochain. Les différents groupes prennent le mot d'ordre pour aller le lendemain, les uns admirer les beautés sauvages des Gorges de la Reuse; les autres, étudier la classique moraine frontale du Champ

du-Moulin. C'est dans ce lieu, et après une dernière collation, que doit se clôturer la fête et la réunion se disperser.

La journée est très avancée lorsque nous quittons la salle du banquet, et nous avons le regret de ne pouvoir visiter la remarquable fabrique d'horlogerie des Billodes, de M. G. Favre-Jacot, dont l'interchangeabilité est la base.

Nous rentrons au Châtelard, où cette journée se termine par une aimable soirée intime, pendant laquelle l'affabilité et l'exquise urbanité de nos hôtes se sont de nouveau révélées par un abandon plein de charme. Déjà, bien des délégués de notre Compagnie ont eu la tonne fortune de goûter l'hospitalité si éminemment cordiale qu'on reçoit au Châtelard. Tous l'ont retracée dans nos Annales en des termes empreints de la plus sincère gratitude. Mais de tous ceux qui ont été reçus dans cette accueillante demeure, nul, plus que nous, n'en a emporté un souvenir durable et reconnaissant.

Le lendemain, 13 août, dans la matinée, nous faisons nos adieux à Monsieur et Madame Jurgensen, ainsi qu'à leur fils, qui a bien voulu se tenir constamment à notre disposition avec une abnégation et une courtoisie rappelant le proverbe : tel père tel fils. La voiture de notre hôte nous transporte à la station du Col-des-Roches, où nous prenons le train qui nous ramène à Besançon.

C'est un devoir pour nous, Messieurs, de proclamer bien haut les nombreux témoignages d'affectueuse sympathie dont nous avons été l'objet, tant de nos bons voisins du Canton de Neuchâtel, que des membres présents de la Société helvétique. Ces témoignages, nous sommes heureux de le dire, nous les devons à la haute estime en laquelle est tenue notre Compagnie dans la Confédération suisse.

GLACIÈRE DE CHAUX-LES-PASSAVANT

Par M. le capitaine TROUILLET.

Séance du 17 décembre 1885.

MESSIEURS,

A la suite de ma communication du mois d'avril dernier au sujet de la glacière, vous avez bien voulu, conformément à mes conclusions, voter les fonds nécessaires à l'acquisition de thermomètres de précision et exprimer le désir qu'il fût tenté une démarche auprès de l'autorité académique pour nous assurer le concours, comme observateur, de l'instituteur de Chaux-les-Passavant.

J'ai l'honneur de venir aujourd'hui vous rendre compte de la suite qui a été donnée à ces différents projets, en même temps que des premiers résultats des expériences.

Tout d'abord le choix des instruments a fixé notre attention. Nous avions à hésiter entre des thermomètres précis à maxima et à minima, dont l'usage nécessite des observations journalières, et d'autres appareils plus nouveaux et surtout beaucoup plus coûteux, mais qui sont aptes à enregistrer jour et nuit, d'une façon continue, les températures successives des milieux où ils se trouvent placés. L'avantage de ces derniers semblait manifeste; car la glacière est fort éloignée de Besançon, il est difficile de s'y transporter souvent : même depuis le village de Chaux, il faut plus d'une heure. pour faire le voyage et nous ne pouvions imposer à l'observateur au concours gracieux duquel nous allions faire appel, une course journalière aussi longue. D'autre part, la perspective d'obtenir de véritables tracés qui permissent de re

trouver après coup, pour une heure quelconque du jour ou de la nuit, les températures comparées du dedans et du dehors de la grotte, cette perspective, dis-je, était trop tentante pour l'abandonner par une simple raison d'économie. Fort heureusement votre bureau a bien voulu interpréter le vote du mois d'avril aussi largement que possible et m'autoriser à faire l'acquisition de deux thermomètres enregistreurs construits par les frères Richard.

Ces deux instruments installés, chacun sur une petite tablette portant le nom de notre Société, l'un à l'intérieur, l'autre au sommet de la rampe de la glacière, fonctionnent depuis le 29 octobre dernier, et chaque semaine l'instituteur de Chaux, dont le concours précieux nous a été acquis à la suite d'une démarche de notre secrétaire auprès de M. l'Inspecteur d'académie, m'adresse les bandes sur lesquelles chacun des appareils a tracé la marche de la température pendant les sept jours précédents.

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Permettez-moi de vous donner à ce sujet une description sommaire du nouveau thermomètre.

L'action de la température se fait sentir sur un tube métallique courbe et à section aplatie dont la capacité hermétiquement fermée est remplie d'alcool. La dilatation du liquide fait changer la courbure du tube; l'une de ses extrémités étant fixée sur le bâti de l'appareil, l'autre se déplace de quantités qui peuvent servir à mesurer les variations de température. L'extrémité libre est reliée au moyen d'une bielle à un levier qui porte une plume remplie d'encre. L'organe enregistreur est formé d'un tambour vertical mobile autour de son axe à l'intérieur duquel est logé un mouvement d'horlogerie complètement renfermé entre les deux fonds du tambour. La roue principale de ce mouvement engrène sur un pignon fixé au bâti de l'appareil et entraine ainsi tout le tambour dans une espèce de course planétaire. La durée de révolution est d'une semaine et quelques heures.

Une bande quadrillée, imprimée d'avance, peut s'appli

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