Page images
PDF
EPUB

enseveli. Il est en fer: sa calotte avait été décorée de lames d'argent, dont il reste quelques vestiges; ses larges jugulaires et son couvre-nuque conservent encore des bordures en cuivre jaune qui devaient avoir l'apparence de l'or. Cette coiffure militaire, habilement reconstituée par M. Vaissier, a ses analogues en grand nombre dans les bas-reliefs des colonnes Trajane et Antonine. Le dessin scrupuleusement fidèle qu'en a fait M. Vaissier permettra ce rapprochement qui rend évidente l'origine romaine de l'objet (1).

[graphic]

la hauteur de l'estampille. Nos épreuves de cette marque étant mauvaises, nous ne saurions garantir absolument la lecture que voici :

CELAR

Une traverse mise au sommet de l'A indique un T à suppléer, avant ou après la lettre ainsi géminée. Si l'on place le T avant l'A, la marque se lira CELTAR. Si on l'intercale après, le même mot deviendra CELATR, c'està-dire, à une omission de voyelle près, l'adjectif latin Celator, qui pourrait bien avoir été le surnom d'un fabricant.

Des tuiles portant cette seconde marque avaient été déjà rencontrées à Besançon, dans les fouilles faites, de 1840 à 1845, pour la bâtisse de l'ar senal d'artillerie. La marque avait alors été lue CESAIC, avec l'A surmonté d'une traverse. (A. LAFOSSE, Notice sur les antiquités romaines trouvées dans les fouilles du nouvel arsenal de Besançon [1845], pl. I. - Cf. A. VAISSIER, Les poteries estampillées dans l'ancienne Séquanie, no 182, dans les Mém. de la Soc. d'Emul. du Doubs, an. 1881, p. 439.)

(1) Ce casque appartient à la catégorie des types diadémés : les saillies

L'autre percée, plus importante, est sous une voûte, dont l'une des coupes montre encor un bel arc composé de longs et minces claveaux. On passe sous cette voûte pour se rendre, depuis le couloir ou ambulacre, à la chapelle de Saint-Jacques hors les murs.

Cette chapelle s'était greffée sur la précinction partiellement survivante de l'Amphithéâtre. Elle y existait déjà en 1120, car on la trouve indiquée à cette date, parmi les dépendances de l'église de Sainte-Madeleine de Besançon, dans une bulle du pape Calixte II (1). Ce pontife, né à Quingey, appartenait à la famille des souverains de la FrancheComté. Son frère, Raymond, avait obtenu par sa bravoure la souveraineté de la Galice espagnole, dont la capitale, Compostelle, tirait gloire et prospérité de la possession des reliques de saint Jacques. Ce prince étant mort en 1108, laissant son héritage à un enfant de deux ans, le futur pape,

qui bordent actuellement le devant de la calotte étaient les supports d'une visière relevée, en plomb couvert d'argent. Au sommet, un petit canal en cuivre était rivé longitudinalement, dans le sens du grand axe de la calotte. Sur la même ligne d'axe, tant vers le front que vers la nuque, un annelet de cuivre était également rivé. Un peu en arrière des couvreoreilles, deux petits tubes, verticalement agraffés, se faisaient pendant. Je supposerais volontiers que les trois tubes et les deux annelets qui viennent d'être mentionnés servaient à passer des cordons pour suspendre le casque sur la poitrine du soldat, près de l'épaule gauche, quand les troupes étaient en marche cette habitude est accusée par les bas-reliefs de la colonne Trajane. Les jugulaires, reliées au casque par des charnières en cuivre, avaient, dans la partie basse de chacune d'elles, un annelet de même métal dont le rivet extérieur était abrité par un large bouton : moyennant quoi, par l'effet d'un cordon, elles pouvaient se rejoindre sous le menton du guerrier.

(1) « CALIXTUS episcopus.....: canonicis ecclesie sancte Marie Magdalene apud Bisuntium..... confirmamus..... Bisuntii, ecclesiam sancti Jacobi infra Arenas, cum appendiciis suis..... Datum Vapinci, v idus marcii..... anno M° CC XX. » (POUHAT DE TALLANS, Mémoire contre l'idée que se sont 'formé les PP. Bénédictins de Saint-Vincent de Besançon d'avoir la préséance sur MM. de l'église de Sainte Marie Magdelaine, Besançon, 1711, in-4, pp. 66-67. Ulysse ROBERT, Etude sur les actes du pape Calixte II, Paris, 1874, in-8, pp. LVI-LVII.)

alors archevêque de Vienne, avait dû se rendre en Galice, pour protéger les intérêts de son neveu. L'évêque de Compostelle avait été en quelque sorte le tuteur du jeune prince, et Calixte II l'en récompensa plus tard en faisant de son siège un archevêché. La sollicitude de ce pontife pour le pèlerinage de Compostelle fut si grande, que l'on attribua longtemps à sa plume divers écrits dans lesquels saint Jacques est représenté comme le principal des apôtres de l'Occident (1). Recommandé par un tel patronage, le culte de cet apôtre n'avait pu manquer de trouver faveur en FrancheComté aussi pensons-nous que notre chapelle de SaintJacques hors les murs avait été primitivement bâtie pour honorer quelques particules de reliques empruntées à Compostelle. La plus ancienne mention de cet oratoire se trouve, en effet, dans une bulle du pape Calixte II, donnée quelques jours après celle qui avait élevé au rang d'église métropolitaine la basilique où Raimond de Franche-Comté reposait, sous la protection de l'apôtre saint Jacques (2).

Ainsi fut implanté dans notre quartier des Arènes le culte de saint Jacques si bien que le chapitre de Sainte-Madeleine ne put dédier à un autre saint l'hôpital construit vers 1182, au bout de la rue d'Arènes, à l'effet d'héberger les pèlerins qui traversaient Besançon pour gagner Rome ou Jérusalem (3). Cet hôpital étant devenu le grand établissement de bienfaisance de notre ville, il est permis de considérer la chapelle associée aux ruines des Arènes comme ayant en

(1) D. RIVET, Calliste II, dans l'Histoire littér. de la France, t. X, pp. 505-536; Victor LE CLERC, Cantique et itinéraire des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, ibid., t. XXI, pp. 271-292; F. GÉNIN, La chanson de Roland, introduction, pp. XXXII-XXXIII; Gaston PARIS, De Pseudo-Turpino, pp. 7, 19, 30-38.

(2) Historia Compostellana, sive de rebus gestis D. Didaci Gelmirez, primi Compostellani archiepiscopi, edit. Henr. FLOREZ: Hispania sacra, t. XX, pp. 94-96, 209, 272, 292-294, 309 et 339.

(3) Voir, dans les Pièces annexées à ce travail (no I), la bulle de confirmation du projet de fonder l'hôpital de Saint-Jacques des Arènes,

gendré la plus ancienne formule religieuse de l'assistance publique à Besançon.

De cette chapelle, nous n'avons plus la construction première. La gracieuse petite nef qui vient d'être dégagée remonte seulement à l'année 1301 : l'ancien édifice ruiné fut alors reconstruit, aux frais de la municipalité souveraine (1), comme oratoire d'un cimetière (2) que l'importante paroisse de Sainte-Madeleine venait d'agrandir (3). Sous cette chapelle est une crypte, organisée dans un couloir voûté des Arènes de grandes croix rouges sont peintes sur le crépissage de ses parois. Deux squelettes de femme y sont encore couchés il s'y trouve en outre une logette renfermant un dépôt assez considérable d'ossements. Sur chacune des quatre dalles qui pavent la chapelle au-dessus de cette crypte, on avait esquissé au pinceau le portrait à mi-corps et les mains jointes d'une personne défunte. Entre le seuil de la chapelle et ces dalles, trois rangs de beaux carreaux émaillés, remontant au début du quatorzième siècle, formaient une décoration variée : deux types de ces curieuses briques sont ornés d'élégantes légendes circulaires dont chacune révèle un nom de fabricant appartenant à la Franche-Comté : Girard le tuilier de Bellevaux et Jean d'Orchamps. La plupart de ces carreaux étaient brisés : M. Vaissier les a merveilleusement restaurés (4). Deux

(1) « Anno 1301, reædificata est, [per] S. P. Q. Bisuntinum, capella S. Jacobi in Arenis, extra muros civitatis, ubi olim sub Romanis fuerat Amphitheatrum. » (J. J. CHIFLETI, Vesontio, II, p. 281.)

(2) Ce cimetière est nommé dans un grand nombre de testaments. Voici l'une de ces mentions : « Item, je esliz la sépulture de mon corps ou cymetière de Saint-Jacques de Besançon, hors les murs. » (Testament de Médard PALENET, en date du 28 août 1507.)

(3) Voir, dans les Pièces ajoutées à ce travail (n° V), l'acte d'acquisition du terrain nécessaire à l'agrandissement du cimetière de Saint-Jacques.

(4) Trente-cinq à quarante carreaux émaillés, de deux dimensions différentes, formaient le seuil intérieur de la chapelle de Saint-Jacques. Les plus grands ont 28 centimètres de côté. Quelques-uns de ceux-ci sont décorés

pierres tumulaires déplacées avaient été superposées vers l'entrée de la chapelle et pesaient sur les restes de son charmant carrelage. Ces dalles gravées, qui vont être redressées pour l'ameublement de la chapelle, offrent d'intéressants spécimens de la ciselure funéraire au quatorzième siècle (1).

d'un simple échiquier à seize compartiments. D'autres sont écoinçonnés et portent une rosace centrale qui est entourée d'une bande circulaire tangeante aux côtés sur cette bande on lit, en lettres capitales des premières années du quatorzième siècle, une élégante adresse de fabricant qui parait avoir été imprimée en couleur claire, avant la cuisson, au moyen d'un bois gravé. Voici les deux types que nous avons de cette légende circulaire :

GIRAR. LI, TIELIER. DE. BELLEVAS. ME. FIT

IEHANS. DE. ORCHANS. ME. FIT FAIRE.

Les deux fabricants ainsi mentionnés opéraient dans notre province : l'un était le tuilier attitré de la grande abbaye cistercienne de Bellevaux, sur la rive droite de l'Ognon; l'autre avait eu son origine ou faisait sa résidence dans l'un des deux villages franc-comtois du nom d'Orchamps. Les petits carreaux ont 17 centimètres de côté. Leur décoration offre des variétés que nous essaierons de caractériser. Motifs répartis sur quatre carreaux et symétriquement disposés tantôt des rosaces en feuilles d'or nement; tantôt des couples d'oiseaux affrontés et séparés par une feuille d'ornement, le tout dans un double filet circulaire. Esquisse à grande allure d'un chevalier armé de toutes pièces et lançant sa monture caparaçonnée. Sous une double arcature gothique, deux jeunes gens, aux tètes nues et frisées, se donnant la main et paraissant danser. Joueur de cornemuse. Ane au galop.

Aucun de ces motifs d'ornementation n'étant en rapport de caractère avec la chapelle de Saint-Jacques, il y a lieu de considérer nos carreaux comme ayant été empruntés à la fabrication locale et courante.

J'ai dû les éléments de cette note à l'affectueuse obligeance de M. Alfred VAISSIER.

(1) Voici la description sommaire des deux dalles gravées qui vont orner le fond de la petite chapelle de Saint-Jacques :

1o Sous une double arcature gothique, deux femmes debout, vêtues de longues robes, voilées, les mains dressées l'une contre l'autre et tenant de grands chapelets. Au dessus de la tête d'une des femmes est le mot BIENVENUE; au dessus de la tête de l'autre est l'image d'un poisson. L'épitaphe d'encadrement est ainsi conçue : L'an de Nostre SeignoVR. MIL. TOIS. CENZ. VINT. VIII. LE, IVEDI, DEVANT. LA. FESTE. DE. SAINT. PHILIPPE . Z. DE. SAINT. IAQVE. FVT. TRPE SSEE. BIENVENVE. DV. MASE. LAN.

« PreviousContinue »