Page images
PDF
EPUB

» lui permettre de tenir, au lieu de son domicile, des livres, sa » requête a été répondue favorablement, à charge néanmoins >> par le suppliant de fournir incessamment à MM. les commis»saires de la librairie un catalogue des livres qu'il se propose » de débiter (1). »

Notre Fantet, en sa qualité de martyr de la philosophie, a eu son moment de célébrité.

Son portrait a été peint par Melchior Wyrsch, artiste suisse fixé à Besançon (31 centimètres de haut sur 26 de large), et légué en 1840 par le peintre Flajoulot au Musée de la ville.

Voltaire a pris sa défense dans un [opuscule intitulé: Lettre d'un membre du conseil de Zurich à M. D..., avocat à Besançon (2).

Les protecteurs de Fantet étaient, du reste, nombreux, et il y en avait, dit-il, « de distingués par leurs talents, par leurs lumières, par leur état », à qui il était dù beaucoup de respect. Parmi eux, il faut compter sans doute Charles-André de Lacoré, intendant de la province, qui, arrivé à Besançon en 1762, y avait établi la franc-maçonnerie.

Une relation de son procès a été publiée dans le Choix des nouvelles causes célèbres, par des Essarts; Paris, Moutard, 1785, in-12, pp. 163-210. Mais cet article, évidemment communiqué, a eu pour but de ne montrer que la tête et la queue de la poursuite et de lui enlever précisément ce qu'elle avait eu de célébrité, en supprimant tous les incidents et les détails qui en font l'intérêt et la moralité.

Les grands personnages sur lesquels se sont attachés, plus ou moins discrètement, plus ou moins charitablement, les regards, les conversations animées, l'éloge et la critique de chaque jour, pendant les péripéties du procès Fantet, sont :

1o Le duc de Choiseul, Etienne-François, premier ministre de Louis XV par la faveur de Mme de Pompadour, en 1758, disgra

(1) Leur père, époux de Claudine Pussot, était mort le 4 avril 1760, à 66 ans.

La vieille tante de notre libraire, dont il est fait mention dans la notice, Laurence Fantet, veuve de François Richard, relieur de livres, est morte le 7 décembre 1773, à 76 ans.

(2) Euvres, éd. Beuchot, t. XLII, pp. 610-623.

cié, sous l'influence de Mme du Barry, en 1770, l'un de nos plus grands hommes d'Etat, dont les éminents services ne peuvent être oubliés. Sa conduite dans l'affaire Fantet est un faux pas dans une ornière.

2o Antoine-Clériadus de Choiseul qui, d'abord vicaire-général de son oncle l'évêque de Mende en 1733, aumônier du roi de Pologne en 1736, primat de Lorraine en 1742, devint archevêque de Besançon en 1754 et cardinal en 1761. Les archevêques n'avaient pas, en ce temps-là, le train modeste que leur imposent aujourd'hui le budget de l'Etat et la tiédeur des fidèles. Le cardinal de Choiseul, en particulier, tenait une véritable cour. Il avait, comme titulaire d'un archevêché princier, un Grand-Maréchal, un Grand-Chambellan, un Grand-Pannetier, un Grand-Veneur, un Grand-Chambrier, un Grand-Echanson (1).

3o La grand'chambre du parlement de Besançon, si rudoyée par le duc de Choiseul, à cause de sa modération et de son indépendance. Elle était composée de Messieurs :

Présidents.

Jean-Claude-Nicolas Perreney de Grosbois, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, premier président, en son hôtel, Grande-Rue.

Jean-Baptiste-Marie d'Olivet, seigneur de Chamole, président à mortier, au Chapitre.

Un siège de président à mortier vacant.

Chevaliers d'honneur.

Pierre, marquis de Grammont, seigneur de Villersexel, lieutenant-général des armées du roi, rue de la Lue;

Joseph-Ignace-François Froissard, marquis de Broissia, à

Dole.

Louis, prince de Bauffremont, lieutenant-général des armées du roi, en son château à Scey-sur-Saône.

Philippe-Marie-François, comte d'Udressier, à Salins.

(1) Almanach de la Franche-Comté de 1764, p. 3.

Conseillers.

Désiré-Joseph-Xavier Simon, doyen du parlement, rue Saint

Antoine.

Philippe-Thérèse Mareschal d'Audeux, premier conseillerclerc, vis-à-vis Saint-Jean-Baptiste.

Claude-Etienne Talbert, seigneur de Nancray, place Saint

Maurice.

Joseph-Philippe-Prosper marquis d'Arvisenet, seigneur d'Auxon, place Neuve.

Nicolas-Marin d'Orival, seigneur de Miserey, rue du Clos. Félix-Nicolas-Hippolyte Marquis, seigneur de Peintre, rue

Saint-Vincent.

Pierre-Ignace Quyrot, près Saint-Quentin.

Charles-Marie-François-Joseph marquis de Franchet, seigneur de Rans, au Chapitre.

Claude-François Courlet, seigneur de Boulot, rue Saint-Vin

cent.

Nicolas-Gabriel Willeret, rue Saint-Vincent.

Jean-Baptiste-Antoine Riboux, Grande-Rue.

Claude - Antoine - Catherine de Boquet, chevalier, baron de Courbouzon, rue Neuve.

4o Le procureur général : Philippe-Antoine Doroz et ClaudeThéophile-Joseph Doroz, en exercice conjoint, place Dauphine. Il pourrait n'être pas juste de reprocher, d'une manière absolue, à ce procureur général à deux têtes de n'avoir pas voulu d'abord perdre Fantet, puis de l'avoir voulu, parce qu'il était subordonné au chancelier. Il lui reste, d'ailleurs, assez de torts dans cette affaire pour n'y rien ajouter inconsidérément.

On ne saurait auquel de ces deux personnages appliquer le portrait qu'en esquisse Voltaire, dans une lettre à d'Alembert du 16 septembre 1766, dont je donne ici un extrait littéral pour prouver qu'à ce moment le grand agitateur n'était point au courant de la situation.

« Le procureur général de Besançon, dont la tête ressemble, » comme deux gouttes d'eau, à celle dont la langue est si bonne » à cuire, fit mettre en prison, ces jours passés, un pauvre

› libraire qui avait vendu des livres suspects. Il n'y allait pas » moins que de la corde par les dernières ordonnances. Le › parlement a absout le libraire tout d'une voix, et le procureur › général a dit à ce pauvre diable : « Mon ami, ce sont les livres » que vous vendez qui ont corrompu vos juges. »

L'arrêt auquel cette lettre fait allusion est du 1er septembre; il n'ordonne la mise en liberté de Fantet qu'à titre provisoire.

ARÈNES DE VESONTIO

ET LE SQUARE ARCHÉOLOGIQUE

DU CANTON NORD DE BESANÇON

LECTURE FAITE EN SÉANCE PUBLIQUE DE LA SOCIÉTÉ D'EMULATION DU DOUBS
LE JEUDI 17 DÉCEMBRE 1885

Par M. Auguste CASTAN

CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres).

droit.

Il est au monde une variété de noblesse qui semblerait ne devoir provoquer, dans un même pays, ni malveillance jalouse ni susceptibilité chagrine, car étant le patrimoine de tous, chacun aurait le droit d'en être également flatté. Cette noblesse, c'est celle de la patrie. Mais, comme l'a dit Cicéron (1), « tous les provinciaux ont deux patries, une naturelle et une politique une patrie de fait et une patrie de Ainsi, ajoutait-il, nous regardons comme notre patrie, et le lieu qui nous a vus naître et celui qui nous a adoptés; mais celle-là a des droits plus puissants à notre affection, qui, sous le nom de république, forme la grande patrie c'est pour cette patrie que nous devons mourir, à elle que nous devons entièrement nous dévouer, et faire en quelque sorte l'hommage et le sacrifice de tout ce que nous sommes. Mais la patrie qui nous a donné le jour n'en reste pas moins presque aussi chère: aussi je ne renierai jamais Arpinum pour ma patrie; mais Rome sera toujours ma patrie par excellence, puisqu'elle contient l'autre. >>

(1) De legibus, lib. III, c. 11.

« PreviousContinue »