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part de ces sources, celles qui avaient été les plus abondantes, avaient depuis longtemps cessé de couler pour l'avenir.

Ainsi plus d'edicta magistratuum, attendu que les magistratus juri discundo, dont la position avait complétement changé, et qui n'étaient plus des magistratus populi romani, mais des fonctionnaires impériaux, recevaient immédiatement leurs instructions du cabinet de l'empereur. Il y a plus : la principale attribution des préteurs, la faculté de fixer les rapports du strictum jus avec l'æquum jus, avait été expressément enlevée aux juges par Constantin car cet empereur : ordonna que, dans tous les procès où des doutes s'élèveraient sur les limites de l'interpretatio et sur la question de savoir jusqu'à quel point on devrait, par des motifs tirés de l'aquitas, s'écarter du strictum jus, le juge s'abstiendrait de décider par lui-même et en référerait à l'empereur.

Ainsi disparurent encore les responsa prudentium; car, bien qu'il y eût toujours des prudentes, dans un certain sens, cependant leur ancienne influence avait cessé entièrement, puisqu'il ne pouvait plus être question de recherches scientifiques et indépendantes, et de perfectionnement du droit par les écrits et la doctrine, et que cette faculté privilégiée de répondre aux consultants, dont il a été parlé ci-dessus, était exercée aujourd'hui immédiatement par

l'empereur lui-même, sous la forme de rescrits et de décrets.

Le cercle d'action des constitutions impériales s'étendit d'autant plus naturellement et plus néces– sairement, que tout développement ultérieur du droit par la voie du jus scriptum était désormais concentré dans les mains de l'empereur. Aussi, depuis Constantin, les constitutions prirent de plus en plus fréquemment le caractère de véritables leges edictales, tandis qu'auparavant elles étaient plutôt émises en forme de rescrits. Il faut reconnaitre encore que les ordonnances impériales témoignent dès ce moment de la décadence du droit, tant dans la forme de leur rédaction, presque toujours incorrecte, affectée et prolixe, que dans le fond de leurs dispositions, souvent très arbitraires. Qu'il continuât de se former à côté d'elles un droit coutumier proprement dit, c'est ce dont il n'est guère permis de douter: mais il paraissait alors revêtir plutôt le caractère de coutumes locales ou provinciales, parce qu'il ne rencontrait plus de vie propre dans le peuple, et qu'il manquait d'un centre. Dans le fait, au milieu de l'abondance des matériaux juridiques déjà accumulés, on sentait moins le besoin de les développer et de les accroître que celui de les réduire et de les simplifier pour en faciliter l'usage pratique.

Outre les constitutions impériales, source principale du nouveau droit, on considérait comme étant

encore en vigueur, au moins nominalement, toutes les anciennes sources du droit, les leges duodecim tabularum, les leges populi, plebiscita, senatusconsulta, les divers edicta magistratuum, etc.; mais on avait perdu depuis longtemps l'habitude de puiser immédiatement à ces sources on n'y avait recours que médiatement dans la nouvelle forme plus simple et plus méthodique qu'elles avaient prise sous la main des jurisconsultes qui avaient cultivé la science avec le plus d'éclat. Mais, quoique ainsi élaborés, ces monuments de l'ancien droit étaient encore au-dessus de la portée des juges de ce temps-là, qui ne pouvaient en posséder l'ensemble, ni en comprendre l'esprit.

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Essais pour faciliter par voie législative l'usage des sources du droit. Constitution de Valentinien III sur la citation des écrits des jurisconsultes, et codes (codices constitutionum).

La principale difficulté que rencontrait alors l'administration de la justice était, d'un côté, la masse énorme d'ouvrages de jurisprudence que les juges avaient à consulter et à comparer, pour démêler laborieusement le droit en vigueur; d'un autre côté, les nombreuses controverses et la diversité d'opinions que présentaient les écrits des anciens

jurisconsultes. Les juges, suivant ce qu'avait prescrit Adrien, devaient examiner ces diverses opiniones, et se décider en faveur de l'une d'elles par une conviction motivée. Mais l'effort qu'exigeait cet examen réfléchi et indépendant excédait désormais la capacité de juges en qui tout sens scientifique était éteint; aussi cherchaient-ils avec sollicitude quelques autorités qu'ils n'eussent qu'à citer et à compter, afin d'échapper par là à la nécessité de prendre parti par eux-mêmes.

Déjà Constantin avait conçu le projet de satisfaire, au moyen de quelques recueils juridiques, à ce besoin réellement très-pressant de l'époque; mais jusqu'à quel point et de quelle manière l'avait-il mis à exécution, c'est ce qui n'est pas clair à cause de notre pénurie de documents à cet égard (1).

Théodose II et Valentinien III, les premiers, firent un pas marqué vers ce but, en publiant une constitution qu'on désigne en Allemagne par la dénomination assez peu convenable de loi de citation (citirgesetz). Ce n'était qu'une extension et un complément de la mesure qu'Adrien avait prise pour ne pas laisser dans la pratique un champ trop vaste aux controverses sur le

(1) Les deux constitutions nouvellement découvertes, L. 1. et L. 2, Cod. Theod., I, 4, De responsis prud., sont relatives à ce projet de Constantin; mais elles ne laissent pas apercevoir l'ensemble de son plan.

droit. Tous les écrits, scripta universa, de cinq jurisconsultes de la période précédente, Papinien, Paul, Gaius, Ulpien et Modestin, devaient avoir formellement force de loi. Au contraire, les écrits, tractatus et sententiæ, des autres jurisconsultes n'auraient force de loi qu'autant qu'ils seraient cités dans les ouvrages des cinq précédents. Seulement les écrits de ces jurisconsultes, qui pouvaient avoir été altérés par le temps, devraient être soumis à une révision préalable, par la comparaison des manuscrits, sous le rapport de leur texte, et même de leur authenticité, suivant les circonstances. Si ces jurisconsultes, revêtus ainsi d'une autorité législative, différaient d'opinion entre eux, la majorité des voix décidait; en cas d'égalité, l'avis de Papinien l'emportait, et c'était seulement quand Papinien ne s'était pas expliqué sur la question, que le juge devait l'examiner lui-même et se prononcer pour l'une des solutions données.

Il était plus aisé, pour le moment, de satisfaire à un autre besoin du temps, résultant de la difficulté de connaître toutes les constitutions impériales qui étaient en fort grand nombre et éparses; car ici se présentait naturellement l'idée de recueils, codices constitutionum. Au commencement, on y pourvut par des recueils privés, entre lesquels le plus usuel, sinon peut-être l'unique, fut celui que publia Gregorianus. Ce Codex Gregorianus, qui est du milieu du Ive siècle, se composait principalement de res

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