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que pour leur objet. C'était une conséquence naturelle de l'organisation politique et judiciaire de l'empire, qui assignait à l'empereur le rôle le plus actif, tant sous le rapport de la législation que sous celui de la haute direction administrative et judi ciaire. Ainsi l'empereur pouvait, dans son cabinet, non - seulement statuer en dernier ressort sur les procès déjà jugés en première instance, mais encore évoquer à volonté des procès pendants devant une juridiction d'un degré quelconque. Il donnait aussi, du fond de son cabinet, des solutions aux questions qui lui étaient soumises soit par des fonctionnaires, soit par des particuliers, qui s'adressaient directemement à lui pour les affaires de leur charge ou pour leurs affaires privées. Tout ce qui émanait ainsi du cabinet impérial portait, à la vérité, le nom de constitutio principis; mais naturellement ces constitutions impériales n'avaient pas, pour la plupart, le caractère de vraies lois promulguées, mais paraissaient bien plus souvent sous la forme d'instructions, de résolutions, de décisions de l'empereur sur les questions qui lui étaient présentées, et de jugements sur les procès qui lui étaient soumis. Elles ne contenaient pas toutes non plus une nouvelle règle de droit, mais souvent elles ne faisaient que rappeler à l'observation du droit existant, l'appliquer ou y renvoyer. Mais, par suite de l'organisation politique et juridique de cette époque, quand l'empereur, sans employer les

formes d'une loi nouvelle formellement publiée, avait seulement, à l'occasion d'un fait particulier, exprimé un nouveau principe de nature à être appliqué à d'autres cas, et que ce principe arrivait pourtant à la connaissance du public et des tribunaux, on pouvait, dans les cas qui se présentaient ensuite, invoquer en justice avec succès ces décisions impériales comme des préjugés favorables, et le nouveau principe tenait ainsi legis vicem.

Par là s'expliquent les diverses formes auxquelles on peut ramener les constitutions impériales.

1° Lois proprement dites, destinées à une publication générale, edicta, edictales leges, generales leges, constitutiones ad omnes, et encore, surtout dans la période suivante, leges perpetuo valituræ ou perpetuæ ;

2° Rescripta, dans le sens étroit: ce sont simplement des réponses à des mémoires, à des questions; ils se subdivisent en,

a. Sanctiones pragmaticæ;

b. Epistolæ;

c. Simples subscriptiones, subnotationes et adnotationes;

3o Mandata, instructions à des fonctionnaires impériaux ;

4° Decreta, sentences impériales sur des procès, appelées tantôt decreta dans le sens strict, tantôt interlocutiones.

Beaucoup de ces constitutions impériales nous sont parvenues dans leur forme originale, surtout par les recueils de constitutions, codices constitutionum, dont nous parlerons dans la période sui

vante.

teurs,

S 24.

Destinée des edicta magistratuum.

Les edicta magistratuum, surtout ceux des préne rencontrèrent pas d'obstacles dans la nouvelle constitution impériale. Non-sculement ils continuèrent tranquillement leur marche, mais ils devinrent même de plus en plus importants sous un double rapport; soit en ce que leur étendue s'accrut au point d'embrasser presque toutes les matières, soit en ce que, par la fusion des trois édits, urbanum, peregrinum et provinciale, la distinction entre le jus civile et le jus gentium alla s'effaçant chaque jour davantage, et que par là le droit rómain prit de plus en plus un certain caractère d'universalité.

En effet, jusqu'alors tous ces édits étaient restés distincts en la forme, quoiqu'au fond, d'après lá direction générale du droit romain de cette époque, ils se rapprochassent beaucoup l'un de l'autre. Mais depuis Adrien et Marc-Aurèle cette séparation formelle disparut aussi. Cette innovation coïncide historiquement avec le changement important que l'empereur Adrien introduisit dans les rapports entre

Rome et l'Italie. Il partagea toute l'Italie en deux divisions: la ville de Rome avec sa banlieue, et quatre districts. Les magistrats antérieurement établis à Rome ne conservèrent leur action que sur la ville de Rome même et sa banlieue, et ce fut à ce ressort que fut bornée dorénavant la juridiction du préteur, tandis que des fonctionnaires, sous le nom de consulares, et depuis Marc-Aurèle sous celui de juridici, furent institués pour les autres districts (1). A cela se rattacha vraisemblablement une mesure trèsféconde en conséquences que prit Adrien relativement aux édits prétoriens, quoique dans l'insuffisance de nos sources on ne sache pas au juste en quoi elle consistait. Il chargea Salvius Julianus, alors préteur désigné, de réunir en un seul tout, en suivant un certain ordre de matières, l'édit du prætor peregrinus et celui du prætor urbanus, après les avoir révisés, pour en éliminer beaucoup de dispositions surannées et concilier beaucoup de dispositions contradictoires. Dans ce travail plusieurs règles utiles furent, sans doute, empruntées à l'edictum provinciale; vraisemblablement aussi l'édit des édiles y fut annexé comme appendice, après avoir subi une nouvelle révision. Cet édit ainsi complété, qui fut appelé ensuite par excellence l'edictum perpetuum, fut, par les ordres d'Adrien, non-seulement exposé à Rome, mais encore

(1) Fragm. Vatic., § 232.

au

publié dans les provinces, comme une instruction pour tous les fonctionnaires judiciaires, moyen d'une constitution directement émanée de l'empereur, dans les provinces impériales, et au moyen d'un sénatus - consulte provoqué par lui, dans les provinces du sénat.

De cette manière l'administration de la justice fut heureusement simplifiée pour tout l'empire; par là aussi le droit romain acquit plus d'unité et d'uniformité. Cette explication, qui ne repose, il est vrai, que sur des conjectures, n'est point contrariée par la circonstance que des additions furent encore faites à l'édit après le travail de Julien; car, à côté de cette refonte des anciens édits, le droit de publier un nouvel édit pouvait fort bien et devait même subsister encore pour l'avenir tant à Rome que dans les provinces. Bien plus, d'après ce qui avait été prescrit expressément par Adrien, les lacunes qui pouvaient encore se rencontrer devaient être remplies à la manière accoutumée. Mais il est facile de comprendre que, dès ce moment, avec une masse si considérable et si complète de dispositions édictales, et après un si grand changement dans la position du préteur de Rome relativement à l'Italie et au reste de l'empire, la publication de nouveaux édits devint de plus en plus rare, et cette source du droit diminua peu à peu et finit par tarir entièrement. Cet édit d'Adrien en acquiert désormais d'autant plus d'importance, et se présente comme la base principale du droit romain.

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