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nouvelle et importante source du droit, qui, d'après sa nature propre, tenait en quelque sorte le milieu entre les lois et les coutumes: car, bien que le pouvoir législatif du magistrat, limité à la durée de sa charge, le jus edicendi, fût le fondement de ces nouveaux principes de droit, c'était leur maintien, leur répétition dans une longue suite d'édits, qui leur imprimait le caractère de règles du droit fixes et permanentes. S'ils ont été rapportés au jus scriptum, c'est à cause de la forme de l'édit, puisque c'était par le moyen de l'écriture qu'ils étaient pu

bliés.

Dans ces circonstances, les edicta magistratuum, surtout ceux des préteurs, durent exercer une influence très-heureuse, en offrant le moyen de satisfaire en temps opportun aux besoins de droit qui se succédaient alors avec une rapidité extraordinaire, et la possibilité d'assurer à la jurisprudence une marche progressive, constante et uniforme.

Ce qui, d'ailleurs, distinguait particulièrement cette source du droit et donnait un caractère propre à ses résultats, c'était la circonspection, l'attention à ménager ce qui existait, commandée aux préteurs par leur position, et avec laquelle, sans porter la confusion dans l'ensemble du droit positif, ils procédaient à sa refonte et à son agrandissement, en mettant en harmonie les éléments anciens et nouveaux, et en parvenant, par cette voie conciliatrice, à rattacher les innovations exigées par l'équité,

æquitas, et les besoins du temps, l'æquum jus, aux principes rigoureux du droit primitif, le strictum jus. C'est par ce moyen que les préteurs résolurent le difficile problème d'aider le droit civil, adjuvare, vel supplere, vel corrigere jus civile, propter utilitatem publicam, et sous ce point de vue, le jus prætorium est souvent opposé au reste du droit, au jus civile.

C'est encore ainsi que furent posés les fondements du jus gentium, surtout par le prætor peregrinus, qui avait à s'occuper des procès entre peregrini, ou entre peregrini et Romains, et que, d'un autre côté, le prætor urbanus emprunta beaucoup à ce jus gentium, pour donner plus d'extension au jus civile proprement dit.

Maintenant, si nous suivons les edicta magistratuum, le jus honorarium, comme on le nomme d'après ses auteurs, dans leurs diverses formes : edictum prætorium, urbanum, peregrinum, ædilicium, provinciale, etc., aucune autre source ne peut être comparée à celle-ci pour la richesse, surtout quant au droit privé proprement dit et à la procédure civile, auxquels elle se bornait à peu près exclusivement, d'après sa nature.

Ce qui nous est parvenu des edicta magistratuum se rattachera plus convenablement à la période suivante.

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Responsa prudentium.

Il n'y avait pas encore dans cette période une profession de juristes, formant un corps privilégié, nous la verrons s'établir dans la période suivante. Mais, dès à présent, depuis que, d'un côté, les matériaux du droit romain commençaient à s'augmenter, surtout par l'alliance du jus gentium avec le jus civile, et que, d'un autre côté, on éprouvait vivement le besoin de développer et de perfectionner, par l'interprétation, un système de droit qui présentait encore beaucoup de lacunes, il ne manquait pas d'hommes, souvent des plus distingués par leur position dans l'État, qui se consacraient, avec un zèle particulier, à l'étude du droit, de la juris civilis scientia, afin de bien mériter de leurs concitoyens en mettant leurs connaissances au service de tous ceux qui venaient les consulter. On les appelait, à cause de cela, juris consulti, jure consulti, consulti, juris prudentes, prudentes.

A la vérité, on ne voit pas encore, du moins jusqu'à la fin de cette période, que le droit romain fût l'objet d'une élaboration scientifique proprement dite, tendant à lui donner une forme systématique ; l'affaire principale de ces jure consulti n'était encore que l'activité professionnelle d'un praticien, d'un avocat, qui donne à ceux qui recourent à lui des directions pratiques pour les affaires qu'ils ont à

traiter, et des avis sur le droit à appliquer aux cas particuliers sur lesquels ils le consultent, cavere, scribere, respondere. Cependant, précisément à cause de la direction pratique de leurs travaux, les juristes durent inévitablement être frappés des nombreuses lacunes qu'offrait encore le droit positif. Ils cherchèrent alors à les remplir, autant que possible, par l'interprétation, le perfectionnement du jus civile existant, et par des déductions conformes à son esprit. Ce fut là l'origine de plusieurs nouveaux principes de droit, dont l'auctoritas, comme receptum jus, se fondait, et sur la considération personnelle des prudentes, dont elles émanaient, et sur ce qu'elles ne contenaient, du moins pour la plupart, rien qui fût proprement nouveau, mais seulement des développements du jus civile déjà reconnu, des conséquences logiques de ce droit. De là la dénomination de jus civile dans le sens étroit, appliquée, par excellence, au produit de ces travaux, aux responsa prudentium; ils furent alors pour le droit civil ce que les edicta magistratuum furent pour le droit des gens. La raison pour laquelle les responsa prudentium, considérés comme une source du droit, furent rangés, par la suite, dans le jus scriptum, tient à la direction particulière que prit plus tard cette sonrce du droit, et à la forme de rédaction écrite qui fut donnée alors à ces réponses; car à l'époque actuelle elles appartenaient encore certainement au jus non scriptum.

Les prudentes dont les noms suivent méritent

d'être cités, même comme auteurs d'ouvrages sur la jurisprudence Appius Claudius, Cn. Flavius (jus flavianum), Tiberius Coruncanius, Ælius Catus, M. Portius Caton l'ancien ou le censeur, et M. Portius Caton son fils, P. Mucius Scævola, M. Junius Brutus, Manilius, Q. Mucius Scævola, Hostilius, L. Crassus, Servius Sulpitius, Alfenus Varus, Ofilius, etc. Cependant leurs productions comme écrivains se bornèrent presque uniquement, ainsi qu'on le comprend facilement d'après l'état de la science du droit à cette époque, à rassembler, mettre en ordre et publier des formulaires pour les affaires de toute espèce, actiones componere, dans cette acception particulière du mot. On nous dit seulement de quelques-uns, qu'ils tentèrent de faire du droit un ensemble systématique, une science. De ce nombre sont: Q. Mucius Scævola, Servius Sulpitius, Ofilius. Il ne nous est rien parvenu de leurs ouvrages dans leur forme originale, et nous n'avons même, sur leur personne et sur le sujet de leurs livres, que quelques renseignements indirects; ce qui s'explique, il est vrai, très-facilement, parce que l'autorité des jurisconsultes postérieurs, beaucoup plus grande, à tous égards, dut effacer leur renommée.

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Coutumes.

De ce qui vient d'être dit, il résulte que le jus

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