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CHAPITRE III.

THEORIE DE LA TUTELLE ET DE LA CURATELLE (1).

S 162.

Sous quelque face que nous considérions, soit les deux espèces de tutelle, soit les plus importantes espèces de curatelle, leur étroite liaison avec la familia est toujours leur trait caractéristique en droit romain. En effet, les plus anciens et les plus importants des modes par lesquels elles sont déférées, la délation par testament et la délation par la loi, tiennent immédiatement à la puissance paternelle et à l'agnation, comme des droits qui en émanent; et, en outre, la tutelle et la curatelle étaient une institution juridique, destinée à remplacer, sous certains rapports, la puissance paternelle là où elle n'avait pas lieu.

Dans le nouveau droit, depuis le changement frappant survenu dans l'ancien caractère de la tutelle et de la curatelle, le relâchement de plusieurs des liens originaires qui unissaient ces institutions à

(1) Je dois répéter ici l'observation que j'ai faite sur le § 71, p. 170, savoir que les Allemands expriment à la fois la tutelle et la curatelle par un mot générique Vormundschaft, qui n'a pas d'équivalent en français, ce qui m'a souvent obligé à employer des périphrases.

(Note du traducteur.)

la familia, dans le sens strict, a rendu plus apparent un autre lien qui les rattache aux rapports de famille en général. Nous voulons parler de cette tendance de la tutelle et de la curatelle vers le plus grand bien de la personne qui en est l'objet, qui fait considérer, en quelque sorte, celui qui en cst chargé comme un père donné par la loi, tendance qui prend sa source dans le jus gentium, et qui domine toute la nouvelle législation romaine.

Il en est de cette institution comme des autres rapports de famille et de parenté, qui, dans le nouveau droit, sont de plus en plus sortis du cercle des droits purement unilatéraux, pour entrer dans celui des droits et devoirs réciproques.

Elle conserve encore maintenant, dans cette nouvelle direction, le caractère d'un rapport de famille, et peut, même quand elle n'a pas pour base une vraie parenté, se comparer, sinon à un droit artificiellement imité du jus ou de la potestas appartenant à une personne sur une autre, du moins à une relation de paternité artificielle, instituée dans l'intérêt de la personne qui a besoin de protection.

Comme les diverses obligations qui, dans le fait, résultent de la tutelle et de la curatelle, dans le nouveau droit, n'en sont que la conséquence naturelle et non le but, il s'ensuit que, quand il s'agit de déterminer la place qu'elles doivent occuper dans le système du droit romain, le principe d'obligation doit s'effacer et rester dans l'ombre, si l'on ne veut pas que

cette institution protectrice perde en partie ce caractère de pure humanité qu'elle doit, autant que possible, conserver dans toutes les législations positives.

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$ 163.

Notion générale de la tutelle et de la curatelle.

Inst., lib. I, tit. 13, De tutelis.

Dig., lib. XXVI, tit. 1, De tutelis.

Lorsqu'un citoyen romain ayant besoin de l'assistance d'autrui ne se trouvait pas, en qualité d'homo alieni juris, actuellement soumis à la puisau droit d'une autre personne, alors se faisait sentir la nécessité d'une autre institution qui vînt, à défaut de la première, remplir ce but.

sance,

C'est de ce point de vue que le droit romain considère la tutelle et la curatelle comme une institution destinée à servir de complément aux pouvoirs de famille, et ayant pour objet une survcillance privée de certains homines sui juris.

Cette tutelle, cette curatelle n'étaient, à la vérité, jamais un véritable jus, une potestas dans le sens propre.

De là la conséquence qu'elles pouvaient, contrairement aux principes du jus sur des personnes libres, non-seulement appartenir à plusieurs per

sonnes en même temps sur le même individu, mais

encore appartenir à des personnes actuellement alieni juris.

De là cette autre conséquence qu'elles ne rendaient pas homo alieni juris celui qui y était soumis, et n'établissaient aucune incapacité juridique de contracter entre le tuteur ou curateur et la personne confiée à son administration.

Cependant, chose étrange à nos yeux, mais pourtant facile à expliquer d'après l'esprit qui animait alors l'ensemble du droit de famille, la tutelle et la curatelle avaient originairement le caractère d'un droit utile au tuteur ou au curateur lui-même, qui l'exerçait dans son propre intérêt, comme héritier ab intestat présomptif de la personne administrée, plutôt que le caractère d'une institution destinée à pourvoir aux intérêts de cette dernière personne. Ce ne fut que peu à peu, et dans le cours des temps, que cette manière de voir primitive fut remplacée par l'idée d'une charge publique à laquelle se rattachaient une responsabilité considérable et des devoirs rigoureux.

Tout cela s'applique à la tutela, comme à la cura; elles ont, en général, plusieurs règles communes. Toutefois il y eut de tout temps un point qui distinguait essentiellement la tutelle de la curatelle. C'était l'auctoritatis interpositio, attribution importante et éminemment caractéristique qui ne pouvait appartenir qu'à un tutor et jamais à un curator.

Deux classes de personnes se trouvaient originai

rement sous la tutelle : à raison de l'âge, les impubères, et à raison du sexe, les femmes pubères.

Les divers cas qui rendaient la curatelle nécessaire seront énumérés plus bas.

1. DE LA TUTELLE DES IMPUBÈRES.

S 164.

Détermination de la personne du tuteur.

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Inst., lib. I, tit. 14, Qui testamento tutores dari possunt; til. 15, De legitima agnatorum tutela; — tit. 17, De legitima patronorum tutela; tit. 18, De legitima parentum tutela; tit. 19, De fiduciaria tutela; - tit. 20, De Atiliano tutore et eo qui ex lege Julia et Titia dabatur. Dig., lib. XXVI, tit. 2, De testamentaria tutela; -- til. 3, De confirmando tutore vel curatore; - tit. 4, De legitimis tutoribus; til. 5, De tutoribus et curatoribus datis ab his qui jus dandi habent;―tit. 6, Qui petant tutores et curatores et ubi pétantur.

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Cod., lib. V, tit. 28, De testamentaria tutela; - tit. 29, De confirmando tutore; tit. 30, De legitima tutela; tit. 31, Qui petant tutores vel curatores ; — tit. 32, petantur tutores vel curatores.

Ubi

En vertu d'un principe fort ancien du droit civil, les citoyens romains sui juris, mais non encore pubères, non encore perfectæ ætatis, étaient, comme pupilli, dans la nécessité de recevoir un tuteur.

Quant à ce qui concerne la détermination de la

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