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De la negatoria actio en particulier.

Même sans retenir la possession, on peut violer, troubler la propriété d'autrui, au moins partiellement, quand on méconnaît sa liberté naturelle et son caractère exclusif, en apportant des obstacles à son exercice sans raisons particulières qui vous y autorisent.

Le propriétaire a, pour se préserver de ces sortes de troubles, la negatoria actio, sorte de vindicatio libertatis rei, contre tout tiers qui élève injustement des prétentions restrictives de la propriété.

Elle tend à faire reconnaître que la propriété est libre de la restriction, de la charge, que le demandeur conteste et nie.

Elle a donc pour but principal de faire cesser tout trouble ultérieur, pour but accessoire la réparation du dommage que le demandeur a déjà éprouvé par les usurpations antérieures du défendeur.

Quoique l'action tende à la reconnaissance de la liberté de la propriété, cependant le demandeur n'a, en général, à prouver que l'existence de la propriété, parce que la liberté, comme l'état naturel et régulier de la propriété, est légalement présumée jusqu'à ce que le contraire soit prouvé.

Les deux actions, la rei vindicatio, comme la negatoria actio, quoiqu'elles ne compétent directo

qu'au dominus, peuvent cependant être intentées utiliter par plusieurs autres personnes, à qui elles ont été accordées par extension.

$ 92.

De la publiciana in rem actio.

Dig., lib. VI, tit. 2, De publiciana in rem actione.

La rei vindicatio, comme la negatoria actio, suppose le dominium déjà acquis de la part du demandeur. Conséquemment, celui qui est seulement sur la voie d'acquérir le dominium est encore en dehors de la protection de ces actions: cela est vrai même de celui qui a acquis, bona fide et justo titulo, la possession juridique d'une chose susceptible d'usucapion; car, bien qu'il puisse devenir propriétaire par l'usucapion, cependant il reste, jusqu'à l'usucapion accomplie, simple civilis possessor. Cependant le préteur est venu à son secours et l'a traité par anticipation, au moyen d'une fiction, comme si l'usucapion était achevée et la civilis possessio convertie en dominium, en lui accordant une in rem actio, qui, du moins plus tard, reçut l'épithète de publiciana. (Voy. ci-dessus, § 80.)

Elle poursuit le même but que la rei vindicatio, à l'imitation de laquelle elle est formée, et elle sup

pose toujours que le civilis possessor ayant perdu la possession de la chose, cette chose est retenue par un tiers possesseur.

Seulement il y avait, d'après l'ancien droit, une grande différence entre les deux cas d'usucapion auxquels la publiciana in rem actio était destinée.

En effet, quand c'était celui qui avait la chose in bonis qui l'intentait, cette action était, malgré sa nature prétorienne, aussi efficace que la rei vindicatio, parce que le demandeur était réellement, au fond, propriétaire, et que, malgré la coexistence du dominium ex jure Quiritium persistant dans la personne de celui qui avait livré la chose, l'exceptio justi dominii qui en résultait pour le défendeur pouvait être paralysée par la replicatio rei vendita et traditæ.

Ce cas ne se présente plus dans le nouveau droit romain; on n'y connaît plus que le cas que nous avons qualifié ci-dessus (§ 80) de bonæ fidei possessio dans le sens étroit. Ici, comme le demandeur n'a réellement pas encore la propriété, mais que seulement, en l'honneur de son usucapion commencée, une sorte de propriété est feinte en sa faveur, tandis qu'en même temps le dominium plein et entier subsiste réellement au profit d'un autre, on conçoit que sa publiciana in rem actio ne soit pas dirigée aussi efficacement contre tout tiers possesseur que le serait la rei vindicatio. Elle ne peut être intentée avec effet ni contre le dominus, parce

qu'il a un droit plus fort (1) que le bonæ fidei possessor, et qu'il a, en réalité, ce que ce dernier n'a qu'en fiction, ni contre un tiers possesseur qui possède également civiliter, et qui est aussi protégé par la même fiction de propriété que le précédent possesseur (2). Au contraire, celui qui ne possède pas civiliter, qui a ainsi un droit plus faible, doit restituer la chose au demandeur et le reconnaitre comme un dominus sous ce rapport.

Naturellement le demandeur doit toujours prouver, comme fondement de son action, la circonstance sur laquelle repose la fiction de la publiciana in rem actio, savoir qu'avant qu'il eût perdu la chose il la possédait civiliter.

(1) Il ne peut toutefois faire valoir ce droit que par l'exceptio justi dominii. (Note du traducteur.)

(2) Cela n'est vrai, et encore seulement suivant quelques jurisconsultes, qu'autant que les deux plaideurs ont reçu la chose de deux personnes différentes: s'ils la tiennent de la même personne, la préférence appartient à celui qui a été mis en possession le premier; décision que quelques jurisconsultes appliquent même au premier cas. (Note du traducteur.)

CHAPITRE III.

THÉORIE DES Droits réels sur une chose apPARTENANT

A AUTRUI.

S 93.

Notion générale des jura in re aliena.

La propriété, quoique naturellement sans limites, ce qui forme précisément son caractère, est, par exception, susceptible de restrictions très-importantes (voy. ci-dessus, § 77). Ainsi il n'est point contraire à l'essence de la propriété que, de la somme de tous les droits exclusifs possibles, qui régulièrement appartiennent au propriétaire sur sa chose, quelquesuns, en nombre plus ou moins grand et même quelquefois très-considérable, puissent être détachés et transférés à un autre.

Cependant, si cette translation à un autre n'a lieu que par l'établissement d'un rapport d'obligation entre le propriétaire et ce dernier, il n'y a alors qu'en apparence, et non en réalité, séparation de ces droits d'avec la propriété; car celui à qui ils sont conférés, par exemple le locataire de la chose d'autrui, n'exerce les droits partiels de propriété qui lui sont concédés qu'au nom du propriétaire, auquel ils continuent, au fond, d'appartenir.

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