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périodes telles qu'elles sont établies et suivies ici tiennent uniquement et directement à l'histoire des sources, et elles se montreront d'elles-mêmes par leurs résultats; car toutes ces divisions chronologiques ont pour bases d'importants changements dans la constitution et l'histoire politique de l'État romain, changements qui ont produit soit des sources tout à fait nouvelles, soit des modifications dans les sources déjà existantes. Chaque période doit être précédée de quelques observations historiques générales sur la constitution politique à cette époque, qui seront très utiles pour faire connaître le véritable caractère des nouvelles sources du droit qui en auront surgi. Toutefois ces observations ne peuvent et ne doivent être que de courtes indications, de simples renvois à l'histoire générale du peuple et de l'État romain qui sera supposée connue.

PREMIÈRE période.

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'A LA rédac

TION DE LA LOI DES DOUZE TABLES INCLUSIVEMENT.

$ 12.

Traits fondamentaux de la constitution politique.

Quoique les renseignements qui nous sont parvenus sur la plus ancienne constitution politique et juridique de Rome renferment beaucoup de contes

populaires, et que ce soit un problème historique des plus difficiles à résoudre que de séparer, dans cet amas confus, ce qui est historiquement vrai de ce qui a été inventé ou défiguré, cependant les traits fondamentaux qui vont être exposés paraissent présenter, dans leur généralité, le caractère de la vérité.

L'État romain était monarchique, en tant qu'il avait à sa tête un roi, rex, nommé à vie, dans les mains duquel étaient concentrés les pouvoirs politiques les plus essentiels. Mais l'idée d'une puissance plus élevée, appartenant au peuple, et dont le roi était en quelque sorte le représentant, ressortait déjà de la constitution politique de ce temps-là; car, indépendamment de ce que le roi était élu par le peuple, on aperçoit aussi de bonne heure des traces sensibles d'une modération du pouvoir royal, au moyen de deux divisions du peuple, senatus et populus, qui prenaient place à côté du roi, pour lui apporter, dans le gouvernement de l'État, nonseulement une assistance et des conseils, mais encore un contre-poids et des limites, puisque dans leurs mains résidaient la plus haute puissance législative, et peut-être aussi la plus haute puissance judiciaire. Seulement, comme dans toutes les constitutions encore grossières et peu avancées, les éléments populaires, destinés à restreindre le pouvoir royal, n'avaient pas eux-mêmes de bornes nettement déterminées; aussi la personnalité du roi avait une grande importance.

La cause de la lutte qui dura si longtemps entre les deux principes, aristocratique et démocratique, du gouvernement populaire était également fort ancienne. Sans doute la constitution originaire ne laissait pas encore ressortir dans toute sa force l'opposition qui sépara plus tard, presque comme deux castes, les patriciens et les plébéiens, dont les premiers, plus puissants et plus riches, cherchèrent à s'approprier exclusivement tout le pouvoir populaire. Cependant les germes de cette opposition existaient sûrement dans la première organisation de l'État, et ne firent que se développer davantage dans la suite des temps. D'un autre côté, le rapport juridique des deux classes ne pouvait qu'être sans cesse flottant et chancelant, parce que les rois, suivant que leur politique l'exigeait, tantôt soutenaient les prétentions des patriciens, tantôt aussi, et peutêtre plus souvent, cherchaient à se fortifier contre l'ambition incommode des patriciens, en favorisant les plébéiens.

Quoique nous ayons, en définitive, fort peu de notions précises à cet égard, le droit positif, originairement en vigueur dans l'État romain, ne semble pas avoir porté l'empreinte de ce caractère d'unité, qui apparaît plus tard comme sa qualité éminente; car l'absence d'unité d'origine, la forme de colonie sous laquelle l'État romain fut fondé, et la manière dont il s'agrandit par l'introduction d'étrangers et l'incorporation d'États voisins, entraînèrent, comme

une conséquence presque forcée, la réunion d'une foule d'éléments exotiques, puisés dans le droit particulier de races et de peuples divers, éléments dont le nombre fut encore augmenté par l'opposition tranchée d'un droit propre aux patriciens et d'un droit propre aux plébéiens : ce n'est que peu à peu que nous les voyons se fondre ensemble pour former un tout homogène.

L'État romain avait subsisté ainsi sous sept rois, pendant près de 250 ans, lorsque, par suite d'une révolution, dont l'histoire, quant à ses causes et à sa tendance, est demeurée enveloppée d'une profonde obscurité, le septième roi fut banni avec sa famille, et la constitution politique qui admettait l'autorité royale abolie pour toujours. A la place du rex furent établis dorénavant deux consules, pris dans l'ordre des patriciens, par la voie de l'élection, et qui, sauf quelques légères restrictions, réunirent en eux toute l'ancienne regia potestas. Seulement leurs fonctions ne duraient qu'un an, et, comme ils étaient investis tous les deux d'un pouvoir égal, l'autorité de l'un pouvait, dans un cas particulier, être paralysée par l'opposition de l'autre.

Maintenant, quoique cette nouvelle constitution portât le nom de libera respublica et présentat l'apparence extérieure d'un gouvernement démocratique, elle n'était cependant essentiellement qu'une pure aristocratie, et même sous des formes très-oppressives. Son organisation était, en effet,

combinée de manière que toute la puissance politique résidait exclusivement dans les mains des patriciens, qui en abusaient impitoyablement pour opprimer les plébéiens. De là, aussitôt après la révolution, le mécontentement des plébéiens, qui n'y avaient rien gagné, mais avaient plutôt perdu, dans le roi, leur protecteur naturel contre les prétentions des praticiens. De là, en outre, dès les premières années de la constitution consulaire, le commencement d'une longue série de combats intestins entre les orgueilleux patriciens et les plébéiens, qui, dans cette lutte, apprirent à sentir de jour en jour davantage leur force, et cherchèrent à s'émanciper politiquement et civilement, et à se poser comme un ordre indépendant, vis-à-vis des patriciens. Le premier fruit de cette lutte, qui fut couronnée du succès, fut d'arracher aux patriciens la création du tribunat, l'an 260 de la fondation de Rome; car, sous le nom de tribuni plebis, plebeii magistratus, les plébéiens obtinrent certains magistrats qui ne pouvaient être élus que dans la plebs, et par elle, et qui, d'abord, furent destinés à protéger les plébéiens contre les prétentions patriciennes, et, dans la période suivante, posèrent les bases d'une nouvelle source du droit.

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