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CHAPITRE II.

Ce que

THÉORIE DE LA propriété.

1. INTRODUCTION GÉNÉRALE.

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c'est que la propriété; ce qu'elle comprend naturellement et régulièrement.

La propriété est un droit réel, en vertu duquel une chose corporelle est soumise au bon plaisir d'une personne, qui, en règle générale, peut exercer sur elle son pouvoir d'une manière absolue, illimitée et exclusive (1).

Cette définition n'est point en contradiction avec les restrictions que la propriété peut recevoir, à plusieurs égards, par suite de rapports particuliers et pour divers motifs, lorsqu'un ou plusieurs droits sur la chose sont enlevés au propriétaire, détachés

(1) Il nous est impossible de conserver, sans la modifier, la défini→ tion de l'auteur, dont la traduction littérale serait : « La propriété est « ce droit réel, qui appartient à celui qui en est investi, le propriétaire, << sur sa propre chose corporelle, et soumet cette chose à sa domina« tion si complétement, que, en règle générale et dans le doute, elle dépend entièrement de la volonté du propriétaire, et l'autorise exclu<< sivement à en disposer de toute manière. » (Note du trad.).

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car cet

de la propriété et transportés à d'autres état incomplet de la propriété, cette absence de quelques-uns des droits élémentaires qui la constituent, se présente toujours comme exception à la règle. Cet état incomplet est, à la vérité, possible; mais, précisément parce qu'il n'est qu'un écart de la règle, la présomption est contre lui; tandis que, au contraire, l'état illimité de la propriété, comme étant la règle générale, a la présomption pour lui. C'est un principe dont les conséquences importantes se montreront plus loin.

La cause de ces limitations de la propriété peut varier beaucoup; elle peut se rencontrer soit dans des dispositions générales de la loi, qui, une fois pour toutes, par de hautes considérations, mettent des bornes à certains modes d'exercice de la propriété, soit dans des rapports particuliers et individuels.

D'après l'idée naturelle de la propriété, telle que nous l'avons exposée, une énumération plus spéciale des divers droits réels qui y sont renfermés ne semble pas nécessaire; car, tant qu'une exception particulière ne peut être prouvée, elle comprend toutes les manières possibles d'agir sur la chose, tous les droits possibles, et cela avec un caractère exclusif. Néanmoins, soit pour faciliter l'analyse de la matière, soit par d'autres motifs, on cherche ordinairement à ramener tous les droits élémentaires qui constituent la propriété à trois

classes principales qui, à la vérité, rentrent, à plusieurs égards, les unes dans les autres.

1o Le droit de jouissance, c'est-à-dire de faire servir la chose à tous les usages possibles, d'en recueillir tous les fruits ou produits, jus utendi et fruendi.

2o Le droit de libre disposition, ce que les modernes appellent jus disponendi, c'est-à-dire le droit qu'a le propriétaire non-seulement d'agir physiquement sur la chose à sa volonté, d'en changer la forme extérieure, de la dénaturer, mais encore d'en disposer juridiquement en renonçant à sa propriété en tout ou en partie, en aliénant la chose (1).

3o Le droit à la possession, c'est-à dire à la détention corporelle paisible de la chose, comme moyen physique nécessaire pour pouvoir exercer complétement la propriété.

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De la possession en particulier.

Dig.,lib. XLI, tit. 2, De adquirenda vel amittenda possesionc. Cod., lib. VII, tit. 32, De adquirenda et retinenda possessione.

Posséder une chose, possidere, tenere, c'est, en général, tenir sous notre puissance une chose

(1) Le propriétaire peut aussi abdiquer sa propriété simplement, sans se donner un successeur, sans aliéner. (Note du traduct.)

corporelle, de manière qu'elle soit entièrement soumise à notre domination physique. On comprend que cet état de détention corporelle, de possession naturelle ne peut commencer que par un fait exté– rieur, propre à fonder d'une manière durable cette possibilité d'agir physiquement sur la chose, à sa volonté ; par la même raison, cet état de possession ne dure qu'aussi longtemps que quelque changement de fait ne vient point mettre le possesseur dans une position où il lui devient physiquement impossible d'agir désormais exclusivement sur la chose, à son gré, par lui-même ou par d'autres. Possessio facto seu corpore adquiritur. Possessio facto seu corpore contrario, in contrarium acto amittitur.

Comme la possession est un moyen extérieur nécessaire à l'exercice de la propriété, elle tombe dans la sphère du droit et a un sens juridique, quoiqu'en elle-même, et d'après son essence originaire, elle soit un simple fait. C'est aussi une conséquence de l'idée de la propriété exposée plus haut, que le propriétaire, comme tel, en règle générale, tant que, par exception, quelques motifs particuliers ne s'y opposent point, peut exiger la possession paisible de la chose, et la défendre par les voies de droit contre tout trouble. Sous ce rapport, la possession est à la propriété, comme l'élément matériel à l'élément légal, comme l'exercice du droit au droit lui-même; c'est le fait dans lequel le droit vient se réaliser.

Maintenant, de même que le propriétaire ne possède pas nécessairement toujours sa chose, et même n'a pas toujours le droit d'en exiger la possession, de même, réciproquement, on peut posséder une chose sans en être propriétaire, on peut posséder la chose d'autrui.

Cela peut arriver tantôt avec droit, tantôt sans droit, et le but du possesseur peut varier beau

coup.

S'il réunit à la détention naturelle de la chose l'intention de s'en attribuer en même temps la propriété, s'il veut ainsi exercer formellement le droit de propriété sur cette chose, sa possession prend un certain caractère juridique tout particulier; car le `droit romain rattache à tout exercice de fait de la propriété, abstraction faite de la question de savoir si le droit de propriété appartient véritablement ou non à celui qui l'exerce, certaines conséquences de droit, certains effets favorables au possesseur. C'est pourquoi on nomme une pareille possession, possession juridique, par opposition à la possession non juridique, c'est-à-dire au cas où quelqu'un a une chose corporellement en son pouvoir, mais sans l'intention de s'attribuer le droit de propriété.

Les Romains nomment, à la vérité, dans un sens large, toute possession possessio; mais, dans un sens étroit, rigoureux, technique, ils désignent, par l'expression possessio et possidere, seulement cette espèce de possession que nous appelons

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