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quelles formes et avec quelles restrictions peut-elle ou doit-elle être exercée? Ce sont des questions qui dépendent de la constitution particulière de chaque État. Ces lois peuvent, en outre, se rapporter aussi bien au droit public qu'au droit privé, puisque tous les deux se trouvent également sous la surveillance de l'autorité suprême. Enfin l'objet et l'étendue des lois peuvent aussi différer beaucoup à d'autres égards. A cela se réfèrent les divisions des lois en général, spéciales, permissives, impératives, prohibitives, etc.

Mais la volonté collective du peuple sur ce qui doit valoir comme droit peut aussi se manifester avec certitude dans le peuple lui-même immédiatement, sans l'entremise de la puissance législative; c'est ce qui a lieu lorsque, sans loi, la conviction sur l'existence d'une certaine règle de droit est si vive et si générale dans le peuple, qu'elle se produit au dehors par des actions non équivoques et par une exécution volontaire. On appelle alors une semblable règle de droit coutume ou droit coutumier, parce qu'on admet, non sans raison, que la persuasion générale de la force obligatoire d'une règle de droit est particulièrement nourrie et fortifiée par la pratique antérieure et l'habitude, par les précédents. Cependant il ne faut pas ici perdre de vue que la force obligatoire propre du droit coutumier n'a pas son fondement immédiat dans l'observation antérieure de la règle, longtemps, généralement, uniformément

continuée, mais dans la conviction vive et universelle qui règne sur ce point dans le peuple entier ou dans certaines classes du peuple, l'exécution, l'observation précédente de cette règle n'étant prise en considération que comme un moyen extérieur de reconnaître et de prouver cette conviction générale. D'où il suit qu'on peut imaginer un droit coutumier qui aurait existé de tous temps dans le peuple, et ne se serait pas formé peu à peu par la coutume. Du reste, la question de savoir qui a donné la première impulsion à ce qui est devenu depuis une coutume, c'est-à-dire de qui est émanée d'abord l'idée de droit, qui, insensiblement, s'est établie dans le peuple comme conviction de droit, cette question est indifférente pour la notion générale du droit coutumier, quoiqu'elle serve à expliquer historiquement, d'une manière très-naturelle, les formes variées que revêt ordinairement le droit coutumier. Si, d'après ce qui vient d'être dit, le droit établi par la coutume repose, comme le droit publié par des lois, sur la volonté générale, l'assentiment de tous, civium voluntas, consensus utentium, il ne ressemble pas moins au droit promulgué quant à ses effets. Mais, moins, dans un État, la puissance législative est fortement organisée, moins elle est active, et plus un vaste champ est naturellement laissé au droit coutumier. De là ce phénomène universel que la base originaire de tout droit positif est la coutume. Quand ensuite, plus tard, la puissance législative

se développe davantage, elle n'a plus qu'à venir en aide là où le droit coutumier ne suffit pas ou me nace de prendre une direction qui ne réponde pas complétement au but de la société civile. En effet, quoique le droit coutumier ne doive son origine et son développement qu'à sa bonté et à sa convenance au but de l'association, éprouvées par l'expérience, et qu'ainsi il ne soit pas permis de présumer qu'une règle inconvenante, impropre à atteindre ce but, puisse recevoir, par cette voie, la forme et le caractère de droit positif, cependant, sans aucun doute, il appartient à la puissance législative, d'après le rôle qu'elle joue dans l'État, de surveiller la marche du droit coutumier. En conséquence, elle peut non-seulement donner aux coutumes plus de fixité pour l'avenir au moyen de collections, mais encore changer, dans ce droit coutumier, par des lois, ce qui doit être modifié pour répondre au véritable but de la société et aux besoins de chaque époque.

Enfin les intérêts individuels dont l'accord produit cette conscience universelle du droit, caractère du droit coutumier, se lient beaucoup plus intimement au droit privé, d'après sa nature, qu'au droit public, dont les principes, fondés sur le bien général permanent, se trouvent souvent en collision avec les intérêts individuels apparents et transitoires des particuliers. Il n'est donc pas surprenant de voir que, dans les États les plus civilisés, on laisse au droit coutumier une bien plus libre carrière pour régler les rapports

de droit privé que pour coordonner les rapports de droit public, ces derniers étant plutôt abandonnés à l'action de la puissance législative.

$ 7.

De l'introduction d'un droit étranger ou de principes de droit étranger,

Plus la bonté du droit positif repose sur les résultats de l'expérience, plus il semble naturel qu'un peuple, dans le perfectionnement de son droit positif, mette aussi à profit les expériences étrangères, et s'approprie, du droit positif des autres peuples, ce dont ses rapports civils lui font sentir le besoin, tout en ayant pleinement la conscience de l'origine exotique des dispositions ainsi empruntées. Cette introduction peut, comme tout perfectionnement du droit positif, s'opérer, soit par la loi, soit par la coutume, et son opportunité dépend des rapports particuliers où ce peuple se trouve placé.

S 8.

Développements graduels, et abolition des préceptes du droit positif.

Comme les besoins d'un peuple auxquels le droit positif doit satisfaire varient avec les circonstances

et l'état de sa civilisation, cela fournit une explication très-naturelle de ce phénomène historique, que le droit positif ne reste jamais longtemps stationnaire, mais se perfectionne par de nouvelles lois ou par des coutumes, et se transforme peu à peu d'une manière marquée. En tant, donc, que les anciennes règles du droit sont en contradiction avec les dispositions des nouvelles lois ou coutumes, ces dernières méritent toujours la préférence, sous le rapport pratique, et le nouveau principe de droit supplante l'ancien. Jus posterius derogat priori.

III.

TRANSITION AU DROIT ROMAIN.

$ 9.

Remarques préliminaires sur la méthode.

Le droit romain, tel que nous le trouvons au commencement du vie siècle de l'ère chrétienne, c'est-à-dire dans les recueils de Justinien, est pour nous le plus important, sous le point de vue pratique, par des raisons que nous développerons plus loin. C'est aussi celui qui doit être le plus en relief d'après l'objet de ce cours; car l'époque de Justinien nous apparaît soit comme le point de mire auquel se rapporte l'exposition du droit des temps antérieurs,

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