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De l'exercice et de la garantie des droits.

Il résulte de l'idée naturelle, essentielle d'un droit, que celui qui l'a est aussi autorisé à l'exercer, et que dans le simple exercice de ce droit, renfermé dans ses limites, il ne peut jamais y avoir un tort, une injustice. C'est aussi une conséquence de la nature d'un droit, que les personnes qu'il oblige doivent le reconnaître, c'est-à-dire ne doivent pas le troubler, le violer.

C'est pourquoi la protection de la puissance publique dans l'État est toujours ouverte, sous un rapport quelconque, en faveur de celui à qui un droit appartient, quand son droit n'est pas reconnu, et, par conséquent, est troublé. Mais il est de règle qu'alors même qu'un droit nous appartient véritablement, il ne nous est pas permis de l'exercer de notre propre autorité et par voie de fait. Il résulte, au contraire, de l'idée générale que nous nous formons de l'État, qu'on ne peut faire valoir son droit méconnu et faire lever les obstacles qui s'opposent à son exercice qu'en invoquant le juge institué publiquement à cet effet et en obtenant son intervention. Plus un État est avancé dans son développement juridique, plus les cas exceptionnels où il est légalement permis de se faire justice à soi-même sont et doivent être rares. Ce résultat de l'expérience est aussi confirmé par l'histoire du droit romain.

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De la procédure civile en général.

A quel fonctionnaire public, comme juge compétent, devons-nous demander l'appui qui nous est nécessaire pour nos droits privés, quand ils sont troublés?

Dans quelle forme devons-nous invoquer cet appui ?

Comment le juge doit-il procéder, d'une part, pour assurer l'exercice de son droit à celui à qui il appartient véritablement ; d'autre part, pour repousser la prétention de celui qui réclame un droit qui ne lui appartient pas ?

Les principes qui fournissent la solution de toutes ces questions constituent la procédure civile: elle forme un tout complet, séparé du reste du droit privé, et qui n'est pas l'objet particulier de ce cours; mais la liaison naturelle qui existe entre elle et les autres branches du droit privé exige absolument que nous lui empruntions, au moins, tout ce qui est nécessaire pour l'intelligence des rapports juridiques privés et de leurs effets en tout sens. C'est dans cette vue que nous donnons une esquisse générale de la procédure romaine, et que nous en faisons ressortir plus particulièrement quelques parties principales qui tiennent plus intimement à l'essence du droit privé.

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De l'ordo judiciorum privatorum et des extraordinaria judicia.

Le caractère principal de la procédure civile des Romains, dans les anciens temps, était la division habituelle des fonctions judiciaires entre deux fonctionnaires distincts; ce qui partageait aussi la procédure elle-même en deux périodes séparées, le jus et le judicium; c'est cette division qui constituait l'ordo judiciorum privatorum.

Le procès était ouvert et préparé par le fonctionnaire public, le magistrat institué spécialement pour rendre la justice, dire le droit, le magistratus juri dicundo, appelé aussi magistratus tout simplement. Ce magistratus, devant lequel le procès commençait par la présentation de la demande posait, après avoir entendu les deux parties (le demandeur et le défendeur), le principe général de droit d'après lequel le cas particulier devait être décidé. Mais, avant que ce principe général pût être appliqué, il fallait démêler et vérifier les circonstances de fait, telles qu'elles étaient alléguées par les parties contendantes, et en tant qu'elles avaient quelque importance pour le jugement de l'affaire. Cet examen du point de fait était abandonné par le magistratus au judex (1), appelé aussi arbiter dans (1) L'auteur ajoute l'épithète pedaneus, à tort, suivant moi.

(Note du traducteur.)

certains cas, c'est-à-dire à une personne privée, nommée par lui, sur l'accord et le consentement des parties. Ce n'était qu'exceptionnellement que, dans certains procès, cette mission, au lieu d'être confiée à un seul judex ainsi nommé, était dévolue à plusieurs, par exemple aux centumviri ou à des recuperatores. Le juge, pour se conformer à l'instruction écrite, délivrée à cet effet par le magistrat, au moment même de la nomination de ce juge, devait examiner le cas qui lui était soumis, et, après les preuves et les débats terminés, décider la contestation par la prononciation du jugement,

sententia.

Quand, par exception, extra ordinem, un juge n'était pas nommé, mais que le magistrat lui-même connaissait, examinait, décidait tout, le procès s'appelait alors extraordinarium judicium, extraordinaria cognitio.

Dans le cours des temps, la nomination d'un judex devint de plus en rare; la procédure extra ordinem, devant le magistratus, de plus en plus fréquente, jusqu'à ce qu'enfin, à une époque qu'il n'est pas possible de bien préciser, qui arriva probablement sous Dioclétien ou bientôt après, mais qui, dans tous les cas, est de beaucoup antérieure à Justinien, l'ordo judiciorum privatorum disparut complétement, et tous les judicia devinrent ainsi extraordinaria. Néanmoins, l'ancienne division du procès en deux périodes, le jus et le judicium,

continua de subsister dans ses conséquences essentielles, quoiqu'elle ne fût plus aussi apparente qu'elle l'était auparavant par le changement de la personne qui y présidait.

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De l'introduction du procès par l'action.

Inst., lib. IV, tit. 6, De actionibus.

Dig., lib. XLIV, tit. 17, De obligationibus et actionibus. Cod., lib. IV, tit. 10, De oblig. et act.

A toute époque, le procès était introduit et ouvert par l'action.

Originairement cela se faisait dans la forme des legis actiones, dont on nous nomme cinq espèces : le sacramentum, la judicis postulatio, la condictio, la manus injectio et la pignoris capio.

C'étaient des formes d'actions exactement calquées sur les termes de la loi, et consistant dans des actes et des paroles symboliques, soit des deux parties, du demandeur et du défendeur, soit du magistrat, qui servaient à préciser l'objet litigieux, et à préparer, devant le magistrat, l'acheminement du procès au judicium proprement dit.

Toute contravention, même la plus légère, à l'une des formes légalement prescrites, entraînait inévitablement la perte du procès.

Cette rigueur exagérée paraît avoir été la cause principale de l'abolition de ces legis actiones, qui, sauf quelques cas d'exception, furent supprimées

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