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Et, enfin, un fait déterminé, auquel, d'après les principes juridiques, se lie l'acquisition du droit, soit comme nouvellement créé, soit comme dérivé d'une personne qui en était précédemment investie.

S 41.

Des différences et des divisions des droits, d'après leur étendue et leur objet.

Les divisions des droits les plus générales et les plus tranchées sont celles qui ont lieu d'après leur étendue et leur objet.

I. D'après leur étendue, lorsqu'on demande contre qui ils compétent. Tous les droits doivent, à la vérité, suivant leur nature essentielle, être dirigés contre quelqu'un, c'est-à-dire que quelqu'un doit être obligé par là; mais selon que cette obligation porte sur tous les hommes avec lesquels celui à qui le droit appartient peut se trouver de quelque manière en contact, ou seulement sur une certaine personne, les droits sont ou absolus, obligatoires généralement, ou seulement relatifs, personnels, c'est-à-dire limités à une personne déterminée.

II. D'après leur objet, lorsqu'on demande à quoi ils tendent, sur quoi ils reposent. Cet objet du droit peut être ou une personne, ou une chose, ou une action.

A. Les droits qui nous compétent sur une personne peuvent se concevoir de deux manières.

1o Comme des droits qui nous appartiennent immédiatement sur notre propre personne. En effet, l'État nous reconnaît et nous garantit certaines propriétés, certaines qualités personnelles, qui sont très-importantes pour nous, parce qu'elles sont, plus ou moins, les conditions de notre capacité de droit. Comme c'est précisément sur la reconnaissance générale de ces qualités qui nous sont propres que repose notre personne, c'est-à-dire notre personnalité, il en résulte que notre personne forme l'objet particulier de ces droits, et en demandant qu'on reconnaisse ces droits nous demandons qu'on reconnaisse notre personne. A ceci se rapportent notamment, en droit romain, les jura status, et en partie aussi les jura familiæ.

2o Comme des droits qui nous appartiennent sur une personne étrangère, c'est-à-dire sur un autre homme qui n'est pas, comme l'esclave, servus, considéré seulement comme une chose (1), par conséquent sur un homme libre. En effet, l'État reconnaît et garantit certains rapports de famille, en vertu desquels une personne obtient sur certaines autres personnes une puissance, une domination plus ou moins rigoureuse, de manière que

(1) Ceci n'est pas exact: l'esclave n'était pas considéré seulement comme une chose, mais aussi comme une personne : il figure, et avec raison, dans toutes les divisions des personnes, notamment parmi les personnes alieni juris, dont il va être question dans cet alinéa.

(Note du traducteur.)

par là ces personnes sont par le fait soumises, dans leur propre personne, au droit du chef de famille. Ces pouvoirs de famille ont véritablement pour objet la personne, et non pas seulement une certaine série d'actions et de prestations de la personne assujettie c'est ce que prouve la circonstance que, là où, comme dans l'ancien droit romain, ces pouvoirs de famille régnaient dans toute leur rigueur la personne et la personnalité de celui qui y était soumis disparaissaient, dans le fait, presque entièrement tel était aussi le point de vue sous lequel les Romains considéraient ces pouvoirs de famille, comme le démontre de la manière la plus précise l'expression personæ alieno juri subjectæ, par laquelle on désigne les personnes qui, dans la famille, occupent une place subordonnée, ainsi que l'expression jus ac potestas in capite libero (1). La dénomination qui convient le mieux à ces droits est celle de jura potestatis.

B. Nous pouvons avoir des droits non-seulement sur des personnes (notre personne ou une personne étrangère), mais encore sur des objets extérieurs, qui ne sont pas des personnes, et ces objets extérieurs entrent alors dans nos biens, dans notre patrimoine. Mais cela peut se concevoir de deux manières.

(1) C'est mal à propos que l'auteur rapporte à des personnes alieni juris cette expression, que les jurisconsultes romains appliquaient au pouvoir du tuteur sur le pupille, personne sui juris.

(Note du traducteur.)

1o Des choses, dans le sens strict, peuvent former l'objet de nos droits, en ce sens que ces choses sont, directement et immédiatement, plus ou moins soumises à notre domination et à notre volonté juridique. Les droits de cette espèce s'appellent jura in re, droits sur les choses, droits réels.

2o Des actions et prestations déterminées d'autres personnes peuvent aussi former l'objet de notre droit, en ce sens que notre domination et notre volonté juridique s'appliquent, non à une chose déterminée, mais seulement à des actions et prestations que nous sommes autorisés à exiger d'autres personnes à notre avantage. Les droits dont il est ici question se distinguent des droits résultant des rapports de famille ci-dessus mentionnés, en ce qu'ils ne constituent pas un pouvoir sur la personne, comme telle, qui fasse disparaître en partie son indépendance et sa capacité de droit; mais qu'ici l'obligé, sauf ces actions et prestations, demeure dans sa pleine indépendance, et peut, en exécutant l'action, la prestation due, mettre fin complétement au droit qui l'obligeait jusque-là. Ces droits, sur certaines actions et prestations d'autres personnes, s'appellent obligationes, créances, ou bien aussi droits personnels, parce que ce sont les seuls droits auxquels réponde l'obligation d'une personne déterminée. Ils appartiennent au droit qui concerne les biens, le patrimoine, parce que ces créances ne peuvent avoir pour objet que des prestations qui

ont pour le créancier un intérêt appréciable, et peuvent être ramenées à une estimation en argent, comme la représentation la plus générale des valeurs qui composent notre patrimoine.

A la vérité, ces divers droits, malgré leur différence intime, tenant à la différence de leurs objets, rentrent, à certains égards, l'un dans l'autre, et sont dans une dépendance mutuelle; par exemple, les jura potestatis peuvent aussi conduire indirectement à des droits sur les biens. Mais ce n'est point là une objection contre cette division; car c'est une suite naturelle de ce que le droit, en général, forme un tout organique qui ne peut se concevoir sans cet enchaînement général de toutes ses parties.

Les Romains, eux-mêmes, prennent ces divisions pour point de départ, et tel est, si nous l'expliquons bien, le sens du principe qu'ils placent en tête de leur système. Suivant ce principe, tout le droit romain se rapporte aux personæ, ou aux res, ou aux actiones. Du reste, ce n'est pas ici le moment d'indiquer jusqu'à quel point, dans ce cours, nous avons suivi le système romain pour la classification des théories particulières, quand et par quels motifs nous nous en sommes nous écarté; cette indication sera plus convenablement placée au commencement de chaque partie principale.

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