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Des divers points de vue de la science du droit et des diverses manières de la traiter.

La science du droit est, suivant son objet et son essence, destinée à la vie réelle et à l'application pratique. Mais quoique, d'après cela, on ne doive jamais perdre de vue le but pratique, cependant on peut beaucoup gagner à traiter le droit scientifiquement, et ce n'est qu'en réunissant ces deux manières de le considérer qu'on peut espérer d'en retirer le plus de profit, soit pour la vie réelle, soit pour la science.

Comme nous-mêmes nous vivons dans un état donné du droit, et que partout où nous portons nos regards le droit se présente à nous comme une donnée historique, le point de vue le plus naturel où nous puissions et devions nous placer, pour considérer le droit, est sans doute le point de vue historique.

Maintenant le droit que, par une recherche ainsi dirigée, nous trouvons en vigueur dans un État déterminé, s'appelle le droit positif de cet État.

Cependant on peut encore, dans cette investigation historique, suivre différentes routes. Ainsi nous pouvons d'abord fixer notre attention sur la teneur de ce droit positif, tel qu'il a été en vigueur à une époque déterminée, qui nous paraît la plus importante du côté pratique. Mais, pour arriver ainsi à une

connaissance dogmatique approfondie de ce droit positif, nous devons nécessairement y réunir l'histoire du droit proprement dite, en recherchant comment et par quels événements le droit, dans le cours des temps, sous l'influence des divers rapports et des diverses circonstances extérieurs, est arrivé, par un développement successif, à prendre sa forme actuelle; car un résultat de l'histoire ne peut être convenablement connu que par la voie historique, et le présent ne peut être apprécié que par un rapprochement exact avec le passé dont il est issu.

Outre le point de vue historique, il y en a encore ici un autre tout à fait différent, le point de vue philosophique. Ainsi nous pouvons, sans prendre immédiatement en considération ce qui s'est produit jusqu'ici historiquement, rechercher philosophiquement, premièrement, si et jusqu'à quel point l'État et le droit en général nous apparaissent nécessairement comme des idées fournies par la raison; deuxièmement, comment, d'après les exigences de notre rail'État et le droit doivent être organisés pour atteindre le plus haut degré de perfection ; troisièmement, si et jusqu'à quel point, dans telles circonstances et tels rapports donnés, cet état idéal du droit peut se réaliser. Le résultat de ces recherches philosophiques est le droit rationnel ou droit naturel pur, ou bien, si l'on y réunit, comme but principal, la comparaison d'un ou plusieurs droits positifs, c'est alors la philosophie du droit positif.

son,

Indépendamment de l'intérêt général que nous offre la philosophie du droit, par sa liaison immédiate avec les buts les plus élevés de l'existence humaine, elle a encore un intérêt pratique important pour la vie juridique; car elle seule peut ouvrir ou aplanir la voie à un perfectionnement plus rapide du droit en vigueur.

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Droit public et privé.

Nous rencontrons l'homme, comme membre de l'État, dans des rapports juridiques de deux espèces.

Il se trouve d'abord, comme simple individu, visà-vis d'autres simples individus qui appartiennent également à l'État. Cette position donne lieu au développement d'une multitude de rapports de droits des particuliers entre eux, qui ne semblent avoir d'importance prochaine et immédiate que pour ces particuliers, comme particuliers, privi i. e. singuli homines, privati, sans concerner immédiatement les intérêts de l'État tout entier. Les principes d'après lesquels l'État reconnaît et protége ces droits des particuliers forment le droit privé, privatum jus, appelé aussi par les Romains jus civile.

Mais le particulier contribue aussi à la formation de la société civile, de l'État dont il est membre; il figure comme partie intégrante de cette universalité.

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De là le développement d'une foule de rapports de droit qui, médiatement, touchent et intéressent aussi toujours plus ou moins ce particulier, mais non dans ses relations comme particulier avec d'autres particuliers, mais dans ses relations avec l'ensemble de l'État. Ce sont les rapports de droit de l'État lui-même, et les principes qui les régissent forment le droit public, publicum jus. Il comprend, et la théorie de la constitution politique de l'État, et la théorie des divers pouvoirs gouvernementaux, c'est-à-dire des pouvoirs qui sont accordés au chef constitutionnel de l'État, pour agir, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, et gouverner conformément au but de l'État; comme aussi la détermination précise des principes d'après lesquels ces pouvoirs gouvernementaux doivent être exercés.

Au reste, la ligne de séparation entre le droit public et le droit privé ne peut pas, on le conçoit facilement, être tracée si exactement, qu'il ne resté plusieurs points qui paraissent, d'un côté et sous un rapport, appartenir au jus privatum, et, d'un autre côté et sous un autre rapport, appartenir au jus publicum. Cela se présente plus particulièrement dans le droit romain, qui, en général, a fort étendu le cercle du droit privé.

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De l'établissement du droit positif par les lois ou les coutumes.

Le droit positif d'un peuple, étant quelque chose d'historique, ne peut naturellement jamais résulter que de certains faits historiques, savoir de faits par lesquels la volonté collective du peuple réuni en société civile, formant un État, se manifeste avec précision sur ce qui doit valoir comme une règle de droit reconnue. Ces faits forment alors les sources du droit positif.

Maintenant, comme la volonté générale a deux manières de s'exprimer, ces sources du droit sont aussi de deux espèces.

En effet, la volonté collective du peuple peut s'exprimer d'abord en forme de lois publiées; c'est ce qui arrive quand le fonctionnaire ou le corps politique auquel a été constitutionnellement confié le pouvoir législatif, et qui, en conséquence, se présente et est universellement reconnu comme l'organe juridique du peuple entier, porte à la connaissance du public un précepte de droit, avec l'ordre exprès que tous les citoyens de l'État, ou du moins ceux auxquels il est directement adressé, le suivent à l'avenir comme règle, et y conforment leurs actions. A qui appartient la puissance législative? Dans

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