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l'OEta, sont, ou de Sénèque le père, ou de quelque autre auteur qui n'est pas connu. Pour la Thébaïde et l'Octavie, on juge qu'elles sont entièrement indignes de l'esprit et de l'éloquence de Sénèque. Il est certain que l'Octavie n'est faite qu'après la mort de Sénèque, et de Néron même.

PERSE.

Perse (Aulus Persius Flaccus), poète satirique, sous l'empire de Néron, était natif de Volterre, dans la Toscane. Il était chevalier romain, parent et allié de personnes du premier rang. Il étudia jusqu'à l'âge de douze ans à Volterre; puis il continua ses études à Rome sous le grammairien Palémon, sous le rhéteur Verginius, et sous un philosophe stoïcien, nommé Cornutus, qui conçut pour lui une amitié si particulière, qu'il y eut toujours entre eux une liaison très

intime.

Ce poète était d'un naturel fort doux, plein d'amitié et de respect pour ses proches, et fort réglé dans ses mœurs. Dans ses satires il reprend souvent les défauts des orateurs et des poètes de son temps, sans épargner Néron même.

On croit qu'il avait voulu désigner ce prince par ce vers injurieux, qu'on lit dans la première de ses satires :

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On y lit aussi ces quatre vers, que l'on croit être de

1 On dit qu'il avait mis d'abord, Auriculas asini Mida rex habet.

Néron, et qu'il cite en exemple d'un style vicieux et
ampoulé :

Torva mimalloneis implerunt cornua bombis,
Et raptum vitulo caput ablatura superbo
Bassaris, et Lyncem Mænas flexura corymbis
Evion ingeminat: reparabilis adsonat Echo.

la Satire.

M. Despréaux se justifie par cet exemple. « Examinons Discours sur « Perse, dit-il, qui écrivait sous le règne de Néron; il «< ne raille pas simplement les ouvrages des poètes de << son temps, il attaque les vers de Néron même. Car << enfin tout le monde sait, et toute la cour de Néron le «< savait, que ces quatre vers, torva mimalloneis, etc., « dont Perse fait une raillerie si amère dans sa première << satire, étaient des vers de Néron. Cependant on ne << remarque point que Néron, tout Néron qu'il était, << ait fait punir Perse; et ce tyran, ennemi de la raison, « et amoureux comme on sait de ses ouvrages, fut assez galant homme pour entendre raillerie sur ses vers, « et ne crut pas que l'empereur, en cette occasion, dût << prendre les intérêts du poète. »

L'ouvrage de Perse, où règné une morale pure, et un fonds merveilleux de sens, quoique d'une étendue fort médiocre, lui a acquis beaucoup de gloire, et une gloire fort solide, dit Quintilien. Multùm et vera gloriæ, quamvis uno libro, meruit Persius. Il faut pourtant avouer que l'obscurité qui règne dans ses satires diminue beaucoup de son mérite. Elle a fait dire à quelqu'un que puisque Perse ne voulait pas être entendu, il ne voulait pas l'entendre. Si non vis intelligi, nec ego volo te intelligere.

Il mourut âgé seulement de vingt-huit ans, l'an de

Jésus-Christ 62, qui était la huitième de l'empire de Néron. Il laissa par reconnaissance à Cornutus, son maître et son ami, sa bibliothèque, composée de sept cents volumes, ce qui était alors fort considérable, et une grande somme d'argent. Cornutus accepta les livres, et laissa l'argent aux héritiers, c'est-à-dire aux sœurs de Perse.

Despréaux,

Vetus Juv. vita.

JUVENAL.

J'anticipe le temps de Juvénal pour joindre ensemble ces deux poètes satiriques.

Juvénal (Decimus ou Decius Junius Juvenalis) était d'Aquin, au royaume de Naples. Il vivait à Rome sur la fin du règne de Domitien, et même sous Nerva et sous Trajan. Il s'est rendu très-célèbre par ses satires. Nous en avons seize de lui. Il avait passé une grande partie de sa vie dans les exercices scolastiques, où il avait acquis la réputation de déclamateur véhément.

Juvénal, élevé dans les cris de l'école,

Poussa jusqu'à l'excès sa mordante hyperbole.

Jules Scaliger, qui est toujours singulier dans ses sentiments, préfère la force de Juvénal à la simplicité d'Horace. Mais tous les gens de bon goût jugent que le génie déclamateur et mordant de Juvénal est beaucoup au-dessous de cette naïveté fine, délicate et naturelle d'Horace.

Il avait osé attaquer dans sa septième satire le comédien Pâris, dont le pouvoir était énorme à la cour, et qui donnait généralement toutes les charges et de la robe et de l'épée.

Ille et militiæ multis largitur honorem,
Semestri vatum digitos circumligat auro.
Quod non dant proceres, dabit histrio.

Le fier comédien ne souffrit pas patiemment une entreprise si criminelle. Il fit bannir Juvénal en Égypte, en l'envoyant commander un régiment campé à l'extrémité de ce pays. Il revint à Rome après la mort de Domitien, et y demeura, comme on le juge par quelques-unes de ses satires, jusqu'au règne d'Adrien.

On croit que Quintilien, qui s'était fait une règle de ne nommer aucun des auteurs vivants, marque Juvénal, lorsqu'il dit qu'il y avait de son temps des poètes satiriques dignes d'estime, et qui seraient un jour fort célèbres. Sunt clari hodièque, et qui olim Quintil.l. 10,

nominabuntur.

Il serait à souhaiter qu'en reprenant les mœurs des autres avec tant de sévérité, il ne nous eût pas fait voir qu'il était lui-même sans pudeur, et qu'il n'eût pas combattu les crimes d'une manière qui enseigne plus à les commettre qu'elle n'en inspire de l'horreur.

LUCAIN.

cap. 1.

Lucain (M. Annæus Lucanus) était neveu de Sénèque. Son ouvrage le plus célèbre est sa Pharsale, où il décrit la guerre de César et de Pompée. Il est riche en belles pensées et a une grande vivacité de style; mais Quintilien croit qu'il doit être rangé plutôt parmi les orateurs que parmi les poètes : Lucanus ardens, Lib. 10, c. x. et concitatus, et sententiis clarissimus; et, ut dicam quod sentio, magis oratoribus quàm poetis annumerandus. Égaler Lucain à Virgile comme quelques-uns

l'ont voulu faire, ce n'est pas relever Lucain, mais faire voir qu'on a peu de discernement. Ce qu'on peut dire, c'est que, si l'âge eût pu mûrir l'esprit de Lucain, qui n'avait peut-être pas vingt-six ans quand il mourut, et joindre à son feu et à son élévation le jugement de Virgile, on aurait pu voir en lui un poète achevé. On a perdu plusieurs de ses poésies.

La vie de Lucain, qu'on attribue à Suétone, l'accuse d'avoir eu une langue légère et intempérante, et d'avoir surtout parlé de Néron, qui l'aimait, d'une manière capable d'irriter même un prince doux et modéré.

Il entra des premiers dans la conspiration de Pison 1, piqué de ce que Néron, par une basse jalousie, s'opposait à la réputation de ses vers, et l'empêchait de les publier. Le prince ordonna qu'on fit mourir Lucain, et on lui coupa les veines. Comme il sentait la chaleur abandonner les extrémités de son corps, se souvenant qu'il avait autrefois dépeint un soldat qui mourait de la sorte, il prononça les vers qui exprimaient sa mort, et ce furent là ses dernières paroles : frivole consolation pour un mourant, mais digne d'un poète! Il mourut l'année 65 de l'ère chrétienne, et la douzième de Néron.

PÉTRONE.

Pétrone (Petronius Arbiter), était Provençal, d'au près de Marseille, selon Sidoine Apollinaire, et vi

1 << Lucanum propriæ causæ accendebant, quòd famam carminum ejus premebat Nero, prohibuerat

que ostentare vanus adsimulatione. >> (TAC. Annal. lib. 15, cap. 49.)

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