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No. 25.

16 März

1861.

No. 25.

ITALIEN. Min. d. Ausw. an den königl. Gesandten in London.

Italiens betr.

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Turin, ce 16 mars 1861.

Monsieur le marquis, - Vers la fin du mois de janvier, le ministre Italien, de S. M. B. à Turin est venu me communiquer la dépêche de lord John Russell dont vous trouverez ci-joint une copie. Dans cette dépêche, le principal secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères de la Grande-Bretagne attribuant une faible valeur au vote par suffrage universel émis à Naples, en Sicile, dans l'Ombrie et dans les Marches, déclare réserver l'examen des questions que soulève la transformation politique de l'Italie à l'époque où les véritables intentions de la nation italienne pourront être manifestées d'une manière régulière et solennelle par les représentants légitimes réunis dans un Parlement librement élu. Après cette déclaration, lord John Russell indique quelles sont les conditions que le nouveau royaume doit remplir pour que l'Angleterre puisse continuer à entretenir avec lui des rapports conformes à la bonne amitié dont elle a donné tant de preuves à la Sardaigne. Lorsque cette dépêche me fut communiquée, l'Italie se préparait à élire les membres du Parlement national. Je me suis donc abstenu de faire connaître immédiatement à lord John, par votre entremise, l'impression que sa dépêche avait produite sur le gouvernement du Roi. En effet, il me paraissait peu utile d'engager une controverse théorique sur la valeur du suffrage universel, lorsque le moment s'approchait où l'événement duquel le gouvernement anglais faisait dépendre ses décisions définitives allait couper court à toute discussion, en infirmant ou en confirmant le résultat du vote populaire. Je me suis borné par conséquent à rassurer sir James Hudson sur les intentions du gouvernement du Roi et à lui faire connaître ma conviction que le Parlement qui allait sortir des élections ne tarderait pas છે manifester, de manière à ne laisser lieu à aucun doute, les sentiments qui animent toutes les populations de la Péninsule depuis les Alpes jusqu'à l'Etna. Mes prévisions à cet égard se sont pleinement verifiées. Le Parlement, qui vient de se réunir renferme dans son sein l'élite de la nation. Le Roi a appelé dans le Sénat les personnages qui par leur science, par leur naissance et par leurs richesses comptent parmi les grandes illustrations du pays. Le peuple, usant de son droit avec la plus absolue liberté, a envoyé à la Chambre des Députés les notabilités les plus connues de toutes les provinces italiennes. Aussitôt réuni, le Parlement s'est empressé de donner la sanction la plus formelle aux votes émis par les populations. L'accueil fait au Roi à l'ouverture de la session, les réponses des deux Chambres au discours du Trône, la constitution du bureau de la présidence, enfin le vote unanime sur la loi relative au nouveau titre que le Roi devra porter ne sauraient laisser subsister le moindre doute à ce sujet. Le suffrage universel a été suivi chez nous d'une contre épreuve éclatante. Si l'on peut discuter la valeur abstraite et théorique de ce mode de manifestation de la souveraineté nationale, on doit convenir que, par rapport à l'Italie,

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il a été l'expression sincère, libre et spontané d'un sentiment qui domine No. 25. tous les autres et qui a acquis une force irrésistible. Je m'empresse de 16. Marz constater, du reste, que lord John Russell a reconnu et proclamé lui-même le fait que je viens d'énoncer, d'une manière aussi sympathique et bienveillante pour l'Italie, qu'honorable pour le gouvernement du Roi. Il ne me reste plus par conséquent, à l'égard de la première partie de la dépêche de lord John Russell, qu'à vous charger de lui exprimer notre reconnaissance pour la façon énergique et brillante avec laquelle, dans une discussion récente, il a su rétablir les faits et venger le Roi et notre pays des injures que leur prodiguaient les adversaires passionnés des grands principes de liberté civile et religieuse, dont le triomphe en Italie est maintenant assuré. Le caractère éminemment national du gouvernement qui vient d'être fondé étant constaté, je dois, pour répondre complétement aux questions soulevées par la dépêche du 20 janvier, examiner si ce gouvernement dispose des forces morales et matérielles nécessaires pour remplir ses devoirs soit à l'intérieur, soit dans ses rapports avec les autres puissances. Que le gouvernement soit solidement établi, qu'il dispose de tous les moyens nécessaires pour gouverner, c'est ce qu'on ne saurait contester. Dans les nouvelles provinces de la haute et moyenne Italie l'administration marche presque avec la même régularité; elle rencontre aussi peu d'obsta eles que dans celles qui depuis des siècles faisaient partie du royaume de Sardaigne. Aucun symptôme d'opposition extralégale ne s'est manifesté, ni en Lombardie, contrée que l'on signalait comme si difficile à gouverner, ni dans les Romagnes où la haine du régime sacerdotal avait développé de si ardentes passions, ni dans les duchés, où l'on aurait pu craindre que la perte des avantages que de petites Cours procurent aux localités où elles résident fût une cause de mécontentement. Quant à la Toscane, où l'on supposait que l'ancien régime, moins violent et moins corrompu qu'ailleurs, laisserait des traces profondes et de vifs regrets, elle a été et elle est encore un grand élément de force pour le gouvernement et d'ordre pour le pays. Nulle part, en effet, la fusion politique n'a soulevé moins de difficultés. Pour le prouver, il suffit de rappeler un fait que probablement les ennemis de la cause italienne dans le Parlement britannique ignoraient: c'est que depuis huit mois il n'y a pas un seul bataillon de troupes régulières dans ce pays, et que néanmoins on a pu supprimer le régime spécial d'administration qu'on y avait laissé sans qu'aucune manifestation hostile se soit produite. Il existe, il est vrai, de très-graves difficultés administratives dans l'Italie méridionale, mais peut-on s'en étonner, en réfléchissant que le gouvernement des Bourbons, qui a duré plus d'un siècle et qui succédait lui-même au gouvernement bien connu des vice-rois espagnols, avait érigé en systême la corruption et s'était attaché à saper dans toutes les branches de l'administration les principes de moralité, de bonne fois, de patriotisme sans lesquels les meilleures lois, les institutions les plus parfaites ne peuvent donner que des résultats déplorables. ¶ L'influence de la liberté, l'action puissante et salutaire du Parlement ne tarderont pas à apporter un remède efficace à un tel état de choses. En attendant, s'il peut créer quelques

No. 25. embarras au gouvernement, il n'est pas pour lui une cause de faiblesse, Italien, car nulle part ces difficultés administratives n'ont servi de prétexte ou de

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masques à de véritables oppositions dynastiques ou extralégales. Par con-
séquent, je ne pense pas me faire illusion en affirmant que le gouvernement
dispose de moyens largement suffisants pour assurer l'ordre à l'intérieur
et régler ses relations avec les puissances étrangères, suivant les devoirs
que lui imposent les traités et les principes du droit des gens. Mais
cette affirmation ne répond qu'incomplétement aux questions posées par
lord John Russell. Ce qui le préoccupe probablement, c'est de connaître
la manière dont nous entendons les devoirs dont je viens de parler. Et
comme dans sa dépêche du 20 janvier, tout en traitant des questions poli-
tiques d'une façon générale, il fait une allusion marquée à celle du 31 août 1860,
je suis fondé à croire que c'est au sujet de nos rapports avec l'Autriche
qu'il désire obtenir des éclaircissements positifs.
C'est donc sur ce point
que je crois devoir m'expliquer de nouveau sans réserve. ¶ Le gouverne-
ment du Roi, fidèle interprète des sentiments qui animent le pays tout
entier, ne cache pas sa sympathie profonde pour les populations que le
traité de Campo-Formio a fait passer sous la domination de l'Autriche.

ne

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se dissimule pas que tant que ces provinces seront séparées du reste de l'Italie, le calme ne se rétablira pas complétement dans les esprits; la nation, émue par le triste spectacle des souffrances des Vénitiens, songera constamment à leur délivrance. Il sait, en un mot, que tant que Venise, gémissante, tendra les bras vers les autres métropoles de l'Italie, il sera impossible de rétablir avec l'Autriche des relations amicales et propres à garantir une paix sincère et durable. ¶ Mais le gouvernement du Roi sait en même temps qu'il est des considérations d'un ordre supérieur qui ne lui permettent pas de suivre l'impulsion des sentiments qui animent tous les Italiens. Il sait qu'il doit à l'Italie de sauvegarder les intérêts qu'elle lui a confiés et que les égards et la reconnaissance qu'il doit aux puissances qui ont aidé l'Italie à sortir de l'état d'oppression où elle était tombée depuis des siècles, lui imposent des devoirs qu'il saura accomplir, quelque douloureux qu'ils puissent être. ¶ Dans l'état actuel de l'Europe la question de la Vénétie n'est pas susceptible d'une solution isolée; on ne pourrait tenter de la résoudre par la force sans allumer un incendie qui porterait bien loin ses ravages et dont l'Europe ferait tomber la responsabilité sur le gouvernement qui, sans provocations, ferait franchir la frontière à ses soldats. Convaincu de cette vérité, le gouvernement du Roi est décidé à faire tous ses efforts pour prévenir tout acte qui pourrait directement ou indirectement amener une guerre européenne. Il attendra que les événe ments, en se développant, fassent passer dans l'esprit de tous les hommes d'Etat de l'Europe, qu'ils soient les adversaires ou les partisans de l'Autriche, la conviction partagée déjà par tous ceux qui ont étudié de près la question de Venise, que la possession de cette province est une cause d'affaiblisse ment pour l'Autriche en même temps qu'elle est une cause de troubles pour l'Italie et pour l'Europe. Il y a six mois, en exposant au Parlement dans une occasion solennelle la politique du gouvernement, j'ai indiqué

Italien,

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presque dans les mêmes termes dont je viens de me servir quelle serait No. 25. notre conduite vis-à-vis de l'Autriche. J'ai déclaré alors et je répète au- 16. März jourd'hui que les Italiens peuvent attendre avec pleine confiance le verdict de l'opinion publique dans la grande cause qui se débat entre eux et l'Autriche. Qu'il me soit permis d'ajouter aujourd'hui que ce qui pouvait paraître douteux alors devient chaque jour plus évident et que les changements que les derniers temps ont apportés soit en Autriche, soit dans la Péninsule italienne, n'ont fait que démontrer de plus en plus la nécessité d'une solution pacifique de la question vénitienne. Peu de mots suffiront, M. le marquis, à éclaircir complétement ma pensée à cet égard. ¶ Le cabinet de Vienne, je me plais à le reconnaître, est entré tout à coup dans des voies franchement libérales. Renonçant sans hésitation aux principes qu'il avait adoptés à la suite des événements de 1848 et 1849, il a doté toutes les provinces de l'empire d'institutions que je n'ai pas la prétention de juger, mais qui paraissent reposer sur les idées que professent les nations les plus avancées de l'Europe. La Vénétie seule est exclue des bienfaits du nouveau régime impérial. ¶ Dans toutes les autres contrées de l'empire des Assemblées populaires sont instituées, des Diètes sont convoquées, la liberté est organisée, Venise seule fait exception. Dans la Vénétie il n'y a de place que pour y faire camper des soldats; aucun autre régime n'y est possible que celui de l'état de siége. Un tel contraste, je le demande à la noble nation britannique, n'est-il pas fait pour convaincre les incrédules que l'Autriche, quelques efforts qu'elle fasse, quelles que soient les modifications qu'elle apporte dans son régime intérieur, ne peut changer sa position dans la Vénétie? Ce fait ne doit-il pas suffire à amener l'opinion publique en Europe à réclamer une solution pacifique de la question vénitienne? ¶ D'un autre côté, par suite des réserves que le roi Victor-Emmanuel avait faites aux préliminaires de Villafranca et qui ont été soigneusement maintenues dans les négociations de Zurich, par suite d'un de ces élans nationaux dont il y a peu d'exemples dans l'histoire, l'Italie centrale d'abord, et récemment l'Italie méridionale, sont venues former avec la Lombardie et les anciens Etats de Sa Majesté un nouveau royaume d'Italie. L'Angleterre, fidèle à ses traditions libérales, a reconnu le fait des annexions en témoignant hautement ses sympathies pour un mouvement accompli avec tant d'ordre, de régularité et de modération. La plupart des autres puissances ont réservé leur adhésion et, sans reconnaître le nouvel état de choses, se sont abstenues de prendre une attitude hostile vis-à-vis du gou vernement du Roi. L'Autriche seule a protesté d'une manière formelle contre la réunion de l'Italie centrale aux Etats du Roi, en réservant ses droits sur ces contrées et ceux des princes qui ont fait cause commune avec elle. Quoique sous une forme très-confidentielle, elle a fait connaître qu'elle se réservait le droit de faire valoir ses prétentions lorsqu'elle le jugerait convenable pour ses intérêts. ¶ Il résulte de ceci que la position que le traité de Zurich avait établie entre le gouvernement du Roi et l'Autriche se trouve sensiblement modifiée et que nous nous trouvons maintenant en présence d'une puissance qui non seulement refuse de nous recon

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No. 25. naître, mais qui se réserve de faire valoir des prétentions qui auraient pour Iatalien, effet de plonger de nouveau l'Italie dans l'état de servitude où elle a gémi si longtemps. Ces réserves et ces protestations ne se sont pas bornées à de simples paroles, des actes significatifs les ont accompagnées. ¶ Qu'il suffise de rappeler que le gouvernement autrichien a constamment maintenu sur notre nouvelle frontière les troupes qui avaient suivi le duc de Modène. Ces troupes ont gardé leur drapeau et leur cocarde, elles sont encore orga nisées comme en temps de guerre, elles sont toujours prêtes à envahir l'ancien territoire de leur maître. J'ai hâte d'ajouter que je n'ignore pas que le cabinet de Vienne a déclaré à plusieurs reprises qu'il n'avait pas l'intention de nous attaquer, pourvu que nous respections ses frontières. Je suis loin de mettre en doute la valeur de cette déclaration et, par conséquent, de regarder notre pays comme en état de guerre avec l'Autriche. Cependant, il est impossible de se dissimuler que la nature même des choses, et les événements qui se sont accomplis depuis la signature du traité de Zurich, ne rendent notre position vis-à-vis de cette puissance, anormale, difficile et dangereuse. Lord John Russell est trop loyal et trop bienveillant envers l'Italie pour ne pas le reconnaître ou pour faire retomber exclusivement sur nous la responsabilité de cet état de choses. ¶ J'espère d'ailleurs que les explications dans lesquelles je suis entré le rassureront complétement sur nos intentions; car elles me paraissent ne laisser aucun doute ni sur l'étendue des moyens dont le gouvernement du Roi dispose, ni sur notre ferme volonté de conformer notre conduite à ce qu'exigent les grands intérêts européens en prêtant l'oreille aux conseils de modération et de prudence qui nous viennent des puissances qui, comme l'Angleterre, nous ont donné tant de preuves de sympathie et d'intérêt. ¶ Veuillez, monsieur le marquis, donner lecture et laisser copie de cette dépêche à S. Exc. le premier secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères et agréez, etc. AS. E. le marquis d'Azeglio C. de Cavour.

à Londres.

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OESTERREICH.

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Min. d. Ausw. an den k. k. Gesandten in London. Schilderung der Zustände Venetiens in einer Depesche des Turiner

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Cabinets) betr.

Die

Vienne, le 27 avril 1861. Monsieur le comte, Les journaux ont reproduit dans ces derniers temps une dépêche adressée par M. le comte de Cavour au marquis d'Azeglio, 27. April en date du 16 mars 1861*). ¶ Bien que la publication dont il s'agit n'ait

reich,

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eu jusqu'ici, si je ne me trompe, aucun caractère officiel, elle a cependant attiré notre attention, et il nous serait difficile de laisser passer entièrement sous silence les assertions contenues dans ce document. ¶ Je n'entreprendrai pas de discuter ici les appréciations de M. de Cavour sur la situation actuelle des pays soumis aujourd'hui à la domination piémontaise. Le caractère et les effets de cette domination, les manifestations et *) No. 25.

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